Le coronavirus agit... sur la fiabilité des prévisions météo!
samedi 18 avril 2020Comment sont effectuées les prévisions météorologiques?
Les prévisions météorologiques modernes, comme vous le savez déjà, ne sont plus faites de façon empirique à l'intuition ni à l'observation de dictons populaires dont l'efficacité est souvent plus que contestable. L'atmosphère est un champ complexe et interagit avec toutes les surfaces de la Terre, mais aussi avec elle-même. Prévoir son évolution découle de règles très simples... mais aux propriétés innombrables.
Longtemps considérée comme impossible voire dans des temps plus anciens comme de la sorcellerie, prévoir le temps à plusieurs jours est à présent possible grâce à l'évolution des technologiques. Les données innombrables peuvent être récupérées via l'informatique, et moulinées grâce à un modèle météorologique puis traduites par un météorologiste (dans le cas d'une prévision dite "expertisée", comme sur notre site).
principe de la prévision météorologique - image
Comment fonctionne un modèle météorologique?
Un modèle météorologique fonctionne de la façon suivante: des données météorologiques sont récoltées en le plus d'endroits possibles à la surface du Monde, ainsi que dans l'atmosphère. Plus les données sont nombreuses, plus l'état de l'atmosphère à t0 est connu précisément.
Toutes ces données sont ensuite intégrées au modèle météorologique qui les répartit selon leur lieu de recueil (surface ou atmosphère). Il s'agit de la modélisation de l'atmosphère (d'où leur nom de modèle). Les données sont regroupées par secteurs géographiques (mailles) et par niveaux d'altitude (niveaux verticaux).
Modélisation des vents et de la température - image meteocontact
Toutes les données recueillies sont ensuite traitées par un supercalculateur, une sorte de gros ordinateur aux capacités de calcul démentielles. Meteo-France étant équipé depuis octobre 2019 de la plateforme Sequana XH2000, développée par Bull (filiale du groupe ATOS) d'une puissance de calcul totale de 20.78PetaFlops.
Le supercalculateur de Meteo-France, basé à Toulouse - MeteoFrance
Nous atteignons déjà la 3ème décennie de progression de la puissance de calcul. En 1992, nous étions capables de projeter des prévisions fiables en moyenne à 2 jours à l'échelle nationale en moyenne. En 2020, la fiabilité moyenne atteint les 10 jours et nous pouvons espérer des tendances solides à 15 jours. A plus courte échéance, le modèle Arome est à présent capable de calculer à presque 2 jours d'échéance (42h), l'évolution des conditions météorologiques avec une maille de 1.3km de côté, ce qui a considérablement augmenté la fiabilité de la prévision des phénomènes localisés comme les orages (qui passaient autrefois entre les mailles) et les inondations qu'ils provoquent.
Evolution de la puissance de calcul disponible à Météo-France, l'échelle est logarithmique (progression exponentielle ramenée au linéaire) - MeteoFrance
SI la puissance de calcul n'a jamais été aussi forte, pourquoi la fiabilité diminue t'elle actuellement?
Comme nous l'avons vu, l'atmosphère est un système extrêmement complexe qui nécessite une puissance de calcul phénoménale pour être modélisée de façon fiable. Cette puissance est pleinement disponible, mais les observations manquent! En effet, un modèle peut disposer de toute la puissance de calcul qu'il veut, s'il manque des cases dans les lignes de calcul, le résultat devient faux...
Pourtant, des moyens colossaux y ont été alloués en ouverture (stations météorologiques, radiosondages, observations manuelles), mais les services de prise de données sont maintenant souvent associées à un moyen d'accéder aux lieux déjà existant afin de limiter les frais: cargos, aviation, portes conteneurs... Cela permet de pouvoir prendre des relevés dans des zones inaccessible autrement pour un coût modique: les avions de ligne volent avec une sonde rattachée à leur fuselage sans augmenter le coût du vol, ni sans y dédier un vol privé visant à récupérer des mesures.
Réseau de prise d'observations météorologiques - OMM
L'aviation commerciale représente à elle seule 700 000 données recueillies quotidiennement au travers du Monde via le système ADMAR, mais ce secteur est en chute de 90% par rapport à une activité normale. Cela représente une perte de données très importante pour les modèles météorologiques.
Les organisations météorologiques comme Météo-France tendent de répondre au manque de données en doublant l'envoi de ballons sonde dans l'atmosphère afin de recueillir des données pour compléter les niveaux verticaux des modèles, sans pourvoir ne serait-ce qu'espérer atteindre le niveau de précision obtenu par l'aviation civile.
Notre situation géographique et la saison sont à notre désavantage
Malgré cette baisse du nombre de données disponibles, certains pays sont plus touchés que d'autres par cette privation. Notre situation géographique est particulièrement désavantageuse. En effet, à nos latitudes, la circulation générale des masses d'air se fait d'Ouest en Est.
Hors, face à nous, en l'absence d'avions et avec une diminution également importante du trafic maritime, un désert de données se trouve en l'Océan Atlantique. Nous comprenons aisément via cette carte qu'avec une circulation moyenne d'Ouest en Est, que la France soit particulièrement mal logée pour les prévisions météorologiques. Quand une perturbation arrive en France, les pays plus à l'Est profitent encore d'une certaine quantité de données générées par les pays de l'Ouest mais dont, eux, ne disposent pas.
Données de températures disponibles ce samedi 18 avril au soir via Infoclimat.
Un dernier point que nous souhaitons soulever se situe dans la saison dans laquelle nous nous trouvons. En effet, le printemps est caractérisé par un éclatement du Vortex Polaire en de multiples gouttes froides, avec l'installation progressive de la circulation estivale. Hors, comme dans cet article relatant la situation de l'an dernier à période similaire, ces gouttes froides sont extrêmement variables et d'ores et déjà difficiles à anticiper. Cela est d'autant plus visible à présent, maintenant que les données manquent.
L'expertise de nos prévisions est souvent dite "probabiliste". Elle repose sur
-un scénario déterministe (élaboré à partir des conditions initiales)
-un scénario de contrôle (élaboré également à partir des conditions initiales, mais en redémarrant le calcul)
-un ensemble de scénarios perturbés et leur moyenne (ils indiquent lequel des deux scénarios est le plus probable en fonction de paramètres initiaux légèrement modifiés, pour gommer une éventuelle incertitude)
Dans une prévision classique, nous regardons les deux scénarios non perturbés, et la moyenne des scénarios perturbés. Si le déterministe et le contrôle présentent une différence notable, nous choisissons celui qui se rapproche de la moyenne des scénarios perturbés.
Scénario de prévision habituel - via Meteociel
Hors, dans la situation actuelle, le déterministe, le contrôle et tous les scénarios perturbés sont divergents faute à la présence de gouttes froides et au manque de données. Prévoir à grande échéance est donc devenu un véritable casse-tête pour les prévisionnistes. La fiabilité est encore plus médiocre auprès de la prévision automatique puisque le déterministe est choisi par défaut (d'où son nom). L'absence totale d'expertise humaine (pouvant faire appel à des connaissances sur la situation météorologique et donc à l'interprétation en faveur d'un scénario ou d'un autre par le météorologiste) rend toute tentative de prévision automatique obsolète.
Scénario de prévision actuelle (ville de Paris) - via Meteociel
Plus que jamais, l'expertise humaine est importante pour la qualité des prévisions météorologiques. Nous vous invitons donc fortement à vous diriger vers des sources expertisées (comme la nôtre) pour obtenir des prévisions plus fiables.
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