Coulée d'air froid : l'influence des vents catabatiques
samedi 20 mars 2021Malgré le début officiel du printemps calendaire, cette fin de semaine est marquée par un nouveau soubresaut hivernal, avec le retour du froid et même de la neige en quantité sur la plupart des reliefs.
Avec l'avancée dans la saison (nuits de plus en plus courtes), les températures sont bien au delà des niveaux que nous avons pu observer en plein cœur de l'hiver. Et pourtant, la situation générale est l'archétype des coulées froides hivernales marquées : un anticyclone s'étendant sur une partie de l'Europe du Nord d'une part, et un système dépressionnaire en Méditerranée d'autre part, place la France dans un flux de Nord-Est synonyme d'air froid continental en provenance d'Europe de l'Est.
Situation générale au samedi 20 mars 2021 - modèle CEP - ECMWF
Cet air froid a fini par envahir l'ensemble de notre territoire en milieu de semaine. Toutefois, la géographie particulièrement de notre pays facilite l'écoulement de cet air froid en certains secteurs. La preuve lors de la journée du jeudi 18 mars, où nous avons pu constater une masse d'air froid canalisée du Jura jusqu'au golfe du Lion (voir carte ci-dessous).
Isohtherme 0°C - jeudi 18 mars 2021 - Modèle Arome via Météociel
Cette situation est tout à fait courante lors de ces multiples offensives hivernales. Elle voit son origine par la présence de reliefs favorisant la levée de "vents catabatiques".
Qu'est ce qu'un vent catabatique ?
Le mot catabatique vient du grec « katabatikos » signifiant « descendant la pente ». Un vent catabatique est, dès lors, un vent qui descend la pente, et que l'on peut le trouver dès lors qu’il y a du relief.
Mais comment un tel vent peut-il descendre une pente ? Pour cela, l'air froid joue un rôle tout particulier. Un air froid est dit "dense", il est en effet nettement plus lourd que l'air chaud. Dès lors qu'une masse d'air froid aborde une zone de montagne, son poids lui permet alors de glisser le long du relief afin de s'engouffrer vers les plaines et vallées.
En France, plusieurs zones de reliefs sont responsables de la présence de vents catabatiques bien connus de tous. Et la coulée froide de ces derniers jours en a été le témoin avec 4 zones en particulier en ce samedi 20 mars : il s'agit de la BISE (bassin Lémanique/vallées Savoyardes d'une part, val de Saône d'autre part), du MISTRAL (vallée du Rhône) et de la TRAMONTANE (Languedoc et Roussillon).
Multiples zones de vents forts et froids d'origine "catabatiques" - samedi 20 mars 2021 - Modèle Arpège via Météociel
LA BISE
Lorsque la coulée d'air polaire ou continentale descend du Groenland vers la Méditerranée comme cette semaine, la masse froide glisse le long des pentes du Jura ainsi que des Alpes vers le Léman dont la température est très constante été comme hiver : l’air «doux» au-dessus du lac s’élève, ce qui renforce le vent froid polaire descendant des montagnes. Ce vent porte un nom : la "bise".
Ce vent est de secteur Nord à Nord-Est sur le bassin Lémanique, se prolongeant côté français dans les vallées Savoyardes et Haut-Savoyardes. Il concerne dès lors principalement les villes de Genève, Annecy, et dans une moindre mesure Chambéry.
Parmi les épisodes récents marquants, notons la vague de froid de février 2012 ayant permis la levée d'une bise particulièrement glaciale (plus de 80km/h à Genève le 10 février par des températures largement négatives), figeant les rives du lac Léman.
Conditions météorologiques à Genève le 10 février 2012 en condition de bise - Infoclimat
Port de Publier-Amphion (Haute-Savoie) sur les bords du Léman pris sous les glaces en raison de la bise - 10 février 2012 - Guillaume Guili
Sur l'autre versant du Jura, la bise est également présente. Elle voit toujours son origine avec la présence d'une masse d'air froid en provenance du Nord de l'Europe, parvenant à glisser sur les pentes du Jura ainsi que depuis le Morvan, pour se cantonner au sein du val de Saône.
LE MISTRAL
Probablement l'un des vents les plus connus, ce vent profite aux régions Méditerranéennes en véhiculant un air sec dégageant entièrement le ciel, mais il s'accompagne également d'un air généralement froid !
Ce vent catabatique, de secteur Nord, s'écoule le long de la vallée du Rhône, avec un air froid glissant d'une part le long des pentes du Massif-Central à l'Ouest, et des Préalpes à l'Est. Fortement canalisé, il profite alors d'un effet venturi (accélération du flux lorsque la vallée se rétrécit) pour apporter son air froid et se déchainer sur le Gard Rhodanien, sur le Vaucluse ainsi que dans les Bouches-du-Rhône (rafales pouvant dépasser les 130 à 140km/h pour les épisodes les plus importants).
Dégâts sur la gare TGV de Avignon (Vaucluse) suite à un important épisode de mistral - 8 janvier 2019 - Le Dauphiné
LA TRAMONTANE
Même fonctionnement, même effet pour un autre vent bien connu : "la tramontane". Ce vent froid voit son origine d'une zone canalisée entre les Pyrénées d'une part et la Montagne Noire (Massif-Central) d'autre part.
Lors de l'arrivée d'une masse d'air froid en provenance du Nord de l'Europe, cet air glisse sur les pentes de ces deux reliefs, et se retrouve accéléré par effet venturi sur la plaine de l'Aude, avant d'atteindre les côtes ainsi que le Roussillon. Il peut, lui aussi, être virulent, dépassant allègrement les 100km/h sur le secteur de Leucate, et autour de Perpignan. Ce vent se prolonge bien au delà du pays, atteignant la plaine de l'Empordà ainsi que les Baléares (Espagne).
En dehors de notre pays, le phénomène catabatique le plus impressionnant se déroule au dessus des terres "glacées". Le continent Antarctique est alors fortement touché, créé par la pellicule d’air très froid au-dessus du plateau continental s’écoulant en direction des côtes et de l’Océan glacial. Ce vent de pente, par sa fréquence et sa force, détermine largement le climat local des régions qui le subissent régulièrement.
Parfois, cet écoulement naturel de l’air froid vers le bas d’une pente souffle en tempête dévastatrice, atteignant des forces d’ouragan en bordure côtière. C’est le cas de certains épisodes observés à Dumont d’Urville (base Antarctique Française), avec des vitesses de vent instantané dépassant allègrement 180/200 km/h.
Schéma de fonctionnement du vent catabatique en Antarctique - extrait du livre "Météo Extrême"- éditions Guillaume Séchet
Vent catabatique soufflant sur le dépôt de vivres et de matériels au cours d'un raid en direction de la base Charcot (Antarctique)