L'homme serait-il capable de refroidir la planète ?
jeudi 22 septembre 2022Sulfuriser la stratosphère avec des ballons pulvérisateurs pour refroidir le climat - via Sciences & Vie
L'été 2022 exceptionnellement chaud & sec a éveillé de nombreuses consciences. Une question peut se poser : l'homme serait-il capable d'utiliser ses connaissances pour refroidir le climat sur Terre ?
Rejets de CO₂ et température ne cessent de grimper
C'est un fait, la température mondiale poursuit son inexorable augmentation. Celle-ci s'est surtout accélérée à compter des années 1980. Entre les années 1970 et aujourd'hui, la moyenne des températures à la surface de la Terre a augmenté d'environ 0,8°C. Cependant, on a constaté un nouvel emballement de l'augmentation au cours de la décennie 2010-2020, ne laissant rien présager de bon pour l'avenir. L'été 2022 que la France a connu apparaît comme un signal d'alarme pour notre climat futur.
Augmentation de la température mondiale de 1890 à 2021 - via JMA
Après un bref recul au plus fort de la pandémie du covid, les émissions mondiales de CO₂ sont de nouveau en hausse et le record annuel est bien parti pour être battu en cette année 2022, qui deviendra la pire en terme de rejet de dioxyde de carbone. Malgré les multiples accords sur le climat et l'urgence climatique, inverser la tendance de manière drastique semble quasiment impossible. Si les pays comme la France ont réduit considérablement leurs émissions par rapport au siècle dernier, les pays émergents voient leurs émissions exploser tandis que les super-puissances que sont la Chine et les États-Unis continuent de rejeter des quantités astronomiques de CO₂.
Évolution des émissions de CO₂ dans le monde de 1970 à aujourd'hui - via Zhu Liu
Si nous ne sommes pas en mesure de baisser suffisamment nos émissions de CO₂, la solution pourrait-elle venir d'ailleurs ? Un temps considérés comme des fous, ceux qui réfléchissent à refroidir le climat à l'aide de la science commencent à être pris au sérieux. L'espoir qui avait accompagné les Accords de Paris signés en 2015 s'est depuis évanoui face aux courbes d'émissions de CO₂ toujours orientées vers le haut. Ainsi, la géo-ingénierie a le vent en poupe. Les différentes techniques qui pourraient permettre de faire baisser la température sur Terre sont désormais prises en considération. Parmi celles-ci, deux sont jugées crédibles et retiennent l'attention.
Bloquer les rayons solaire à l'aide du soufre
C'est une des deux techniques considérées comme crédibles. Celle-ci consisterait à injecter des millions de tonnes de particules de soufre par an dans la stratosphère (vers 20 km d'altitude). L'objectif étant d'imiter les effets des grandes éruptions volcaniques survenues par le passé. En effet, les particules de soufre atteignant la stratosphère filtrent une partie des rayons du soleil pendant plusieurs mois voire plusieurs années, ce qui induit une baisse de la température à la surface de la Terre. Le projet n'a rien d'irréalisable. Il suffirait d'envoyer de nombreux ballons-sondes, des drones ou des avions adaptés aux hautes altitudes. Comme les particules de soufre se dissipent avec le temps, il faudra renouveler régulièrement l'opération.
Sulfuriser la stratosphère avec des ballons pulvérisateurs pour refroidir le climat - via Sciences & Vie
L'idée est jugée crédible, à tel point que des modèles ont simulé les effets d'une pulvérisation de millions de tonnes de particules de soufre dans la stratosphère sur l'évolution de notre climat. Les projections indiquent que cette technique parviendrait à limiter la hausse de la température mondiale à +1,5°C d'ici la fin du siècle, tandis que nous atteindrions au moins +3°C si nous ne faisons rien. Cette fameuse limite de 1,5°C est celle qui avait été fixée par les Accords de Paris en 2015.
Augmentation de la température d'ici 2100 sans la technique du soufre (à gauche) et avec (à droite) - via Phil. Trans. & Sciences & Vie
Sur le papier, la technique fonctionne. Cependant, le soufre possède de nombreux défauts, si bien que certains chercheurs lui préfèreraient le calcaire. Si cela pourrait également fonctionner, diffuser ces particules dans la stratosphère atténuerait la puissance des rayons du soleil au sol, ce qui fait craindre des pertes de rendement pour certaines cultures. Par ailleurs, les rayons solaires touchent bien davantage l'équateur que les pôles. Cette technique pourrait ainsi refroidir plus efficacement les latitudes tropicales et bien moins les régions polaires. Enfin, les modélisations ont mis en évidence un risque de perturbation de la pluviométrie en cas d'utilisation de cette technique. Certaines régions du monde deviendraient plus sèches ou plus humides, ce qui pourrait aussi avoir des conséquences très néfastes.
Simulation de la perturbation de la pluviométrie avec la technique du soufre - via Earth's Future & Sciences & Vie
Alcaliniser les océans pour engloutir le CO₂
Il existe une autre technique crédible pour refroidir le climat sur Terre, qui semble apparaître plus judicieuse. Il faut savoir que les océans absorbent déjà 28% de nos émissions de dioxyde de carbone. L'idée serait d'augmenter leur capacité d'absorption du CO₂. Pour se faire, il faudrait répandre par bateaux d'immenses quantités de particules de minéraux. L'olivine apparaît comme le minéral idéal car il est présent en abondance sur terre et se dissout facilement dans l'eau. En alcalinisant les océans, ces derniers seraient capables d'ingurgiter d'immenses quantités de CO₂, près de 3.500 milliards de tonnes d'ici la fin du siècle selon des estimations ! De plus, ce procédé augmenterait le pH de l'eau, ce qui lutterait également contre l'acidification de nos océans.
Alcaliniser les océans pour absorber davantage de CO₂ et refroidir le climat - via Sciences & Vie
Des modèles ont simulé les effets d'une alcalinisation massive de nos océans et les projections sont sans appel. Actuellement, les eaux des régions tropicales sont sources de dioxyde de carbone et seules les eaux froides absorbent le CO₂ en quantité. Avec des océans bien plus alcalins, toutes les eaux du monde absorberaient le CO₂ en grandes quantités, même les régions tropicales. Cela permettrait de réduire considérablement les taux de dioxyde de carbone dans notre atmosphère et de parvenir à maintenir l'objectif d'une hausse de 1,5°C de la température mondiale d'ici la fin du siècle.
Absorption du CO₂ par les océans d'ici sans géo-ingénierie (à gauche) et avec (à droite) - via Institut Max-Planck & Sciences & Vie
Si cette technique apparaît prometteuse, elle n'est pas non plus sans danger. En effet, cette vaste alcalinisation des océans réalisée par l'homme serait susceptible de bouleverser les écosystèmes marins. Les quantités et les lieux de déversement des minéraux devraient être étudiés de près pour limiter les conséquences sur la faune marine. De plus, obtenir tous ces minéraux à déverser dans nos océans nécessiterait l'ouverture de nombreuses mines. Il faudrait ensuite les acheminer puis les déverser à l'aide de milliers de bateaux.
Alcaliniser les océans pourrait avoir des conséquences sur les écosystèmes - photo pixabay
Pour résumer, il existe bien des pistes pour tenter de refroidir le climat terrestre à l'aide de la géo-ingénierie, mais toute intervention humaine sur le climat aurait forcément des conséquences, raison pour laquelle il ne s'agit pour l'instant que de simples réflexions. Cependant, ces pistes pourraient devenir des solutions plus concrètes dans les prochaines décennies si jamais le réchauffement continuait à s'emballer. Quoiqu'il en soit, décider d'intervenir sur le climat à échelle mondiale nécessiterait que la communauté internationale se mette d'accord, ce qui ne serait assurément pas chose aisée...