Retour sur la canicule historique et meurtrière d'août 2003 en France
jeudi 5 août 2021Il y a 18 ans, la France subissait une canicule d'ampleur exceptionnelle et inédite. L'épisode de températures caniculaires d'août 2003 est encore à ce jour le plus important à avoir touché le pays, causant une surmortalité dramatique.
Une situation de blocage exceptionnelle
Situation de blocage observée durant la canicule d'août 2003 - Météo Villes
Une situation exceptionnelle s'est mise en place au début du mois d'août 2003. Un puissant blocage anticyclonique s'est mis en place sur l'ouest de l'Europe tandis que deux centres dépressionnaires très peu mobiles évoluaient sur le nord de l'Atlantique et sur l'est de la Scandinavie. Cette configuration n'a quasiment pas évoluée durant deux semaines avec la formation d'un dôme de chaleur lié à l'anticyclone.
Positionnée sur le flanc occidental de l'anticyclone, la France s'est retrouvée sous un flux de sud prenant ses racines au Sahara ! C'est donc un air en provenance directe du nord de l'Afrique qui a envahi l'hexagone. Avec des centres d'action bloqués, cet air bouillant a été entretenu durant une quinzaine de jours, aboutissant à un épisode de canicule d'ampleur remarquable.
Masses d'air à 850 hPa (vers 1500 mètres) les 4 et 13 août 2003 - via wetterzentrale
La masse d'air venue du nord de l'Afrique s'est installée au dessus de la France où les températures à 850 hPa (vers 1500 mètres d'altitude) se sont maintenues entre 20 et 25°C sur la quasi-totalité des régions durant près de deux semaines ! La présence d'un air aussi bouillant de manière aussi durable reste encore à ce jour inédite en France. Le blocage anticyclonique d'août 2003 a permis à cet air bouillant d'être continuellement alimenté et de stagner sur les mêmes zones géographiques.
Chaleur d'intensité et durée records !
Records de températures maximales au cours de la canicule d'août 2003 - Chronique Météo Villes
La canicule d'août 2003 a apporté des températures qui n'avaient jamais été enregistrées auparavant aux quatre coins de la France ! Les records absolus tombent sur plus de 70 stations du réseau principal, jusqu'en Bretagne et en Belgique. Le nouveau record national de chaleur tombe à Conqueyrac dans le Gard avec 44,1°C ! Ce dernier ne sera battu que lors de la canicule de la fin juin 2019 (46,0°C à Vérargues).
Quelques records absolus en août 2003 :
- 42,6°C à Orange (84)
- 41,9°C à Carcassonne (11) & Fontenay-le-Comte (85)
- 41,6°C à Nîmes (30)
- 40,7°C à Toulouse (31) & Bordeaux (33)
- 40,6°C à Biarritz (64)
- 40,5°C à Lyon (69) & Le Mans (72)
- 39,4°C à Dinard (35)
- 39,3°C à Reims (51)
- 39,1°C à Creil (60)
- 38,9°C à Caen (14)
Températures minimales et maximales en août 2003 à Paris-Montsouris (75) - via infoclimat.fr
À Paris, les températures ont atteint des niveaux véritablement étouffants dès le 3 août et jusqu'au 12 inclus. Sur la période, les valeurs maximales ont quotidiennement atteint 35 à 39°C, grimpant jusqu'à 39,5°C en après-midi du 11 août 2003 ! Surtout, l'effet urbain a rendu les nuits terriblement pénibles avec des valeurs minimales s'étant maintenues quotidiennement entre 20 et 24°C et même 25,5°C durant les nuits du 11 et du 12 août 2003 ! Dans les appartements souvent mal isolés, cet épisode caniculaire fut une véritable épreuve.
Températures minimales et maximales en août 2003 à Orange-Caritat (84) - via infoclimat.fr
C'est toutefois dans les terres du sud-est que cette canicule fut la plus spectaculaire. À Orange dans le Vaucluse, il a fait quotidiennement entre 37 et 42°C du 2 au 14 août avec 5 journées à plus de 40°C ! Le thermomètre a atteint 42,4°C le lundi 11 août et 42,6°C le mardi 12 août 2003 ! Le drame réside dans le fait que les températures n'ont jamais vraiment baissé jusqu'à la fin du mois, atteignant encore souvent 35 à 37°C de la mi-août jusqu'au 27 ! La moyenne mensuelle fut de 36,5°C - 6°C au dessus de la normale ! Même pour cette région habituée à la chaleur, cette canicule fut très éprouvante.
Nombre de jours à plus de 35°C et à plus de 40°C en août 2003 - via Météo France
Les cartes ci-dessus montrent les régions où la durée de la canicule fut remarquable. De l'arrière-pays méditerranéen aux plaines du sud-ouest en remontant vers les régions centrales et l'Alsace, on a souvent enregistré 10 à 15 jours à plus de 35°C durant le mois d'août 2003. Le seuil des 40°C a même été dépassé durant plusieurs journées en basse vallée du Rhône, dans le sud-ouest et sur le centre de la France - du jamais vu auparavant ! Dans l'Yonne, Auxerre atteint ou dépasse les 40°C durant 8 jours consécutifs !
Vagues de chaleur majeure en France depuis 1947 - données Météo France via Visactu
Même si la canicule observée du 21 au 26 juillet 2019 fut d'intensité semblable, la canicule d'août 2003 fut sensiblement plus durable en s'étalant sur plus de la moitié du mois ! L'addition de la durée et de l'intensité de cet épisode de chaleur en fait toujours la canicule la plus importante qu'ait connu la France depuis le début des relevés météorologiques ! Cependant, de nombreux records datant de 2003 sont tombés durant l'été 2019, nous rappelant que le réchauffement nous expose à des canicules toujours plus intenses.
Une surmortalité dramatique
Coupures de presse d'août 2003, titrant "au secours" face aux dangers de la canicule - Chronique Météo Villes
La canicule de 2003 a marqué par son caractère pénible mais aussi et surtout en raison de ses conséquences sanitaires dramatiques. En août 2003, la chaleur fait toutes les unes de la presse et la polémique enfle face à l'afflux massif de patients âgés dans les hôpitaux, victimes de coups de chaleur.
En pleines vacances estivales, il faut rouvrir des lits à l'hôpital et rappeler du personnel. Les personnes vulnérables vivant dans des habitations mal isolées souffrent terriblement. Il en est de même dans les établissements pour personnes âgées, encore très peu équipés de climatisation à l'époque. Les décès vont malheureusement s'enchaîner...
Surmortalité estimée de la canicule d'août 2003 - archives INA
En France, le bilan humain de cette canicule fut dramatique. À l'automne 2003, les chiffres de la surmortalité rapportés par l'Institut de veille sanitaire faisaient état de 11.435 morts en France. Ce chiffre fut ensuite réévalué à la hausse lors d'un second rapport de l'InVS remis au Ministère de la Santé, estimant alors la surmortalité liée à la canicule de 2003 à environ 15.000 morts en France. En 2007, l'Inserm évoquait même plus de 19.000 décès.
L'augmentation anormale des décès fut particulièrement importante sur une large partie centrale de la France, où les températures les plus anormalement élevées ont été enregistrées. Cette année là, la France a pris conscience que les épisodes de chaleur intense pouvaient durer et tuer. Après cette canicule, de nombreuses mesures seront mises en œuvre pour s'adapter et anticiper les risques liés à la chaleur. Par exemple, une obligation de posséder au moins une pièce commune climatisée sera instaurée pour les maisons de retraite et la vigilance météorologique instaurée en 2001 se dotera d'un paramètre "canicule" qui n'était pas encore pris en compte en 2003.
Vous pouvez retrouver plus d'infos sur la canicule de 2003 via notre chronique >>>