Des épisodes méditerranéens plus fréquents et plus violents à cause du réchauffement climatique ?
jeudi 7 octobre 2021Les conséquences des épisodes méditerranéens deviennent de plus en plus importantes en raison de l'augmentation de la fréquence des cumuls de pluie exceptionnels. Quel rôle joue le réchauffement climatique sur ces phénomènes ?
De gros dégâts en début de semaine
Gros dégâts après les orages diluviens au quartier St-Marcel de Marseille le 4 octobre 2021 - photo Nadia Brahim
En début de semaine, un épisode méditerranéen a fait l'actualité en occasionnant des inondations et des dégâts parfois importants entre les Cévennes et la région PACA. Marseille a fait la une en matinée du lundi 4 octobre 2021, subissant un orage diluvien ayant déversé plus de 170 mm en quelques heures sur le nord et l'est de la ville ! De telles quantités d'eau en si peu de temps sont remarquables sur ce secteur de plaine et ont généré d'importantes inondations !
Importantes inondations dans le centre-ville de Savone (Italie) le 4 octobre 2021 - via Marco MM
De l'autre côté de la frontière, l'Italie a également subi de plein fouet les conséquences de cet épisode méditerranéen avec une ligne orageuse à caractère stationnaire occasionnant des cumuls historiques sur la région côtière de Savone en Ligurie, sur les bords du golfe de Gênes. Plusieurs stations du secteur ont dépassé les 500 mm et on a même relevé plus de 800 mm à Rossiglione, l'équivalent de 15 mois de pluie sur Paris ! Des communes entières ont été gravement inondées.
Les épisodes méditerranéens sont-ils plus fréquents ?
Variation du nombre d'événements (en %) pouvant causer des inondations entre 2000 et 2050 - via senat.fr
Pour savoir si les épisodes méditerranéens sont de plus en plus fréquents, intéressons-nous à la fréquence des pluies intenses sur les régions méditerranéennes françaises. Trois seuils sont représentés sur le graphique ci-dessus, ciblant le nombre de jour avec cumul supérieur à 100 mm sur 24h (en bleu), supérieur à 150 mm en 24h (en rose pâle) et supérieur à 190 mm en 24h (en rouge).
En observant les courbes, on constate qu'aucune tendance évolutive ne s'observe véritablement entre 1958 et 2018. Une forte variabilité d'une année sur l'autre est observée depuis des décennies mais il n'y a pas de tendance générale à l'augmentation des épisodes méditerranéens, dont la fréquence semble rester plus ou moins stable malgré le réchauffement.
Variation du nombre d'événements (en %) pouvant causer des inondations entre 2000 et 2050 - via senat.fr
Dans un rapport rendu public par le Sénat en 2018, Météo France dressait une projection de l'augmentation de la fréquence des épisodes pluvieux susceptibles de générer des inondations, en fonction des différents bassins français. On note que c'est sur les régions du nord et du nord-ouest que la fréquence des épisodes pluvieux exceptionnels devrait le plus augmenter d'ici 2050, de plus de 75% sur la Bretagne et le Nord ! L'épisode ayant donné plus de 100 mm sur Nantes le samedi 2 octobre dernier en est une belle illustration.
À l'inverse, on constate que les modèles climatiques ne s'attendent pas véritablement à une augmentation de la fréquence des épisodes pluvieux dommageables dans le sud de la France. Sur les régions méditerranéennes, la variation d'ici 2050 devrait être quasi-nulle. Ces projections semblent confirmer le fait que la fréquence des épisodes méditerranéens n'est pas dans une phase croissante.
Des épisodes méditerranéens plus intenses !
Rapport à la normale de l'intensité des pluies extrêmes en Méditerranée de 1961 à 2017 - via Météo France
Si les épisodes méditerranéens ne semblent pas devenir plus fréquents, on observe en revanche une tendance nette vers une augmentation de leur virulence. La courbe ci-dessus montre le rapport à la normale 1961-1990 de l'intensité des pluies extrêmes sur les régions méditerranéennes. On observe une tendance à la hausse assez nette depuis les années 1990, décennie durant laquelle le réchauffement climatique s'est accéléré.
L'année record pour les épisodes de pluies intenses en Méditerranée est 2014. Durant celle-ci, les régions méditerranéennes avaient connu 18 journées avec au moins un cumul égal ou supérieur à 150 mm en 24h ! D'une manière générale, on observe une augmentation de 22% des pluies intenses sur nos régions méditerranéennes depuis 1961. Bien que la fréquence des épisodes modérés n'augmente pas, celle des épisodes intenses avec cumuls à plus de 200 mm en 24h grimpe.
Contenance maximale en vapeur d'eau dans l'atmosphère en fonction de la température - via testo.com
L'explication à l'augmentation de la sévérité des épisodes méditerranéens est très simple. Dans un contexte de réchauffement climatique, les températures de plus en plus élevées permettent à l'air d'être de plus en plus chargé en vapeur d'eau, ce qui confère aux nuages un potentiel précipitable de plus en plus important.
Imageons la situation en se représentant une éponge. Lorsqu'il fait 0°C, notre éponge peut absorber 4,8 grammes d'eau jusqu'à saturation (humidité de 100%). Mais s'il fait 20°C, l'éponge peut absorber 17,3 grammes d'eau et cette valeur grimpe à 30,3 grammes d'eau sous une température de 30°C. Plus il fait chaud et plus l'air peut emmagasiner d'importantes quantités de vapeur d'eau avant que la pluie ne se forme.
Modélisation de l'augmentation des valeurs de pluie intense (d'une période de retour de 20 ans) d'ici 2100 - via Météo France
La carte ci-dessus montre l'évolution (en %) de la valeur de fortes pluies sur 24h d'une durée de retour de 20 ans d'ici 2100. En d'autres termes : elle montre comment va évoluer un cumul de pluie que l'on ne rencontre que 5 fois par siècle. Si la virulence des pluies intenses devrait diminuer sur le sud du bassin méditerranéen (en bleu ci-dessus), la tendance est clairement à la hausse sur le nord du bassin, concernant les régions méditerranéennes françaises.
Les différents scénarios s'accordent sur une tendance à la hausse de 5 à 15% des cumuls lors des épisodes les plus intenses sur nos régions méditerranéennes avec l'augmentation la plus forte entre les Cévennes et la côte d'Azur, moins prononcée vers le Roussillon. D'une manière générale, cette intensification des épisodes méditerranéen se ferait particulièrement sentir de l'Italie jusqu'à la Grèce.
Pour résumer : tout laisse à penser que le réchauffement climatique conduira à des épisodes méditerranéens pas forcément plus nombreux mais de plus en plus virulents avec des cumuls sur 24h atteignant de nouveaux extrêmes. Dans un contexte d'urbanisation grandissante, les inondations pourraient s'avérer de plus en plus dangereuses...