Vague de froid ? Douceur ? L'expertise météo soumise aux incertitudes
dimanche 7 février 2021Depuis ce dimanche, une coulée d'air froid gagne du terrain au nord de la Seine avec le retour des gelées et même l'apparition de la neige. Ceci pourrait être le début d'une vague de froid sur ces régions, avec des températures fortement négatives et des journées sans dégel, potentiellement jusqu'au week-end prochain... Tel est le scénario privilégié aujourd'hui par les météorologues de Météo-Villes.
Températures maximales prévues - jeudi 11 et vendredi 12 février 2021 - Météo-Villes
Toutefois, ce scénario froid ne faisait pas encore l'unanimité hier parmi nos météorologues. Car malgré l'expertise approfondie, certains situations mettent en avant des incertitudes majeures avec des modèles numériques totalement opposés. Une situation difficile qui résume la situation actuelle, puisque un scénario doux était encore proposé dans vos prévisions de la veille.
Ces revirements de situation sont la hantise de tout prévisionniste. En témoigne les sorties du modèle américain de référence "GFS" pour la tendance du vendredi 12 février : à gauche, le scénario d'hier évoluant vers un flux d'Ouest radouci, à droite le scénario du jour avec un flux d'Est particulièrement froid près des frontières du Nord-Est.
Température de la masse d'air à 850hPa pour le vendredi 12 février 2021 - Sortie modèle GFS de samedi matin (gauche) et du dimanche matin (droite)
Conséquence : la différence de températures pour cette même date (vendredi 12) est alors excessive. D'un côté des températures matinales supérieures à 3-4°C, de l'autre de fortes gelées généralisées (< -5°C), soit plus de 10°C d'écart !
Températures minimales prévues le vendredi 12 février 2021 - Sortie modèle GFS de samedi matin (gauche) et du dimanche matin (droite)
L'incertitude intervient à partir de la journée du jeudi 11 février. A partir de cette date, vague de froid comme douceur sont des possibilités à ne pas exclure sur la moitié Nord. En témoigne pour les villes de Lille et de Paris, où une multitude de scénarios envisagent un pic de douceur autour du 14 février (masse d'air 1500m d'altitude approchant les +10°C), tandis que d'autres, dont le modèle GFS, optent pour un froid vif (masse d'air autour de -5°C à 850hPa voire moins).
La médiane (ligne rouge) ne permet pas de prendre de décision de façon certaine, puisque les scénarios sont soit largement au delà, soit largement en deça...
Scénarios de l'ensemble GEFS (32 scénarios) - température de la masse d'air à 1500m d'altitude - Météociel
Parmi les modèles numériques principaux, les écarts sont également extrêmes, entre un modèle Canadien (GEM en rouge) entrevoyant une vague de froid très intense et durable, a contrario du modèle Australien (ACCESS-G en violet) allant vers un redoux à moyen terme.
L'expertise météorologique repose alors sur cette comparaison de modèles. Pour notre prise de décision ce dimanche, nous avons décidé d'éliminer les modèles les plus extrêmes, et se baser sur les scénarios dits "médians". Ici, il s'agit des deux modèles majeurs et de référence que sont les modèles américains "GFS" (vert) et européens "ECMWF" (bleu).
La tendance privilégiée par Météo-Villes est alors l'installation de conditions froides avec peu voire pas de dégel durant la semaine prochaine au nord de la Seine, le tout sous un vent d'Est vif et particulièrement désagréable.
Comparaison de modèles pour la prévision de température à Lille et Paris - Meteorologix
Cette tendance reste toutefois incertaine, notamment sur l'intensité de ce froid qui dépend de paramètres supplémentaires. En effet, la neige sera un phénomène à prendre en compte pour évaluer cette potentielle vague de froid. Comme annoncé dès ce samedi (>>), un front accompagné de neige pourrait concerner plusieurs régions du nord de la Loire (à l'interface entre air doux et air froid). La quantité de neige ainsi que les régions les plus touchées ne sont pas encore bien cernées, et ceci a une conséquence notable.
En présence de neige au sol et lors d'une nuit dégagée, le phénomène dit de "rayonnement nocturne" se met en place. L'air chaud emmagasiné par le sol (via les rayons du soleil) est restitué dans l'atmosphère la nuit par absence de couche nuageuse, et les températures chutent près du sol. Mais en présence de neige au sol, aucune accumulation de chaleur n'est possible en journée (le blanc de la neige renvoyant la chaleur contrairement aux surfaces plus sombres), ce qui accentue le froid au fil des nuits.
Ce phénomène de rayonnement nocturne est envisagé par différents modèles en raison des chutes de neige attendues. Pour certains scénarios, comme le modèle allemand ICON-EU, ce phénomène permet des prévisions extrêmes, chutant sous les -15°C en matinée de jeudi entre Normandie et Picardie. Un autre facteur rendant encore plus complexe la prévision !
Hauteur de la couche de neige prévue par le modèle ICON-EU - matinée du jeudi 11 février 2021 - Meteociel
Température minimale prévue par le modèle ICON-EU - matinée du jeudi 11 février 2021 - Meteociel
Malgré cette expertise, des changements notables sont donc encore fortement plausibles. Pour garder une certaine transparence sur ces incertitudes, des annotations sont lisibles sur toutes nos prévisions expertisées. Voici leur signification :
> A confirmer
La prévision a changé récemment, mais le ressenti reste globalement le même.
Dans ce cas, la notion d'incertitude est faible mais suffisante pour notifier l'utilisateur qu'un doute persiste sur le déroulement des évènements avec par exemple;
- Incertitude sur l'heure d'arrivée d'une perturbation;. La perturbation est confirmée mais nous ne pouvons pas déterminer si elle arrivera sur la ville plutôt le matin ou plutôt l'après-midi
- Incertitude sur le type de précipitations: de la pluie ou de la neige est attendue sur la ville, mais les températures trop proches de 0° ne nous permettent pas de déterminer précisément quel type de précipitations tomberont, mais les intempéries hivernales sont confirmées (humide et froid).
La prévision est donc fiable sur les grandes lignes, mais le détail reste à confirmer.
> Très incertain
La prévision a changé ou risque de changer de façon notable durant la dernière actualisation ou durant les prochaines.
Dans ce cas, la notion d'incertitude est forte. Le ressenti pour l'utilisateur peut être significativement différent au final. Par exemple;
- Grande incertitude sur l'heure d'arrivée d'une perturbation. La perturbation est bien confirmée mais peut ralentir et arriver le lendemain ou au contraire accélérer et arriver plus tôt.
- Une tendance était anticipée par la majorité des modèles, mais le scénario initialement minoritaire remplace la prévision initiale. Par exemple une situation avec la mise en place d'un redoux prévue initialement, se transformant finalement en une situation radicalement plus froide. C'est un cas qui arrive en général à long terme (>J+5)
La prévision est ici choisie selon le scénario le plus probable et est donc susceptible d'arriver, mais dans un soucis de transparence avec nos utilisateurs, nous mentionnons un risque de changement noté très incertain
Nos prévisions sont réalisées par une équipe de prévisionnistes professionnels qui réalise manuellement la grande majorité du travail. Ces notifications sont donc ajoutées manuellement par nos prévisionnistes en totale indépendance et selon le fruit de leur analyse personnelle. C'est une marque de transparence de notre site concernant les prévisions, vous ne pourrez pas retrouver un tel indicateur sur une application ou un site de prévisions exclusivement automatiques.
> En face de chaque échéance de chaque ville qui leur sont assignées, nos prévisionnistes disposent de ces choix pour indiquer la fiabilité de leurs prévisions, selon leur propre travail.
Face à ces incertitudes qui demeurent quant au risque de froid et de neige, nous vous proposons consulter régulièrement nos prévisions nationales expertisées et actualisées quotidiennement >>.