Changement climatique : une fonte record des glaciers Alpins en 2022
dimanche 23 avril 2023
Restes de la mer de glace à Chamonix (Haute-Savoie) - 12 juillet 2022 - Twitter @Fannyhardy
Parfaits témoins du changement climatique, la fonte des glaciers ne cesse de s’amplifier au fil des décennies. Malheureusement, l’année 2022 ne déroge pas à la règle avec une fonte ayant atteint des niveaux records, notamment parmi les glaciers Alpins. Tel est le constat du rapport nouvellement paru de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), faisant le bilan du climat mondial de l’année écoulée (>>)
L’étude s’est effectuée en analysant le bilan de masse parmi une quarantaine de glaciers répartis à travers la planète, disposant une très longue série d’observations. Ce bilan de masse (différence entre l’accumulation hivernale et la fonte estivale) est mesurée en « mètre équivalent eau » (abrégé « m w.e. » en anglais): elle représente l’épaisseur de l’eau que l’on obtiendrait en faisant fondre la glace.
Sur l’année hydrologique 2021/2022, les observations font état d’un bilan de masse moyen de -1.18m w.e., soit une perte beaucoup plus importante que la moyenne des dix dernières années. Il s’agit également de la 2e fonte la plus importante depuis le début de la série de mesures en 1950 (derrière la saison 2018/2019). Au total, la perte cumulée depuis le début des années 1970 atteint les 26m d’équivalent eau. Six des dix années avec les plus grandes fontes se sont produites depuis 2015 pour ce panel mondial de glaciers.
Variation du bilan annuel de masse des glaciers (en mètre équivalent eau - m w.e) - moyenne du panel d'une quarantaine de glacier mondiaux entre 1950 et 2022 // Données : World Glacier Monitoring Services
Des variations plus régionales ont toutefois été observées. Un gain de masse a notamment été constaté en Islande et du côté du nord de la Norvège en raison d’un été relativement frais et de précipitations excédentaires. A l’inverse, les mesures sur les glaciers de haute montagne d’Amérique du Nord ou du Sud, en Asie ou dans certaines parties de l’Arctique ont révélé d’importantes pertes de masse.
Mais surtout, les glaciers des Alpes ont été les plus sollicités avec une fonte record au cours de la saison dernière, bien supérieure à la variabilité historique. Si le bilan de masse est de -1.18m w.e. sur les 40 glaciers mondiaux analysés, il atteint une perte de -3.5m w.e. l’année dernière sur les glaciers Alpins, une fonte annuelle jamais vue sur cette partie du globe depuis le début des observations (battant le record de l’année 2003 et son été historiquement chaud).
Variation du bilan annuel de masse des glaciers Alpins (en mètre équivalent eau - m w.e) entre 1960-2022 // Données : Copernicus
En Suisse, 6.2 % du volume de glace des glaciers ont été perdus entre 2021 et 2022. Dans ce pays, le volume de glace des glaciers est passé de 77 km3 à 49 km3, soit une diminution de plus d'un tiers en l’espace de 20 ans. Pour la première fois dans l'histoire du pays, aucune neige n'a survécu à la saison de fonte estivale, même sur les sites de mesure les plus élevés. L'ascension d'un ballon météorologique à Payerne, en Suisse, a enregistré 0 °C à une altitude de 5 184 m le 25 juillet, soit la plus haute valeur enregistrée en 69 ans et la deuxième fois seulement que l'altitude de la ligne du zéro degré dépasse 5 000 m.
Variation annuelle du volume des glaciers en Suisse par rapport à l'année précédente - période d'observations entre 2000 et 2022 // Données : Matthias Huss - Swiss Glacier Mass Balance (2022)
Côté Français, les observations de long terme montrent que la perte de masse de l’année 2022 est également un record pour les glaciers de tout l’arc Alpin mais aussi des Pyrénées, dépassant 2003, 2015 ou encore 2019. Plusieurs causes sont identifiées pour expliquer une année aussi catastrophique :
- Une saison hivernale très peu enneigée, ne permettant pas à la glace d’être protégée au début de l’été, suivi d’un printemps sec (60% de déficit en mai en France).
- La présence de poussières Sahariennes en mars 2022, assombrissant la surface de la neige, et qui par réduction d’albédo a absorbé davantage de chaleur, et accélerant la fonte.
- La multitude de vagues de chaleur au cours de l’été 2022, entrainant une perte massive de glaces (été 2022 le 2e plus chaud observé en France). La fonte ayant même débuté un mois plus tôt en raison d’une chaleur particulièrement hâtive (masse d’air caniculaire dès le mois de juin).
Les bilans de masse annuels pour 2022 font état de pertes de –2.9 et –3.1 mètres équivalent eau (m w.e.) pour les glaciers de Saint-Sorlin et de Sarennes (massif des Grandes Rousses) qui disposent d'une série d'observations de plus de 65 ans. Au total, la perte de masse des glaciers alpins en France pour la seule année 2022 est évaluée entre 5 et 7% d'après une étude publiée dans la revue "La Météorologie" en février 2023 (>>).
Bilans de masse annuels cumulés (en mètres équivalent eau) parmi sept glaciers Alpins français // Revue "La Météorologie" (2023)
* Petits triangles = mesures in situ annuelles. Grands triangles = données de bilans photogrammétriques. Pointillés = reconstitutions à partir de données météorologiques.
La fonte de ces glaciers devrait malheureusement se prolonger en raison de la poursuite de la hausse de la température mondiale. Certains glaciers Français, en très net recul, pourraient donc totalement disparaitre du paysage. La moitié des glaciers de la planète est condamnée à disparaître à l'horizon 2100 dans l’optique d’un réchauffement limité à +1.5°C. Un chiffre montant à 65% environ de perte pour une hausse de +2.7°C… et une disparition presque totale (83% environ) dans le cas extrême d’une hausse de +4°C, d’après une étude de la revue « Science » paru en janvier 2023 (>>).