Retour sur la grêle de ce week-end de la Pentecôte 2022
lundi 6 juin 2022Des chutes de grêle destructrices fréquentes et à plusieurs reprises :
La France a connu ces derniers jours plusieurs dégradations orageuses de grande ampleur avec une activité électrique remarquable, des inondations parfois notables mais surtout plusieurs chutes de grêle destructrices, notamment entre le Massif Central et le Sud-Ouest. Si la dégradation orageuse a débuté le 2 juin, c'est à partir du 3 que les premiers orages violents ont été observés sur le Sud-Ouest du pays.
En soirée du 3 juin, un puissant orage de grêle s'est en effet formé sur le département des Landes. De nature supercellulaire, celui-ci a entraîné de nombreuses chutes de grêle destructrice sur son passage, principalement entre le Nord du Gers et le Sud du Lot-et-Garonne. Sur ces secteurs, les grêlons ont parfois dépassé les 5cm de diamètre, engendrant de ce fait de nombreux dégâts sur leur passage.
Grêlons d'important diamètres et dégâts associés sur le Gers le 3 juin 2022 - Via Météo-Pyrénées
Si cet orage a ensuite perdu son caractère fortement grêligène en se décalant vers l'Est, d'autres cellules virulentes se sont formées près du piémont pyrénéen en produisant là encore de puissantes chutes de grêle et de nombreux dégâts.
Grêlons d'important diamètre sur le Sud de la Haute-Garonne le 3 juin 2022 au soir - Via Twitter @CamilleS1801
En parallèle, d'autres orages plus isolés se sont également développés sur le Centre et une partie du Nord-Ouest, engendrant là aussi des chutes de grêle localement dommageables.
Grêlons de plusieurs centimètres de diamètre à Ballan-Miré (Indre-et-Loire) - nuit du 03 au 04 juin 2022 - Twitter @Steph_Fous
C'est notamment le 4 juin que la dégradation la plus importante était attendue sur la France avec le placement en vigilance orange de 65 départements du Sud au Nord du pays. La situation était en effet particulièrement propice à la formation d'orages supercellulaires pouvant potentiellement produire de puissantes rafales de vent, des pluies diluviennes et surtout de fortes chutes de grêle. Si des orages localement violents se sont formés en début d'après-midi sur le Nord-Ouest, engendrant notamment de fortes rafales de vent et des inondations, c'est sur le Massif-Central que les orages les plus violents ont été observés en cours d'après-midi.
Orage supercellulaire et foudre près de Digoin en Saône-et-Loire ce 4 juin 2022 - Axel Guibourg
En effet, sur ce secteur, jusqu'à 8 supercellules simultanées se sont développées en fin de journée avec une nouvelle fois des chutes de grêle destructrices, atteignant jusqu'à 7-8cm de diamètre dans la Loire, le Puy-de-Dôme, l'Allier et la Creuse.
Grêlons destructeurs sur le Massif-Central ce 4 juin 2022 - Via Facebook : Météovergne
Ces grêlons ont engendré de très nombreux dégâts aux infrastructures, à la végétation et aux véhicules de la région et de nombreux habitants se sont retrouvés sinistrés, notamment en raison des toitures endommagées.
En soirée, c'est la région de Vichy (03) qui fut concernée par un violent orage supercellulaire engendrant des chutes de grêle de 7 à 8cm de diamètre et là encore d'innombrables dégâts.
Grêlons d'important diamètre et dégâts associés près de Vichy (03) le 4 juin 2022 – Maxence Verrier et utilisateur Twitter @sstarbOi
La grêle : une calamité de plus pour l'agriculture française !
Outre les dégâts aux infrastructures, de nombreux agriculteurs ont également souffert de ces chutes de grêle, principalement sur les régions du Sud-Ouest et du Centre. Suite aux orages du 3 juin, plusieurs milliers d'hectares ont été fortement impactés par la grêle entre les Landes et le Gers, certains exploitant ayant perdu la quasi totalité de leur récolte.
Un agriculteur des Landes durement touché par les chutes de grêle de ce week-end de Pentecôte 2022 - © Crédit photo : Thibault Toulemonde/SUD OUEST
Dans la Vienne, des centaines d'hectares ont également été impactés par les intempéries, tant par la grêle que par les rafales de vent et ce sont, d'après le gouvernement, plus de 40 départements qui ont été durement impacts par les orages de ces derniers jours de la Bretagne au Sud-Ouest en passant par le Centre.
Des cultures durement touchées par les orages du 4 juin dans le Vienne - Photo : © Radio France - Sarah D'hers
Ainsi, de nombreuses régions agricoles ont été touchées par des chutes de grêle destructrices durant ce week-end de Pentecôte, certaines très durement, notamment entre le Sud-Ouest et le Centre. Si le vent et la pluie ont été par endroit destructeurs, c'est notamment la grêle qui a causé le plus de dégâts chez nos agriculteurs français après un début d'année déjà difficile en raison du gel tarif du début du printemps et de la sécheresse des sols marquée sur de nombreux secteurs.
De tels épisodes de grêle sont-ils fréquents ?
Les épisodes de grêle destructrice se succèdent depuis plusieurs semaines sur la France et semblent devenir de plus en plus récurrentes. Par exemple, le 22 mai dernier, un orage supercellulaire durable avait déjà engendré des chutes de grêle violentes sur plusieurs dizaines de kilomètres entre le Poitou et le Centre avec des grêlons dépassant localement les 8-9cm de diamètre, engendrant de très nombreux dégâts.
Grêlons géants à Frontenay-Rohan-Rohan en soirée du dimanche 22 mai 2022 – Photo : ML KrissGemeaux
Depuis le 1er mai 2022, le site keraunos.org a recensé plus de 1500 chutes de grêle d'un diamètre supérieur à 2cm sur notre pays et 150 d'un diamètre supérieur à 5cm, des chiffres qui se montrent particulièrement élevés.
Carte des chutes de grêle d'un diamètre supérieur à 2cm recensés depuis le 1er mai 2022 sur la France – Keraunos.org
On note que ces chutes de grêle parfois destructrices ont majoritairement eu lieu sur un axe Sud-Ouest/Nord-Est, ce qui corrobore avec la survenue des dégradations orageuses récurrentes au printemps sur cet axe. Les intrusions d'air océanique sur des basses couches chauffées par le soleil sont en effet favorables à la formation de dégradations orageuses parfois virulentes chaque année entre les mois de mai et juillet sur ces régions.
Toutefois, chaque dégradation orageuse ne sera pas synonyme de grêlons abondants avec de gros diamètres. En général, les chutes de grêle dépassant les 4-5cm de diamètre sont observées sous des orages de nature supercellulaire, c'est à dire un orage présentant un mésocyclone (courant ascendant puissant et rotatif durable). Ce puissant courant ascendant permet en effet aux grêlons de rester plus longuement en altitude au sein du nuage et donc d'atteindre des tailles parfois très importantes. Lorsque le poids du grêlon n'est plus supporté par la puissance des vents en altitude, celui-ci retombe vers le sol sous l'effet de la gravité.
Schéma de la formation de grêlons géants sous un orage supercellulaire – Encyclopedia Britannica
Or, de tels orages de grêle surviennent quasiment chaque année sur le pays en fonction des situations plus ou moins favorables à leur formation. Ces situations sont, comme évoqué précédemment, le plus souvent rencontrées à la fin du printemps et au début de l'été sur un axe Sud-Ouest/Nord-Est avec l'arrivée de masses d'air dépressionnaires et plus fraîches en altitude par l'Atlantique sur des sols chauffés par les premières chaleurs estivales.
Situation favorable aux orages violents entre le Sud-Ouest et le Nord-Est de la France à la fin du printemps - Météo-Villes
Ces synoptiques sont le plus souvent productrices d'orages violents sur cet axe, quasiment tous les ans à la même période. La survenue de la grêle dépendra des valeurs d'instabilité associées, de l'importance du froid en altitude, de la dynamique générale, etc,.. des paramètres qui varient grandement selon les situations. Néanmoins, nombreux sont les exemples de violents orages de grêle par le passé sur notre pays.
Violents orages de grêle entre la fin du printemps et l'été, des exemples récents mais également très lointains :
Mai et juin 2014 : orages de grêle à répétition sur la France
Le printemps 2014 fut particulièrement orageux sur la France avec plusieurs vagues orageuses parfois violentes et des chutes de grêle destructrices successives.
Si les chutes de grêle avaient déjà été récurrentes durant le mois de mai avec des diamètres généralement inférieurs à 4-5cm, c'est entre le 7 et le 10 juin que les chutes de grêle les plus violentes avaient pu être observées. Durant cette période, une succession d'orages supercellulaires avait engendré des chutes de grêle exceptionnelles entre le Centre, l'Île-de-France et le Nord.
Grêlons géants sur le Val d'Oise en fin de journée du 8 juin 2014 – Capture Twitter
C'est toutefois en fin de journée du 9 mai qu'étaient tombés les grêlons les plus gros jamais mesurés en France. Sous un orage supercellulaire particulièrement abouti et durable, des grêlons géants de plus de 10cm de diamètre (plus gros qu'une balle de baseball) s'étaient en effet abattus sur plusieurs communes du Loiret. Le plus gros, atteignant 12cm de diamètre avait pu être retrouvé sur la commune d'Ardon (45) après que l'orage ait quasiment détruit de nombreuses toitures et véhicules.
Grêlon de 12cm de diamètre à Ardon (45) le 9 juin 2014 – Via Meteo-Centre.fr
11 août 1958 : le grêlon le plus lourd jamais relevé en France
Une violente dégradation orageuse concerne le Nord-Est de la France durant la journée avec la formation de plusieurs orages supercellulaires producteurs de violentes rafales de vent (plus de 120km/h) et de chutes de grêle extraordinaires. L'un de ces orages concerne la région de Strasbourg en fin de journée, produisant des grêlons dépassant la taille d'un poing d'après les observateurs de l'époque.
Orage de grêle dévastateur du 11 août 1958 à Strasbourg - archives Dernières Nouvelles d'Alsace
Outre les dégâts très étendus aux vignobles et aux habitations de la région, un grêlon d'un poids de 972g est relevé après le passage de l'orage, un record toujours d'actualité aujourd'hui en France !
22 juin 1842 : grêlons géants et tornade sur le Centre-Est
De très violents orages circulent sur le Centre-Est de la France durant la journée du 22 juin avec, d'après les observations et les témoignages de l'époque, plusieurs orages de grêle destructeurs entre le Sud de la Bourgogne et le lyonnais. Ceux-ci engendrent des chutes de grêle destructrices dépassant parfois les 8cm de diamètre entre Roanne et Mâcon, provoquant de très nombreux dégâts.
Cet orage, de toute évidence supercellulaire engendrera également la formation d'une forte tornade (intensité EF-4) près de Chauffailles (71), provoquant la mort de 33 personnes sur son passage.
Dégâts dus à la grêle et trajectoire de la tornade du 22 juin 1842 – Keraunos.org
13 juillet 1788 : Paris et une partie du Nord de la France dévastés par la grêle
Cet épisode orageux est l'un des plus sévères qu'ai connu la France durant son histoire. Dès le début de journée du 13 juillet, de violents orages concernent les régions s'étirant du Poitou au Nord en passant par l'Île-de-France.
Sur ces secteurs, les reports de grêle dévastatrice sont particulièrement nombreux. On signale des accumulations de grêle de 60 à 80cm d'épaisseur en Essonne, un grêlon de 10cm est ramassé sur ce même département, près de 12 000 vitres sont brisées par la grêle dans les Yvelines au Château de Rambouillet et on observe des impacts de grêlons de plus de 8cm de diamètre sur ses murs. Sur le Nord, les rafales de vent et las chutes de grêle engendrent d'innombrables dégâts avant un retour au calme à la mi-journée.
"Parmi les grêlons irréguliers, les uns étaient demi-sphériques, d’autres arrondis au milieu et comme armés de pointes, d’autres approchant de la forme de l’octaèdre, d’autres longs et épais comme des morceaux de glace, d’autres représentant des stalactites branchues. Au centre de la partie la plus épaisse de ces derniers, on distinguait un point blanc, opaque, rond, gros comme un pois, qui paraissait en être le noyau."
D'après les observations de l'époque, le poids des grêlons oscillait le plus souvent entre 200 et 300 grammes mais certains ont pu atteindre jusqu'à 700g. Les plus gros auraient également atteints jusqu'à 9-10cm.
Régions touchées par les orages de grêle du 13 juillet 1788 - Gallica/BNF
Au total, plusieurs personnes et de très nombreuses bêtes sont tuées par ces orages, que ce soit par les rafales de vent mais également par la grêle. 1039 paroisses sont sinistrées et les dégâts s'estiment à plus de 24 900 000 francs,
Si la récurrence des orages de grêle destructeurs de ces dernières semaines pourrait faire envisager l'implication du réchauffement climatique dans leur survenue, il est important de rappeler que ce type d'orage a toujours existé sur notre territoire avec plus ou moins de violence selon les épisodes.