COP 27 : cinquante ans de mobilisations et polémiques face aux défis du réchauffement climatique
lundi 7 novembre 2022
La COP 27 se déroule en ce mois de novembre 2022 en Egypte et a pour objectif d'accélérer les changements internationaux visant à limiter l'impact du réchauffement climatique. Celle-ci intervient après une année record en terme de catastrophes sur de nombreuses régions du monde, canicule historique en Chine, année 2022 historiquement chaude et sèche en France ou encore inondations catastrophiques en Australie, nombreux sont les exemples des conséquentes directes ou indirectes du réchauffement climatique ces derniers mois.
L'action est donc vitale de la part des acteurs du globe pour limiter les impacts de ce réchauffement. Si le phénomène semble s'accélérer ces dernières années, le monde entier a pourtant conscience de celui-ci depuis plusieurs dizaines d'années. Retour sur 50 ans d'histoire de la lutte contre le réchauffement climatique dans le monde en s'appuyant sur le documentaire "Le monde d'en face" diffusé sur France 5, un chemin particulièrement semé d'embûches.
Réchauffement climatique et mobilisations : 3 pas en avant, 2 pas en arrière
Si le changement climatique est connu des scientifiques depuis le 19è siècle, celui-ci a véritablement été mis au premier plan lors de la première Conférence des Nations Unies sur l'environnement à Stockholm en juin 1972. Lors de celle-ci un nouvel objectif était évoqué pour les dirigeants du monde entier, lutter contre la pollution. Les premières études avaient déjà évoqué quelques années plus tôt un réchauffement planétaire engendré par l'homme et ayant notamment pour conséquence une fonte progressive des glaces et une élévation du niveau de la mer.
1er Sommet de la Terre de l'histoire à Stockholm en 1972 - Illustration : Sciences et avenir
Ces premiers constats avaient ensuite été rapidement étayés par de nouvelles études scientifiques durant les mois qui suivirent. Le scientifique James Hansen avait par exemple établi les premiers chiffres du potentiel réchauffement dans les années à venir, parlant d'un réchauffement planétaire pouvant atteindre +3°C après l'horizon 2050. Celui-ci avait également mis en avant le lien avec les gaz à effet de serre en comparant l'atmosphère de la planète Vénus à celle de la Terre, le CO2 avait notamment été mis en avant pour ses effets très néfastes sur notre atmosphère.
La question du réchauffement climatique restait pourtant sujette à débats auprès du grand public en l'absence de preuves formelles mais la prise de conscience était déjà présente du côté des décideurs politiques et les premières actions étaient donc mises en place.
Le réchauffement climatique allait toutefois être rapidement mis au second plan. Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 ont en effet mis le monde à l'arrêt et fait prendre conscience au monde entier de notre dépendance aux énergies fossiles, principales sources des gaz à effet de serre. Si l'occasion était idéale pour trouver des alternatives à ces énergies polluantes, ce fut l'inverse qui se produisit avec de nombreux pays se ruant sur le pétrole pour constituer des réserves énergétiques et ainsi éviter une nouvelle pénurie.
Le choc pétrolier de 1973 et la dépendance de l'industrie mondiale au pétrole - Illustration via Radio-Canada.ca
Cette crise de l'énergie a donc mis au second plan la question du réchauffement climatique, l'important était la croissance et l'indépendance énergétique pour les pays les plus puissants. Les Etats-Unis se sont par exemple orientés vers le pétrole et ont ainsi augmenté leur taux de production et donc de pollution alors que d'autres se sont plutôt orientés vers le nucléaire comme la France.
C'est à partir des années 80 que deux camps s'opposent. D'un côté les entreprises et pays basant leur économie sur le pétrole et les énergies fossiles et de l'autre les pays favorables à une transition énergétique. En l'absence de véritables preuves d'un réchauffement planétaire et de ses conséquences potentiellement désastreuses, de nombreux pays se sont donc concentrés sur leur croissance via les énergies fossiles plutôt que leur vulnérabilité face au climat, ralentissant donc la lutte contre le changement du climat.
En 1986, l'Europe vote l'Acte Unique Européen qui a posé les bases de la politique environnementale sur le continent alors que les Etats-Unis préfèrent au contraire diminuer les financement sur la recherche pour le réchauffement climatique.
Un autre problème environnemental apparaît alors, le trou dans la couche d'Ozone causé notamment par les chlorofluorocarbures. Pris bien plus au sérieux que la question du réchauffement, des mesures seront rapidement prises pour interdire leur utilisation, remettant encore plus franchement au second plan la question du réchauffement climatique.
L'évolution du trou dans la couche d'Ozone entre 1979 et 2010 - NASA
Néanmoins, un évènement climatique va venir changer les mœurs du côté de la première puissance mondiale durant l'année 1988. Une sécheresse historique a en effet concerné une large partie des Etats-Unis durant de longs mois, accompagnés d'incendies dévastateurs sur l'Ouest du pays. Cet évènement, même s'il fut catastrophique, a engendré une prise de conscience massive du réchauffement climatique du côté du gouvernement américain, qui a permis la création du GIEC ( Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat).
La sécheresse de 1988 et la baisse du niveau des fleuves américains met à jours des dizaines d'épaves sur les berges du Mississipi - Wikipedia
Cette avancée en terme de prise de conscience et d'action mondiale fut toutefois de courte durée puisque l'élection du président Bush l'année suivante, dont la famille a fait fortune grâce au pétrole, a entraîné une nouvelle régression du côté du gouvernement américain, celui-ci s'efforçant à présent de minimiser le réchauffement climatique et ses possibles conséquences.
La Guerre du Golfe a également remis le pétrole sur le devant de la scène au niveau mondial, celui-ci étant considéré comme vital pour rester dans la course à la mondialisation mais aussi pour développer de nouvelles technologies.
Puis de pétrole en feu au Koweït lors de la Guerre du Golfe en avril 1991 - AFP
Après un grand pas en avant dans la lutte contre le réchauffement climatique, 2 pas en arrière étaient de nouveau effectués de la part des principales puissances mondiales.
Toutefois, une nouvelle lueur d'espoir allait s'allumer lors du sommet de Rio avec un accord établi entre la plupart des pays pour se concentrer sur la question du climat. Les Conférences des Parties (COP) annuelles étaient également mises en place lors de ce sommet, une réunion annuelle des pays du monde entier pour fixer des objectifs climatiques mondiaux.
Une aubaine pour l'avancée de la lutte contre le réchauffement climatique qui ne convenait toutefois pas aux pays et entreprises exploitant les énergies fossiles qui allaient recourir à une nouvelle stratégie pour continuer a générer des profits. Si nier la question du réchauffement n'était plus envisageable, la nouvelle stratégie visait cette fois-ci à le minimiser. Le déni climatique était né.
Le déni climatique - Illustration via Wikipedia
Une tendance plus encourageante depuis le début des années 2000 ? Oui et non.
Malgré cette résurgence du déni climatique, de nombreux acteurs mondiaux poursuivaient leur lutte. En 1997, le protocole de Kyoto fut signé, ayant pour conséquence un engagement des pays développés à réduire de 5% leur émission de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Ce protocole ne fut une nouvelle fois pas suivi par les Etats-Unis, une grande partie de leur économie reposant sur l'exploitation des énergies fossiles.
L'ordre mondial tendait toutefois vers une entente dans les années qui suivirent et les Etats-Unis se rapprochaient de plus en plus d'un accord, jusqu'à ce qu'encore une fois, un évènement remette la question du climat au second plan, à savoir les attentats du 11 septembre 2001. Une nouvelle fois, la lutte n'était plus orientée vers le climat mais vers la sécurité internationale et le risque d'attentat grandissant dans les pays occidentaux.
Il faudra attendre 2005 et un enchainement de catastrophes naturelles (tel que le fameux ouragan Katrina) pour que la sonnette d'alarme soit tirée par les assureurs du monde entier. Les évènements climatiques se faisant de plus en plus dévastateurs, les assurances ont en effet mis en garde de nombreux gouvernements (encore sceptiques jusque là) sur les potentielles conséquences économiques désastreuses de catastrophes naturelles à répétition.
Le monde des assurances étant central et primordial pour l'économie, celui-ci a pu imposer à une majorité de grandes puissances un accord pour limiter les conséquences du réchauffement climatique et ainsi limiter le risque de crise économique sans précédent.
Les conséquences désastreuses de l'ouragan Katrina en 2005 sur de nombreux habitants de la Nouvelle-Orléans - Illustration : history.com
Les cartes étaient enfin entre les mains des principaux acteurs du monde entier pour enfin changer la politique mondiale, d'autant plus que le secteur des énergies renouvelables se montrait en plein essor et que les énergies vertes devenaient véritablement "à la mode". Le secteur prive commençait également à prendre le pas sur les gouvernements dans la lutte contre le changement climatique avec des innovations technologiques et fonctionnelles de plus en plus bénéfiques pour l'environnement.
Malgré tout le changement se montrait lent, les COP s'enchaînaient sans véritablement apporter de changement majeur et les catastrophes naturelles continuaient de se multiplier chaque année. Ce n'est qu'en 2015 que l'accord de Paris fut signé, un avancement majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique signé par de très nombreux pays visant une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 (par rapport à 1990) et une limitation du réchauffement climatique à +1.5°C
L'accord de Paris en 2015 - AFP
Une nouvelle fois, cette euphorie fut de courte durée puisque l'élection du président Trump, ouvertement climatosceptique a rapidement entraîné un retrait des Etats-Unis de cet accord de Paris et donc un nouveau pas en arrière au niveau mondial.
Néanmoins le changement climatique était entré dans toutes les pensées, tout comme ses potentielles conséquences. Le réchauffement climatique est aujourd'hui notre quotidien à tous et n'est plus seulement une histoire d'accords, de coûts/bénéfices ou de mesures. Celui-ci devient une lutte vitale pour de très nombreuses personnes que ce soit dans la jeunesse, dans le secteur privé ou dans les gouvernements mondiaux.
De nouvelles actions et mesures sont prises chaque année pour limiter les impacts de ce réchauffement, comme par exemple la neutralité carbone en Europe d'ici 2050 décidée en 2019 ou encore le retour des Etats-Unis dans l'accord de Paris en 2021, des actions qui font renaître un véritable espoir qu'un réel changement mondial est envisageable et surtout possible.
Mais le spectre d'un nouveau grand pas en arrière pèse toujours sur toutes les avancées effectués jusqu'à maintenant. Récemment, la guerre en Ukraine et la crise énergétique en résultant soulèvent de nouveau des débats houleux qui pourraient avoir des conséquences néfastes dans la lutte contre le changement climatique.
Dégâts sur des infrastructures électriques en Ukraine après une frappe Russe - Illustration : Le Parisien
Chaque geste est néanmoins déterminant pour la suite même si beaucoup de temps a déjà été perdu et d'autres mesures potentiellement majeures pourront être adoptées lors de la COP 27 durant ce mois de novembre 2022. Encore faudra-t-il que celles-ci soient respectées dans les prochaines années et que d'autres évènements mondiaux ne mettent pas de nouveau la question du changement climatique au second plan comme c'est régulièrement le cas depuis 50 ans.
Retrouvez le documentaire sur lequel s'est inspiré cet article >>