Nouvelles normales climatiques : quelle évolution en France ?
jeudi 7 juillet 2022Température annuelle moyenne en France au fil des décennies - via Météo France
À la fin du mois de juin 2022, Météo France a publié les nouvelles normales climatiques basées sur la période 1991-2020. Quelles sont les évolutions du climat français et dans quelles régions sont-elles les plus nettes ?
Comment sont calculées les normales climatiques ?
L'Organisation Météorologique Mondiale (OMM) a défini des règles très claires concernant l'établissement des normales climatiques. Celles-ci sont calculées sur une période de 30 ans, correspondant aux trois dernières décennies écoulées. Au cours de l'année dernière, Météo France a donc calculé les nouvelles normales climatiques en intégrant la décennie 2011-2020, excluant ainsi la décennie 1981-1990. Dorénavant, les nouvelles normales se basent sur la période 1991-2020 et non plus sur la période 1981-2010.
Écart à la normale 1961-1990 des températures en France de 1900 à 2021 - via Météo France
Les normales climatiques sont mises à jour tous les dix ans, ce qui s'avère très utile à l'époque où le réchauffement climatique s'accélère. Elles permettent de garder des repères relativement récents. Comme l'illustre le graphique ci-dessus, le climat d'aujourd'hui n'a plus grand chose à voir avec celui du siècle dernier. Utiliser les normales du XXème siècle n'aurait donc plus de sens dans la mesure où nous serions presque perpétuellement en excédent thermique. Cela est toutefois à double tranchant car les normales actuelles intègrent pleinement le réchauffement climatique. On parle donc de "normales de saison" pour des valeurs mesurées entre 1991 et 2020, ce qui revient à prendre pour référence l'époque la plus active du réchauffement.
Nette augmentation des températures
Vous l'aurez compris, les normales climatiques désormais en vigueur ont été calculées sur la période 1991-2020. Les trois dernières décennies sont donc prises en compte. Si l'on prend les anciennes normales de référence sur la période 1981-2010, l'anomalie sur la décennie 1991-2000 fut de +0,09°C, grimpant à +0,28°C sur la décennie 2001-2010 puis s'envolant à +0,88°C sur la décennie 2011-2020. Cela signifie qu'en France, les températures ont augmenté de 0,6°C au cours des années 2010 ! Il s'agit de la hausse décennale la plus importante jamais observée ! En d'autres termes, l'ajout de la décennie 2011-2020 aux normales climatiques induit une hausse notable.
Écart thermique à la normale 1981-2010 en France par décennie depuis 1901 - via Météo France
Ainsi, les nouvelles normales climatiques sur la période 1991-2020 donnent une température moyenne à l'année de 12,97°C en France, contre 12,55°C lors de la période 1981-2010. Cela correspond à 0,42°C supplémentaire par rapport à la dernière mise à jour il y a 10 ans, la plus forte hausse jamais observée. Comme nous l'avons vu plus haut, cette hausse record est particulièrement due à la décennie 2011-2020, marquée par une hausse inédite du thermomètre en France.
Température annuelle moyenne en France au fil des décennies - via Météo France
Si les températures normales ont augmenté de 0,42°C en France entre la période 1981-2010 et 1991-2020, il existe des disparités régionales. Avec +0,35°C, la Bretagne est la région qui s'est le moins réchauffée. À l'inverse, c'est le Grand-Est qui enregistre l'augmentation la plus élevée avec +0,50°C. Par ailleurs, le printemps et l'été sont les saisons qui se réchauffent le plus. Au printemps, sud & est de la France subissent le réchauffement le plus marqué. L'été, c'est dans l'est du pays que la hausse est la plus forte (+0,7°C à Lyon et +0,67°C à Nancy) alors qu'elle est bien plus limitée en Bretagne (+0,17°C à Brest). Des quatre saisons, c'est l'automne qui se réchauffe moins vite.
Augmentation des températures par saisons & régions entre 1981-2010 et 1991-2020 - via Météo France
La carte ci-dessous montre l'augmentation de la température annuelle moyenne dans différentes villes françaises entre la période 1981-2010 et la période 1991-2020. Lille, Nevers, Poitiers, Nancy, Strasbourg & Lyon figurent parmi les hausses les plus importantes avec +0,5°C lors de cette mise à jour décennale des normales climatiques. Les plus faibles augmentations sont constatées à Brest, Nantes, Pau, Perpignan et Bastia avec +0,2°C.
Augmentation de la température moyenne par villes entre 1981-2010 et 1991-2020 - Météo Villes
Moins de gelées et plus de fortes chaleurs
Sans grande surprise, l'augmentation des températures globales induit un recul du nombre de jours de gelées au cours de l'année. Que ce soit à Troyes, Poitiers, Clermont-Ferrand, Nancy ou encore Chambéry, la normale de jours de gel par an a diminué de 8 jours entre la période 1981-2010 et la période 1991-2020. La baisse est même de 10 jours à Lyon où la normale annuelle a chuté de 52 jours à 42 jours !
Évolution du nombre de jours de gelées entre 1981-2010 et 1991-2020 - via Météo France
À l'inverse, le nombre de jours de forte chaleur (30°C ou plus) suit une trajectoire opposée. À Lyon, il augmente de 7 jours entre la période 1981-2010 et la période 1991-2020, passant ainsi de 24 à 31 jours ! À Marignane dans les Bouches-du-Rhône, l'augmentation est même de 10 jours, soit désormais 51 jours par an à plus de 30°C (contre 41 sur la période 1981-2010) ! Au Luc dans le Var, on passe de 62 à 71 jours par an à plus de 30°C - comme si les fortes chaleurs devenaient une norme !
Évolution du nombre de jours de forte chaleur (>30°C) entre 1981-2010 et 1991-2020 - via Météo France
Les régions bordant la Méditerranée sont celles où la saison chaude devient la plus pénible, notamment en raison de la multiplication des nuits tropicales, se définissant par une température minimale ne s'abaissant pas sous les 20°C. À Sète dans l'Hérault, leur occurrence augmente de 7 jours entre la période 1981-2010 et la période 1991-2020 avec désormais 49 nuits tropicales par an contre 42. La plus forte hausse concerne Nice avec 10 nuits tropicales de plus, passant son total annuel à 56. Sur la promenade des anglais, les nuits à plus de 20°C sont devenues une véritable norme en été...
Évolution du nombre de jours de nuit tropicale (>20°C) entre 1981-2010 et 1991-2020 - via Météo France
Pluviométrie stable malgré des inégalités
Si les nouvelles normales sont marquées par une augmentation sensible des températures, ce n'est absolument pas le cas des précipitations. Le cumul annuel moyen à échelle du pays est passé de 934,8 mm sur la période 1981-2010 à un cumul de 934,7 mm sur la période 1991-2020, soit une baisse d'un dixième de millimètre. On peut donc considérer que la pluviométrie en France est parfaitement stable, après avoir augmenté à la fin du siècle dernier.
Évolution du cumul annuel moyen de précipitations en France au fil des décennies - via Météo France
Malgré tout, dire que la pluviométrie est parfaitement stable en France n'est pas tout à fait exact car il existe des disparités saisonnières et régionales. C'est le printemps qui s'assèche le plus en France, particulièrement dans le nord et l'est. L'été devient plus arrosé au nord-ouest (notamment en Bretagne) tandis que l'automne est de plus en plus humide au sud-est (particulièrement sur PACA). Sur l'année entière, le Grand-Est s'assèche le plus avec un recul de 3,63% des pluies. À l'inverse, PACA avec +2,92% et la Corse avec +4% sont les régions qui voient leur pluviométrie annuelle le plus augmenter.
Évolution des précipitations par saisons & régions entre 1981-2010 et 1991-2020 - via Météo France
Les cartes ci-dessus tendent aussi à montrer que les précipitations sont plus inégalement réparties entre les saisons. Ainsi, on constate une diminution de l'indice d'humidité des sols au cours de l'année, particulièrement dans le centre et l'est de la France où cette tendance est nette au printemps, en été et parfois jusqu'en automne. En revanche, l'ouest du pays n'enregistre pas d'évolution majeure. Certains secteurs comme les Pyrénées-Atlantiques ou la Bretagne voient même augmenter la normale annuelle de l'indice d'humidité des sols.
Évolution de l'humidité des sols par saisons & régions entre 1981-2010 et 1991-2020 - via Météo France
Recul des journées venteuses
Enfin, on constate aussi un recul du nombre de jours avec vent fort (rafales de 58 km/h ou plus), lié à l'augmentation des périodes anticycloniques (parfois longues = blocages). À Chartres en Eure-et-Loir, la moyenne du nombre de jours de vent fort chute de près de 24% entre 1981-2010 et 1991-2020, passant de 41 à 32 jours par an ! Même recul de 9 jours à Montélimar où la moyenne passe de 100 à 91 jours par an, marquant un recul du mistral. À Carcassonne, on perd 10 jours de vent fort (98 jours contre 108). Seule Perpignan note une légère augmentation, passant de 135 à 137 jours de vent fort par an.
Évolution du nombre de jours de vent fort entre 1981-2010 et 1991-2020 - via Météo France
Toutes ces données ont été calculées par les ingénieurs de Météo France sur la base des relevés des 30 dernières années. Elles ont été rendues publiques à la fin du mois de juin dernier.