La vague de froid de décembre 1879 serait-elle encore possible aujourd'hui ?
lundi 11 décembre 2023Une vague de froid exceptionnelle sur la France
En décembre 1879, une vague de froid exceptionnelle a concerné la France pendant la quasi totalité du mois, apportant un froid glacial et des chutes de neige abondantes sur de nombreuses régions.
Celle-ci avait débuté véritablement le 4 décembre alors qu'une tempête de neige majeure avait circulé sur une partie du Nord de la France à proximité d'une zone dépressionnaire, apportant des quantités de neige particulièrement importantes sur de nombreuses régions. Paris fut également concerné par ces fortes chutes de neige avec une couche s'approchant des 40cm, paralysant la ville durant plusieurs jours.
Langres et Saint-Lo sous la neige en décembre 1879 - Météo-Villes
Par la suite, un flux plus continental s'était rapidement mis en place, apportant de l'air polaire venu de l'Est et du Nord de l'Europe sur notre pays. Cet air froid fut également accompagné d'un air plus sec en liaison à la mise en place d'un blocage anticyclonique sur une large partie Ouest de l'Europe.
Situation atmosphérique du 7 décembre 1879 sur l'Europe – Wetterzentrale
Ainsi, le froid s'est nettement accentué sur la France durant les jours qui suivirent cette tempête de neige avec de valeurs devenant exceptionnelles sur de nombreuses régions. Si les journées sans dégel sont monnaie courante durant la quasi totalité du mois, c'est notamment les minimales qui se montrent parfois dignes du grand Nord.
Au plus froid de l'épisode (aux alentours du 10 décembre), on atteint par exemple jusqu'à -37°C en plaine à Saint-Dié (88), -33°C à Langres, -30°C près de Nancy, -28°C à Orléans et même -25,6°C à Saint-Maur-des-Fossés près de Paris.
Températures minimales relevées durant le mois de décembre 1879 – Météo-Villes
C'est notamment sur le Nord et l'Est de la France que le froid est le plus vif, le Sud observant également des minimales très basses mais tout de même moins extrêmes que sur le reste de la France. On relèvera tout de même jusqu'à -10°C à Toulouse ou encore -7°C à Nice et Bordeaux.
Ce froid polaire concerne également une large partie de l'Europe, notamment les régions allant du Nord de la France à la Mer Noire où les températures descendent régulièrement sous les -20/-25°C durant la seconde décade du mois.
Températures minimales relevées sur l'Europe le 19 décembre 1879 - Météo-Villes
Le froid et la neige engendrent d'ailleurs de nombreuses difficultés à travers le pays tout au long du mois. La circulation (en voiture ou à cheval) devient particulièrement difficile et les transports urbains, en plein développement durant cette période, cessent dans la plupart des cas. De nombreux accidents de personne sont également signalés, provoqués par des glissades sur les trottoirs ou sols gelés mais également par la chute de blocs de glace ou de neige des toits des habitations, certains de ces accidents sont même mortels.
Décharge des tombereaux de neige dans la Seine durant le mois de décembre 1879 – Météo-Villes
Également, la quasi totalité des cours d'eau du Nord, du Centre et de l'Est de la France gèlent dès les premiers jours de décembre. La Seine reste par exemple figée par les glaces durant une large partie du mois et une retraite aux flambeaux est même organisée sur celle-ci le jour de Noël alors que le thermomètre affiche encore -17°C au matin.
La Saône prise sous une couche de glace de 50cm d'épaisseur en décembre 1879 – Météo-Villes
Cette vague de froid pris fin au début du mois de janvier de l'année suivante avec le retour de températures bien moins froides pour le reste de l'hiver. D’importantes débâcles se produisent d'ailleurs sur la Loire et la Seine, occasionnant d’énormes dégâts et des inondations. A Paris, le pont des Invalides est emporté par des glaçons de plus d’un mètre d’épaisseur le 3 janvier. Cet hiver extraordinaire est suivi d’un mois de mars très chaud ; la température moyenne dépassant de 4 degrés la normale.
Retrouvez plus d'informations sur cet évènement via notre chronique depuis 1850 >>
Une telle vague de froid serait elle encore possible aujourd’hui ?
Ce type d'épisode hivernal sévère semble réellement appartenir au passé avec l'évolution actuelle de notre climat. Les hivers véritablement froids se font en effet de moins en moins fréquents à l'échelle de la France, notamment sur la dernière décennie où les hivers plus doux que la moyenne sont de plus en plus récurrents.
Anomalies de températures sur la France durant l'hiver (décembre-février) depuis 1947 – Le Parisien
Ce climat de plus en plus régulièrement doux durant la période hivernale se ressent également au niveau du nombre de vagues de froid observées sur notre pays. Si il n'était pas rare de rencontrer plus de 5 ou 10 de vagues de froid en hiver avant 1990, il est aujourd'hui bien plus difficile d'atteindre ce nombre.
Ces dernières années, il faut remonter aux hivers 2009/2010 et 2010/2011 pour retrouver plus de 10 vagues de froid en France et il faut également noter que seulement 3 vagues de froid ont été observées depuis.
Évolution du nombre de vagues de froid hivernales en France depuis 1947 – Le Parisien
Cette évolution plus douce est également visible sur Paris où les données météorologiques fiables sont disponibles depuis la fin du 19è siècle. On remarque par exemple que des températures descendant sous les -10°C sont de plus en plus rares depuis la fin des années 1980 et même que la dernière minimale sous ce seuil à la station de Paris-Montsouris remonte à 1997, soit plus de 25 ans !
Évolution des températures minimales extrêmes à Paris-Montsouris depuis 1900 – Infoclimat.fr
Ce constat peut aussi se remarquer au niveau des journées sans dégel, qui se font de moins en moins récurrentes ces dernières années durant l'hiver sur cette station. Là encore, avant 1980-1990, il était fréquent de retrouver au moins une dizaine de journées sans dégel sur la capitale en période hivernale mais ce type d’événement est devenu bien plus rare depuis le début des années 2000.
Évolution du nombre annuel de journées sans dégel à Paris-Montsouris depuis 1900 – Infoclimat.fr
A l'échelle de la France, le nombre de journées sans dégel est également en net déclin ces dernières années, ce qui montre bien que le froid glacial est de moins en moins récurrent durant la période hivernale.
Évolution du nombre de journées sans dégel durant l'hiver sur la France depuis 1922 - Météo-France
Même chose du côté l’occurrence de chutes de neige du côté de la capitale des chutes de neige se montrant de moins en moins récurrentes au cours du dernier siècle et des épaisseurs maximales toujours plus faibles lors des épisodes neigeux.
Évolution des épaisseurs de neige maximales au sol à Paris entre 1870 et 1980 – Météo-Villes
Un constat qui est là aussi visible sur le reste de la France où, parmi les récents hivers, seul l'hiver 2009/2010 se démarque par un nombre important d'occurrence de neige (21 jours), seuil qui n'avait plus été atteint depuis l'hiver 1979. Depuis, les hivers peu neigeux deviennent de plus en plus fréquents, tout comme les hivers sans occurrence de neige en plaine, qui étaient absents avant les années 1980. Durant la période 1931-1960, on dénombrait également en moyenne 13 jours de neige en France pendant l'hiver, sur la période 1991-2020 ce chiffre a quasiment baissé de moitié puisqu'on ne compte plus que 7,1 jours de neige en moyenne sur notre pays.
Il est donc de moins en moins probable qu'une vague de froid similaire à celle qu'a connu la France en décembre 1879 se produise de nouveau durant les prochains hivers, la tendance étant plutôt orientée vers des hivers de plus en plus doux et des périodes de froids de moins en moins fréquentes. Toutefois, un épisode exceptionnel reste possible, même si les chances que celui-ci se produisent s'amenuisent progressivement.
Pour retrouver d'autres hivers particulièrement froids et neigeux sur notre pays par le passé, n'hésitez pas à parcourir nos bases de données uniques sur internet : Chroniques depuis 1850 >> - Almanach >>