L'impact du réchauffement climatique sur la neige en montagne
mercredi 25 novembre 2020Avec des hivers de plus en plus doux en France, l'enneigement a tendance à diminuer sur nos reliefs. Cette tendance à la baisse a des conséquences plus ou moins importantes pour les stations de ski.
Une baisse progressive de l'enneigement
Avec le réchauffement climatique, les épaisseurs de neige se réduisent en montagne et la saison enneigée se restreint. Cette tendance est particulièrement nette en moyenne montagne.
Durée annuelle avec présence de neige au sol (et couche de plus d'1m) au col de Porte en Isère - via France Info
La station du col de Porte située à 1325 mètres près de Grenoble (Isère) sert d'exemple pour illustrer la baisse de l'enneigement car elle est représentative de la tendance à la baisse observée sur la plupart des massifs de moyenne montagne en France. Si on lisse la durée annuelle avec la présence de neige au sol, on constate un recul moyen de 5 jours par décennies de 1960 à nos jours.
Le constat est encore plus éloquent pour la baisse du nombre de jours avec au moins 1 mètre de neige au sol. Celle-ci est deux fois plus importante, d'un peu plus de 10 jours en moins par décennie. Depuis les années 1990, près d'une année sur 2 a connu moins de 20 jours avec au moins un mètre de neige au sol. Sur les 30 années précédentes, cela n'était arrivé que 3 fois !
Nombre de jours par an avec au moins 1 mètre de neige à 1800m dans les Alpes du Nord - via France Info
Nombre de jours par an avec au moins 50 cm de neige à 1800m dans les Alpes du Sud - via France Info
En revanche, on constate un recul de l'enneigement nettement moins important à plus haute altitude. Il devient véritablement limité à partir de 1800 mètres. Le premier graphique ci-dessus montre une petite tendance à la baisse du nombre de jours par an avec plus d'un mètre de neige au sol dans les Alpes du Nord (à 1800m). Pour le Sud des Alpes, le nombre de jours par an avec au moins 50 centimètres (à 1800m) ne diminue pratiquement pas. On note cependant de fortes disparités entre les années.
Lorsque l'on grimpe au dessus de 2000 mètres, la tendance à la baisse de l'enneigement tend à s'effacer. À ces altitudes, les températures sont souvent négatives et la plupart des précipitations tombant à la saison hivernale se font sous forme de neige. C'est en dessous de 1800 mètres que la hausse moyenne de la limite pluie/neige a des conséquences notables car la moyenne montagne est de plus en plus fréquemment touchée par les redoux pluvieux au cours de la saison froide.
Des conséquences notables pour les stations
Cette baisse de l'enneigement moyen en montagne a des conséquences importantes pour les stations et les projections pour les décennies à venir ont de quoi inquiéter...
Évolution de la part des domaines skiables praticables dans les Alpes d'ici la fin du siècle - via nature.com
Les modèles climatiques sont unanimes : la baisse de l'enneigement en montagne va se poursuivre au cours des prochaines décennies. Tous les massifs français seront touchés mais ce sont bien évidemment les stations situées à moyenne altitude qui devraient en faire les frais le plus rapidement.
La modélisation ci-dessus est réalisée à partir d'un scénario de la poursuite du réchauffement à sa vitesse actuelle. Elle s'intéresse aux Alpes, massif le mieux loti en terme d'enneigement. La dimension des cercles correspond à la taille des domaines skiables par massifs et la portion bleutée des cercles évoque la part du domaine skiable praticable, pour la période 1986-2005 (à gauche) puis pour les modélisations de 2030-2050 (au centre) et 2080-2100 (à droite).
On constate que l'ensemble des massifs verront la part praticable des domaines skiables se réduire à cause de la baisse de l'enneigement. Les cartes ci-dessus montrent les conséquences sans neige de culture. On note que même les massifs les mieux lotis tels que la Vanoise ou la Haute-Tarentaise verraient près de la moitié de leurs domaines skiables devenir impraticables d'ici la fin du siècle !
Évolution de la part des domaines skiables praticables d'ici 2100 en intégrant la neige de culture - via nature.com
Les cartes ci-dessus intègrent les effets de l'utilisation des canons à neige pour compenser la baisse de l'enneigement naturel. Grâce à cette neige de culture, les domaines skiables resteraient praticables à près de 75% en Vanoise et Haute-Tarentaise à la fin du XXIème siècle. Ce maintien de l'activité vient surtout du fait que la haute montagne devrait conserver des températures souvent négatives permettant un usage fréquent et qualitatif des canons à neige.
En revanche, la situation deviendrait très compliquée pour les massifs de moyenne montagne où la baisse de l'enneigement ne pourrait plus être compensée par les canons à neige, à cause de températures régulièrement trop douces. Plus de la moitié de certains domaines seraient alors impraticables. D'une manière générale, les effets néfastes seraient observés sur tous les massifs, se montrant encore plus importants sur tout le sud des Alpes ainsi que sur des massifs comme le Vercors, la Chartreuse ou encore les Bauges.
Nombre de stations de ski en activité en France depuis 1930 - via Slate
Si les projections ci-dessus ont de quoi inquiéter, l'accélération du réchauffement depuis les années 1990 a déjà eu des conséquences visibles. En France, le nombre de stations de ski en activité était de 506 en 1990. En 2019, ce dernier avait chuté à 416, soit 90 fermetures en moins de 30 ans ! Comme nous l'avons vu plus haut, c'est la moyenne montagne qui souffre le plus de la hausse des températures responsable de la baisse de l'enneigement. Ce sont donc dans les massifs les moins élevés que les conséquences sont les plus grandes.
Dans le Massif Central, on comptait 40 stations en activité en 1985 mais plus que 18 en 2019. Plus de la moitié des stations du massif ont donc fermé en moins de 35 ans ! Le constat est similaire dans les Vosges et le Jura. Les stations alpines les moins hautes sont aussi touchées avec près d'une cinquantaine de fermetures en 30 ans.
La station du Mourtis (31) dans les Pyrénées quasiment sans neige le 10 février 2020 - photo Régis Duvignau
Ces dernières saisons, plusieurs massifs français ont fait face à d'importants manques de neige. Lors de la saison hivernale 2019-2020, les Pyrénées avaient été particulièrement affectées en raison d'un hiver beaucoup trop doux mais aussi beaucoup trop sec, sous une nette domination des hautes pressions.
Au fil des années, les stations de montagne misent de plus en plus sur la saison chaude en multipliant leurs offres d'activités estivales. Le but est d'essayer de réduire l'ultra-dépendance à la saison hivernale dans ce contexte de réchauffement.