Réchauffement climatique : Pourquoi cet emballement planétaire depuis juin ?
mercredi 4 octobre 2023Un emballement des températures mondiales depuis l'été
Les températures moyenne du globe sont en constante augmentation depuis le mois d'avril dernier et atteignent même des niveaux jamais mesurés depuis le mois de mai. Si on excepte la journée du 14 août 2023, ce 4 octobre est le 105ème jour consécutif où la Terre bat son record journalier de chaleur, une série inédite.
Évolution de la température moyenne sur Terre depuis le 1er janvier – ClimateReanalyzer
Les mois de juin, juillet et août ont déjà été les plus chauds enregistrés sur Terre depuis le début des mesures mais c'est véritablement le mois de septembre qui se démarque par une anomalie de température exceptionnelle à l'échelle de la planète. Celui-ci fut en effet le mois le plus chaud relevé sur Terre, battant l'ancien record de +0,5°C, ce qui est énorme à une telle échelle.
Également, celui-ci fut également environ 1,8°C plus chaud que les niveaux préindustriels, du jamais vu dans l'histoire des relevés météorologiques.
Anomalies de températures mondiales mensuelles depuis le mois de janvier – JRA-55
Que dire également des températures moyennes mondiales de la surface des océans qui sont tout simplement situées à des niveaux jamais observés depuis le début des relevés depuis le mois de mars dernier ! Les 21°C de températures moyennes ont également été dépassés plusieurs fois entre mars et avril et entre juillet et septembre alors que cette valeur n'avait été atteinte que très temporairement en mars 2016.
Évolution de la température moyenne de la surface des océans sur Terre depuis le 1er janvier – ClimateReanalyzer
Ces températures exceptionnelles sont toutefois dans les clous des scénarios du réchauffement global attendu dans les prochaines décennies, voire même sensiblement au-dessus des scénarios les moins pessimistes. L'année 2023 est donc potentiellement très représentative du réchauffement global en cours et à venir.
Évolution et prévision des écarts à la normale des températures à la surface du globe de 1860 à 2100 - climatereanalyzer.org
Comment expliquer un tel emballement cette année ?
Il est pour le moment difficile de définir les causes exactes de cet emballement observable ces derniers mois au niveau des températures mondiales. Plusieurs hypothèses sont toutefois envisageables.
L’influence d'El Niño ?
Après plusieurs années dominées par la Niña, le phénomène El Niño s'est officiellement mis en place à l'échelle de la planète durant cette seconde moitié d'année 2023. D'après les courbes d'évolution de températures depuis plusieurs dizaines d'années, toutes les années soumises au phénomène El Niño ou presque ont été soumises à une augmentation globale des températures alors que les années soumises à la Niña ont au contraire souvent observé une légère baisse ou des pics bien moins importants.
Evolution des températures moyennes globales et des températures des eaux de surfaces du Pacifique depuis 1980 – NOAA
Ces pics de températures sont d'autant plus importants lors de l’occurrence de supers El Niño, autrement dit un El Niño plus fort que les autres avec des anomalies de températures des océans plus élevées. Toutefois, ces phénomènes de supers El Niño ne sont survenus que 3 fois durant les 40 dernières années, en 1982-1983, 1997-1998 et 2015-2016. Lors de l'épisode de 1997-1998, l'année la plus chaude du 20è siècle avait été mesurée à l'échelle du globe alors que l'année la plus chaude jamais mesurée dans le monde (2016) s'était produite durant le plus puissant El Niño depuis la fin du 19è siècle.
Anomalies de températures mondiales et correspondance avec les phénomènes El Niño-La Niña - RCraig09 via WikimediaCommons
D'après les prévisions des organismes spécialisés, il est possible que le phénomène d'El Niño se mettant en place durant cette année évolue vers un super El Niño d'ici la fin de l'année 2023. Certains scientifiques envisagent même l'un des super El Niño les plus forts jamais enregistrés, toutefois sensiblement en dessous du niveau de celui observé entre 2015 et 2016.
Prévision de l'intensité du phénomène El Niño d'ici la fin de l'année 2023 – NCAR
Ceci pourrait donc expliquer pourquoi les températures sont encore plus élevées à l'échelle du globe que lors des années précédentes. Néanmoins, ceci n'explique pas entièrement pourquoi nous atteignons de tels records au niveau des températures de l'air et de la surface des océans depuis maintenant plusieurs mois.
Une hypothèse secondaire pourrait par exemple être la liaison de ce super El Niño à l'augmentation toujours plus importante des températures mondiales depuis la décennie 2010-2020 (et ce malgré La Niña). La combinaison des deux pourrait bien expliquer les niveaux encore jamais observés jusqu'au aujourd'hui, bien que cette hypothèse reste encore à confirmer.
Les conséquences de l'éruption du volcan Hunga Tunga ?
Une éruption majeure s'est produite dans l'archipel des Tonga dans le Pacifique entre le 14 et le 15 janvier 2022. Celle-ci s'est montrée particulièrement puissante, produisant plusieurs explosions très importantes et engendrant la formation d'un tsunami touchant les îles voisines et provoquant la mort de 5 personnes.
Également, cette éruption sous marine a produit le plus haut panache volcanique jamais observé, s'élevant jusqu'à 57km de haut et s'accompagnant d'une onde de choc faisant plusieurs fois le tour de la Terre. Ce panache a notamment projeté une énorme quantité de vapeur d'eau dans la stratosphère terrestre, suffisante pour remplir plus de 58 000 piscines olympiques.
Des scientifiques ont en effet calculé que la masse d'eau stratosphérique mondiale avait subit une augmentation sans précédent de +13% en raison de cette éruption, ce qui pourrait avoir des conséquences sur le climat.
Animation satellite de l'éruption du volcan Hunga Tunga en janvier 2022 - NOAA
En général, les éruption volcaniques massives comme celle du Krakatoa ou du mont Pinatubo refroidissent temporairement le climat mondial en raison des importantes quantités de poussières injectées dans l'atmosphère, réfléchissant la lumière du soleil vers l'espace et entraînant une baisse temporaires des températures moyennes (ce qu'on appelle un hiver volcanique).
Toutefois, le volcan Hunga Tunga n'a pas injecté de grandes quantités d'aérosols dans la stratosphère mais au contraire une importante quantité de vapeur d'eau qui peut quant à elle contribuer à réchauffer temporairement le climat, car la vapeur d'eau retient la chaleur. On estime d'ailleurs que la vapeur d'eau contribue à 60% de l'effet de serre mondial !
Proportion des Gaz à Effet de Serre dans l'atmosphère - NCAR
De récentes études ont démontré que de telles quantités de vapeur d'eau supplémentaire dans l’atmosphère pouvaient contribuer à un réchauffement global temporaire de +1,5°C dans la prochaine décennie. Il est donc possible que l'emballement climatique observé durant cette année 2023 soit directement ou indirectement lié à cette éruption volcanique !
Mais ces hypothèses restent pour le moment à confirmer ou infirmer. Il est d'ailleurs possible que les températures records que nous observons ces derniers mois soient consécutives à l'influence de tous les facteurs cités précédemment, ou simplement à certains d'entre eux ou même que le réchauffement climatique anthropique soit le seul facteur déterminant.
Dans tous les cas, l'année 2023 restera dans les annales en terme de records de températures à l'échelle du globe, reste à espérer que celle-ci ne soit qu'une anomalie temporaire et pas une tendance plus franche s'affirmant dans les prochaines années.