Quelles sont les conséquences de la sécheresse actuelle ?
vendredi 3 mars 2023Une sécheresse de plus en plus marquée sur notre pays :
Le mois de février s'est terminé avec un déficit de précipitations d'environ 74% à l'échelle de la France et termine au 4ème rang des mois de février les plus secs depuis 1959. Celui-ci fut également marqué par une période exceptionnelle de 32 jours sans pluie (cumul moyen agrégé inférieur à 1mm à l'échelle de la France) entre la fin du mois de janvier et le 22 février 2023, une série record depuis 1959.
Si ce déficit de précipitations serait déjà problématique pour nos sols et nos réserves en eau en temps normal, celui-ci fait suite à une année 2022 déjà exceptionnellement sèche à l'échelle de la France. 11 des 14 derniers mois ont en effet été déficitaires sur notre pays.
Rapport à la normale de référence (1991-2020) des cumuls mensuels agrégés sur la France depuis janvier 2021 – Météo-France
Ainsi, la quasi totalité de nos régions observe un indice d'humidité des sols exceptionnellement bas pour la période, excepté la Corse qui a observé de fortes pluies ces derniers jours avec des cumuls dépassant parfois les 300mm en moins d'une semaine.
Quantile de l'indice d'humidité des sols sur la France agrégé par région sur la France au 1er mars 2023 – Météo-France
Outre les sols secs, le manque d'eau se fait également sentir au niveau des nappes phréatiques. Parmi les 422 nappes phréatiques suivies, plus de 60% présentent aujourd'hui un niveau bas ou très bas et seulement 8% observent un niveau modérément haut ou haut, ce qui est très inquiétant pour cette période de l'année.
État des nappes phréatiques sur la France au 3 mars 2023 – Via infos-sécheresse.fr
La situation est donc problématique sur une grande majorité de la France en ce début mars et s'est encore empirée depuis plusieurs semaines. Certains secteurs observent déjà des restrictions d'eau au début du printemps météorologique et la grande majorité des cours d'eau voient leur débit se montrer très en-dessous de la normale pour une fin d'hiver.
États des débits des cours d'eau français à la fin du mois de février 2023 – Via Twitter @BriceLeBorgne
Quelles sont les conséquences de cette sécheresse ?
Une situation pire que l'année dernière à la même date :
L'automne et l'hiver sont en général les saisons les plus humides sur notre pays et permettent donc de recharger nos ressources en eau avant l'été, saison généralement plus sèche. A l'échelle de la France, la quasi totalité des régions observent en effet leur mois le plus pluvieux entre octobre et février.
Mois le plus pluvieux de l'année en France – Météo-France
Or, ces derniers mois se sont montrés trop secs sur notre pays avec un déficit marqué faisant suite à une année 2022 déjà bien trop marquée par le manque de pluie. En conséquence, l'indice de sécheresse est encore plus marqué que l'année dernière à la même période sur la quasi totalité de la France.
Comparaison de l'indice de sécheresse en France en février 2021, 2022 et 2023 – Copernicus
Des restrictions d'eau de plus en plus étendues :
De ce fait, nos réserves en eau sont basses en ce début de printemps météorologique et il conviendrait d'un changement de temps majeur et de plusieurs semaines particulièrement humides pour inverser la tendance, ce qui semble peu probable. La France devrait donc aborder la saison estivale avec un net déficit de précipitations, ce qui induira un risque de restrictions d'eau plus étendues et précoces que l'année dernière, les réserves en eau se montrant encore plus basses qu'en 2022 à la même période.
Le lac de Montbel en Ariège est quasiment à sec en ce mois de février 2023 – Via Copernicus et Twitter @SergeZaka
Ces restrictions d'eau pourraient avoir des conséquences sur notre vie de tous les jours mais également sur l'agriculture française dans les prochains mois.
En moyenne, 200 milliards de m3 d'eau sont disponibles par an dans la nature en France et 3,2 milliards sont prélevés par l'agriculture (principalement pour l'irrigation). De par les restrictions déjà mises en place, les agriculteurs sont déjà contraints de réduire de moitié leur prélèvements en eau dans cinq départements et ces restrictions devraient progressivement se généraliser si la situation n'évolue pas, laissant donc craindre de lourdes conséquences pour nos cultures d'ici l'été.
Départements concernés par des restrictions d'eau au 26 février 2023 – Via Visactu
Une baisse de la production d'électricité :
La baisse des réserves d'eau suite au manque de précipitations a également des conséquences sur la production hydro-électrique. En raison d'un débit des cours d'eau moins importants qu'à l'accoutumée et de plans d'eau présentant des niveaux particulièrement bas, les installations hydro-électriques sont moins productives en période de sécheresse. Ce fut par exemple le cas l'année dernière avec une production historiquement faible à l'échelle du pays.
Production hydro-électrique mensuelle en France (en Twh) entre janvier et août 2022 – Le Parisien
Les installations nucléaires souffrent également du manque d'eau. En effet, si le débit des fleuves est insuffisant, le refroidissement des centrales peut être altéré et donc induire des problématiques de sécurité pouvant, dans les situations les plus compliquées, induire un arrêt temporaire de celles-ci, baissant donc encore une fois la production électrique française.
Si la situation n'évolue pas dans les prochaines semaines, la production d'électricité pourrait donc se montrer encore plus basse que durant l'année 2022 à l'échelle de la France.
Divers risques naturels accentués :
La sécheresse a également de lourdes conséquences sur la nature. En effet, la végétation a besoin d'eau pour se développer durant le printemps, or la pluie manque grandement suite à cette exceptionnelle sécheresse hivernale.
En conséquence, les risques d'incendie pourront se montrer marqués dès le printemps avec une végétation se retrouvant très fragilisée par le manque d'eau de façon encore plus précoce que l'année dernière.
Important incendie près d'Opoul dans les Pyrénées-Orientales le 28 juin 2022 - via Sécurité Civile
Enfin, l'accentuation de la sécheresse ces dernières semaines soulève également la problématique du retrait-gonflement des argiles. En effet, le manque d'eau provoque une rétractation des sols argileux, ce qui a parfois de lourdes conséquences sur le bâti avec la formation de fissures plus ou moins importantes pouvant, dans les cas les plus avancés, évoluer en effondrements.
Fissures sur un bâtiment construit sur un sol argileux en Vendée durant cet été 2022 – Ouest-France
Ce risque naturel est en effet à ne pas prendre à la légère car 60% du territoire français est concerné par cet aléa, qui se montre d'autant plus problématique lors d'une situation de sécheresse accrue.
La sécheresse hivernale exceptionnelle que nous connaissons actuellement pourra donc avoir de lourdes conséquences dans les prochains mois si la pluie ne fait pas un retour marqué. Si la sécheresse de l'année 2022 s'est déjà montrée hors-normes, la situation pourrait devenir encore plus compliquée d'ici l'été 2023 avec un déficit de précipitations bien trop net au début du printemps et des conséquences déjà visibles sur de nombreuses régions.