Pourquoi la météo des derniers mois est anormale en France et en Europe ?
mardi 3 mai 2022Énorme blocage anticyclonique sur l'Europe le 19 mars 2022 - carte climatereanalyzer.org
La configuration météo en France et en Europe est anormale depuis plusieurs mois. De longues périodes de blocage anticyclonique viennent enrayer la circulation zonale et ses vents d'ouest. Explications.
Bien trop de blocages anticycloniques
Il existe différents régimes qui régissent le temps en Europe. Parmi eux, c'est le régime de circulation zonale qui s'avère statistiquement le plus fréquent. Il est défini par des dépressions circulant sur le nord de l'Atlantique, la Mer du Nord et la Scandinavie et un anticyclone entre les Açores et la Méditerranée, entraînant un flux d'ouest sur de vastes régions européennes, dont la France. C'est ce régime qui vaut à notre pays son climat océanique tempéré.
Schéma d'un régime de circulation zonale, traditionnellement le plus fréquent - Météo Villes
Si la circulation zonale est normalement dominante, c'est loin d'être le cas depuis le début de l'année 2022. On constate aussi une raréfaction de ce régime depuis quelques années, au profit de nombreux régimes de blocage anticyclonique. Ces derniers mois, les hautes pressions se sont souvent installées entre les Îles Britanniques et la Scandinavie, rejetant le flux océanique au profit d'un flux continental sec. Les dépressions, quant à elles, glissent parfois en Méditerranée en contournant ce blocage.
Schéma d'un régime de blocage anticyclonique, récurrent ces derniers mois - Météo Villes
Pour vérifier l'omniprésence de ces blocages anticycloniques, on peut s'intéresser à l'anomalie de géopotentiels sur plusieurs mois. La carte ci-dessous fait la moyenne des 4 derniers mois de l'année 2021 (de septembre à décembre). Elle met en évidence une importante anomalie de hautes pressions sur les Îles Britanniques et le nord de la France. De telles anomalies lissées sur une période de 4 mois sont significatives et témoignent du caractère majoritaire des blocages anticycloniques au détriment du flux océanique perturbé.
Anomalie de géopotentiels du 1er septembre au 31 décembre 2021 - via NOAA
La situation est loin de s'être améliorée en 2022, bien au contraire ! La même carte moyennée sur les 4 premiers mois de l'année 2022 témoigne d'une anomalie de hautes pressions encore plus forte sur l'Europe de l'Ouest avec un épicentre entre le nord de la France, le Benelux et l'Angleterre. Cette anomalie anticyclonique atteint des niveaux remarquables et témoigne de la très faible occurrence de courants océaniques perturbés, pourtant censés être majoritaires sur nos régions.
Anomalie de géopotentiels du 1er janvier au 27 avril 2022 - via NOAA
Des conséquences bien visibles
Avec une telle omniprésence des blocages anticycloniques sur le nord et l'ouest de l'Europe, la France en perd le flux océanique qui caractérise pourtant son climat. La visualisation des roses des vents de Paris au cours des mois de mars et avril 2022 est particulièrement impressionnante. La domination des flux continentaux (de nord-est à sud-est) est sans partage et les vents venant de l'océan quasiment absents sur une période de deux mois !
Roses des vents à Paris au cours des mois de mars et avril 2022 - via infoclimat.fr
La première conséquence de ce flux continental persistant est le très petit nombre de perturbations océaniques parvenant à atteindre la France. En absence de ces traditionnels fronts pluvieux salvateurs, les précipitations manquent de plus en plus. Sur les 8 derniers mois, 7 ont enregistré un déficit pluviométrique en France et ce dernier est particulièrement prononcé depuis le début de cette année 2022.
Rapport à la normale des précipitations en France de septembre 2021 à avril 2022 - Météo Villes
Le fait que ces blocages anticycloniques soient de plus en plus récurrents indépendamment des saisons pose un problème notable. Les blocages anticycloniques survenant de l'automne au début du printemps empêchent les pluies de la saison de recharge des nappes phréatiques de tomber en quantité suffisante. En surface, cela se traduit également par une sécheresse de plus en plus précoce, affectant les terres agricoles et les cours d'eau. En février dernier, 80% des stations des cours d'eau français enregistraient des débits plus bas que la normale !
Débits moyens des cours d'eau français par rapport à la normale en février 2022 - via oieau.fr
Cela fait maintenant plusieurs années que l'on constate une augmentation assez sensible de la fréquence des blocages anticycloniques sur l'ouest et le nord de l'Europe, résultant de périodes sèches parfois durables (voir notre article sur l'évolution de l'ensoleillement >>) Il est toutefois important de signaler que nous ne disposons pas encore d'un recul suffisant pour savoir s'il s'agit seulement d'un cycle ou si le climat européen est en train de subir des changements durables...