Gel des cultures, pourquoi un phénomène récurrent ces dernières années ?
lundi 4 avril 2022
Braseros dans un vignoble français dans la nuit du 3 au 4 avril 2022 - Mediavenir
Un événement récurrent depuis plusieurs années :
Le gel tardif se montre récurrent ces dernières années sur notre pays avec des dégâts parfois très importants sur nos cultures. Les coups de froid ne sont en effet pas rares entre les mois d'avril et mai, cette période marquant la transition progressive entre la fin d'hiver et les premières chaleurs du printemps.
En ce début avril 2022, le froid se montre particulièrement marqué après une période de grande douceur printanière. Outre de la neige observée jusqu'en plaine, les gelées ont fait un retour marqué entre le week-end des 2 et 3 avril et ce lundi 4 avril 2022. La matinée du lundi 4 avril fut d'ailleurs la plus froide en France depuis 1947 avec un indicateur thermique national (températures minimales) de -1.5°C, battant les -1.4°C du 12 avril 1986.
Record d'indicateur thermique pour un mois d'avril en France - Météo-Villes
Les gelées ont en effet été particulièrement nombreuses et ont touché une très large partie de la France ce lundi, se montrant parfois fortes pour la période. De nombreux records mensuels ont également été battus sur les stations du réseau principal.
- -6.2°C à Rodez (ancien record -5.5°C)
- -5.6°C à Châteauroux (ancien record -4.2°C datant de 1929 !)
- -5.3°C à Angers (ancien record -4.8°C)
- -4.4°C à Cognac (ancien record -5.5°C datant de 1956)
- -3.8°C à Bourges (ancien record -3.7°C)
- -3.2°C à Vannes (ancien record -2.6°C)
- -3°C à Laval (ancien record -2.6°C)
- -2.8°C à Dax (ancien record -1.8°C)
Outre ces valeurs particulièrement basses sur les plaines françaises, des gelées sévères ont également été observées sur les sols enneigés des reliefs de l'Est du pays. C'est dans le Doubs que les valeurs les plus basses ont été observées avec jusqu'à -21.5°C aux Pontets, ce qui établirait un nouveau record national pour un mois d'avril. Toutefois, cette valeur ne devrait pas être officialisée, la station ne faisant pas partie du réseau Météo-France.
En conséquence de ce gel sévère, les cultures françaises ont de nouveau vécu une nuit difficile et les pertes s'annoncent de nouveau particulièrement importantes sur de très nombreuses régions.
Braseros pour lutter contre les très fortes gelées de ce 4 avril 2022en Côte d'Or - Photographie : Titouan Rimbault
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Avril 2021 : Catastrophe majeure sur les cultures françaises
Après une fin de mois de mars très douce, le froid a fait un grand retour sur la France pour le mois d'avril 2021 avec le retour de très nombreuses gelées sur une large partie du territoire, parfois records.
Localisation des stations avec record de chaleur fin mars 2021 puis records de froid début avril 2021 - Météo-Villes
Ce froid a eu d'importantes conséquences sur les cultures de nombreuses régions avec par exemple certaines parcelles de vignes affichant jusqu'à 100% de bourgeons gelés et des pertes sur la quasi-totalité des vignobles français s'élevant en général à 50-80%.
Outre les vignes, les arbres fruitiers avaient également subi de lourds dégâts et de très nombreuses pertes durant cette période, la végétation se montrant en effet déjà très avancée pour la période suite à la douceur de la fin du mois de mars.
Braseros à Loriol-sur-Drôme dans la nuit du 8 avril 2021 pour sauver les abricotiers - photo Léo Lespets
Cet épisode s'était avéré exceptionnel sur la France et avait été qualifié comme l'une des plus grandes catastrophes agricoles de l'histoire sur notre pays.
Avril 2019 : Gel tardif et dégâts sur les cultures
Après un début de mois progressivement plus printanier, une masse d'air froide déboulait sur la France à la mi-avril 2019 avec le retour de très nombreuses gelées sur la France, concernant près de la moitié du territoire.
Part du territoire français concerné par une gelée entre le 1er mars et le 14 avril 2019 – Météo-Villes
Si la douceur ne s'était pas montrée particulièrement importante durant les semaines précédentes, limitant l'avancée de la végétation sur de nombreuses régions, ces gelées parfois fortes et généralisées avaient engendré des dégâts parfois importants sur les cultures françaises, notamment au niveau des vignobles.
Bruleurs dans les vignobles de Bourgogne - 14 avril 2019 - Vincent Dancer
Avril 2017 : Retour du gel après une période de douceur
Alors que le début du mois d'avril s'était montré particulièrement doux voire chaud (jusqu'à 28,9°C à Dax le 9 avril), un flux continental s'était mis en place entre le 19 et le 22 sur la France, apportant une masse d'air bien plus froide.
Part du territoire français concerné par le gel entre le 1er et le 21 avril 2017 – Météo-Villes
Ce gel avait de ce fait eu de grandes conséquences sur les cultures françaises, la végétation se retrouvant en avance de 2 à 3 semaines suite à la chaleur du début de mois. Ainsi, les pertes avaient de nouveau été très nombreuses, notamment entre l'Est et le Nord du pays au niveau des vignobles et des arbres fruitiers.
Dégâts suite au gel des 19 et 20 avril 2017 sur les vignobles du Jura – Voix du Jura
Fin avril et début mai 2016 : Coup de froid tardif
Un coup de froid particulièrement tardif avait concerné la France à la fin du mois d'avril alors que le printemps commençait déjà à franchement s'installer sur le pays. Le gel avait en effet concerné de nombreuses régions entre le 24 et le 29 avril pour perdurer ensuite début mai avec même le retour de la neige jusqu’en plaine sur le Nord du pays.
La végétation étant déjà avancée à la fin du mois d'avril, les dégâts s'étaient montrés parfois nombreux au niveau des cultures, notamment sur les vignes qui avaient parfois été durement touchées par le gel.
Gel sur les vignes en Côte d'Or - 27 avril 2016 - Le Bien Public
Pourquoi le gel des cultures semble-t-il de plus en plus récurrent ?
Les coups de froid se sont toujours produits avec plus ou moins d'intensité au mois d'avril sur notre pays, toutefois leur conséquences sur les cultures semblent de plus en plus catastrophiques ces dernières années.
La raison principale de ce gel destructeur pour les cultures est, paradoxalement, la survenue de coups de douceur voire de chaleur précoces précédant ces événements. En effet, lorsque les températures restent dans les normales de saison mais qu'un coup de froid tardif intervient, les conséquences restent relativement limitées car la végétation ne se montre pas anormalement avancée pour la période comme ce fut le cas cette année mais également lors des précédents épisodes.
Fleurs de pommiers brûlées par le gel à Argenteuil (Val-d'Oise) le 7 avril 2021 - via Firmin76 sur Twitter
En effet, les coups de douceur précoces, très récurrents ces dernières années entre les mois de février et mars, ont pour effet d'engendrer une avancée précoce de la végétation. Ceux-ci provoquent en effet une floraison des végétaux plus avancée à cette période de l'année, notamment si la douceur se montre importante durant plusieurs jours voire semaines.
En effet, la floraison des végétaux est intimement liée au climat. Au début du printemps, lorsque le soleil est plus haut dans le ciel et que les premières périodes de douceur se font sentir, la plante sort de son état de « dormance » et commence à développer ses premiers bourgeons puis ses premières fleurs. Si la douceur persiste, le mécanisme continuera et la floraison pourra avancer plus franchement.
Le calendrier de la vigne - Covigneron
Or, la douceur printanière se montre de plus en plus précoce avec les effets du réchauffement climatique, si bien que les premiers ressentis doux et printaniers durables peuvent véritablement être observés entre les mois de février et mars sur notre pays. Ceci se montre très problématique pour la végétation car celle-ci se développe donc bien plus en avance qu'à l'accoutumée, notamment si les températures sont anormalement élevées pour la période durant une période assez longue.
Ceci pourrait ne pas être problématique si le temps se réchauffait progressivement à l'approche de la saison estivale, or, les coups de froid en avril et mai interviennent quasiment chaque année sur notre pays et ce depuis le début des relevés météo. Si ceux-ci sont précédés d'épisodes de douceur, voire de chaleur, la végétation présentant plusieurs semaines d'avance sera donc fortement impactée, comme ce fut le cas ces deux dernières années.
Graphique de l'évolution de l'indicateur thermique national entre janvier et avril en 2022 et 2021 - Infoclimat.fr
Plus les coups de douceur seront précoces et importants, plus la floraison des végétaux débutera tôt sur notre pays et donc plus les coups de froid tardifs seront lourds de conséquences. Avec le réchauffement climatique, les périodes de douceur précoces se montreront de plus en plus fréquentes alors que, climatologiquement parlant, les coups de froid plus ou moins intenses resteront toujours possibles jusqu'au mois de mai.
Les agriculteurs devront donc s'habituer à ce que ce type de phénomène soit de plus en plus récurrents. Si on ne peut éviter un épisode de gel, les techniques de lutte contre le froid tardif (braseros, couche de glace sur les végétaux,...) pourront permettre de limiter au plus possible les pertes à l'avenir.