Le froid et la neige ne remettent pas en cause le réchauffement climatique
mardi 2 février 2021Après un hiver 2019-2020 historiquement doux, l'hiver actuel a d'ores et déjà été marqué par plusieurs épisodes de froid et de neige. Cependant, cela ne remet absolument pas en cause le réchauffement climatique. Explications.
Un hiver 2020-2021 plus classique
Nous vivons un hiver plus classique avec une alternance de périodes douces et de périodes plus froides et parfois neigeuses, contrastant avec la douceur exceptionnelle de l'hiver 2019-2020.
Écart thermique à la normale sur les 3 mois de l'hiver 2019-2020 - Météo Villes
Souvenez-vous. L'hiver dernier fut exceptionnellement doux sur la France avec une anomalie thermique à échelle nationale de +2,7°C sur les 3 mois hivernaux (décembre, janvier & février). Il était alors devenu l'hiver le plus doux jamais observé en France depuis le début des relevés ! Du centre au nord-est de l'hexagone, l'anomalie saisonnière avait dépassée la barre des 3°C.
Écart thermique quotidien (minimales et maximales) lors de l'hiver 2019-2020 - via Météo France
L'hiver dernier, le froid avait quasiment été absent en France avec une domination nette et sans partage des anomalies douces de décembre 2019 jusqu'à février 2020. Ainsi, les manifestations hivernales s'étaient montrées particulièrement discrètes en plaine avec très peu de gelées prononcées ou d'épisode neigeux. Certains avaient même évoqué une année sans hiver.
Anomalies thermiques en Europe sur les deux quinzaines de décembre 2020 - via JMA
Cet hiver, la donne n'est pas tout à fait la même. Nous avons vécu un début d'hiver plutôt froid avec une première décade de décembre sous les normales et ponctuée de fortes gelées mais la douceur a repris un net avantage durant la seconde partie du mois. Finalement, décembre 2020 s'est tout de même achevé 1,3°C au dessus des normales.
Anomalies thermiques en Europe sur les deux quinzaines de janvier 2021 - via JMA
Le mois de janvier 2021 qui vient de se terminer nous a offert la même dynamique avec une domination du froid en première quinzaine, donnant lieu à des gelées parfois fortes et à des épisodes neigeux, tandis que la seconde quinzaine du mois s'est montrée plus douce. Ainsi, la moyenne mensuelle montre un mois de janvier classique et dans les normales.
Froid et neige en trompe-l'œil
Si le froid et la neige se sont invités épisodiquement sur la France ces dernières semaines, l'hiver 2020-2021 affiche pour l'instant des températures légèrement plus douces que la normale.
Neige à Tarascon dans les Bouches-du-Rhône le 4 janvier 2021 - via Facebook
Quasiment 30 cm de neige à Petersbach (Alsace) le 15 janvier 2021 - via Météo Suivi Alsace
Durant le mois de janvier 2021, plusieurs épisodes neigeux ont été observés en plaine. Il a neigé sur la Provence en début de mois mais aussi en Vendée. L'épisode le plus important s'est produit à la mi-janvier en Alsace en donnant des cumuls de 15 à 30 cm sur la plaine ! La neige s'est aussi invitée le 16 janvier sur tout le nord, le centre et l'est (premier vrai épisode sur Paris depuis 2 ans).
En montagne, ce sont des quantités de neige exceptionnelles qui ont été observées, particulièrement dans les Vosges, le Jura et le Massif Central où de pareilles accumulations n'avaient plus été reportées depuis de très nombreuses années ! Ces épisodes neigeux ont apporté à ce mois de janvier une ambiance hivernale. Pourtant, le caractère froid de ce mois est assez trompeur...
Écart thermique national en France du 1er au 31 janvier 2021 - via infoclimat.fr
Malgré les épisodes de neige et des gelées parfois fortes, le mois de janvier 2021 ne fut pas véritablement froid en France. Si la première décade était effectivement bien en dessous des normales, un redoux sensible est intervenu les 13 & 14 janvier, suivi par une autre période douce du 20 au 23 janvier. Les derniers jours du mois ont ensuite enregistré des températures nettement plus douces que la normale.
Ainsi, la moyenne mensuelle en France sur le mois de janvier 2021 fut de 4,93°C, seulement 0,1°C en dessous de la normale. Après plusieurs hivers anormalement doux, il est logique que ce mois de janvier nous apparaisse froid mais dans les faits, nous venons donc de vivre un mois de janvier parfaitement normal. De plus, si l'on ajoute l'anomalie de +1,3°C du mois de décembre 2020, l'hiver actuel est pour l'instant plus chaud que la norme.
Le climat se juge sur de longues périodes
C'est une remarque qu'on nous fait régulièrement : pourquoi parler de réchauffement climatique alors qu'il fait froid ou qu'il neige ? En réalité, l'un n'empêche pas l'autre.
Anomalies thermiques en France au cours du mois d'octobre 2020 - Météo Villes
Quand on parle de réchauffement de la planète, on est dans le domaine de la climatologie. En revanche, quand un épisode neigeux survient durant 2 jours, cela relève du domaine de la météorologie. Il faut bien comprendre cette différence car elle est capitale : le réchauffement climatique n'empêche absolument pas le froid et la neige, il va plutôt les rendre moins fréquents.
En guise d'exemple, prenons le mois d'octobre 2020. Ce dernier fut plus frais que la normale avec un déficit thermique à échelle de la France de -0,5°C. Ceux qui se focalisent sur ce mois peuvent alors se plaindre du froid et nier le réchauffement climatique puisque les températures furent plus basses que la normale durant un mois. Seulement, on ne juge l'évolution du climat que sur plusieurs années (au minimum) et certainement pas sur un seul et unique mois.
Anomalies thermiques quotidienne en France durant l'année 2020 - via infoclimat.fr
En s'éloignant de ce mois d'octobre pour une vision plus globale de 2020, on se rend compte que les anomalies chaudes ont été omniprésentes durant l'année. En réalité, seul le mois d'octobre a terminé avec un déficit thermique alors que les 11 autres mois furent plus chauds que la normale. D'ailleurs, l'année 2020 est devenue la plus chaude en France depuis le début des relevés !
On comprend ainsi que se focaliser sur le mois d'octobre pour nuancer le réchauffement n'a aucun sens. Il est donc d'autant plus insensé de nier le réchauffement climatique parce qu'il fait froid et qu'il neige durant moins d'une semaine... Dès qu'on prend une échelle plus large dans le temps, on se rend compte que la tendance vers l'augmentation des températures est plus que jamais d'actualité. Par définition, le climat n'est pas linéaire et des variations de petite échelle sont parfaitement normales. Le froid et la neige ne vont pas brutalement disparaître.
Des projections climatiques alarmantes
Les climatologues de Météo France ont produit de nouvelles projections sur l'évolution du climat français d'ici la fin du siècle et celles-ci n'ont rien de rassurant...
Projection de l'évolution du climat en France d'ici 2100 avec ou sans politique climatique - via Météo France
Météo France a simulé l'évolution des températures en France d'ici la fin du siècle selon deux scénarios. Le premier, qui prend en compte une politique climatique efficace et immédiate, montre une augmentation de +2,2°C d'ici 2100. Le nombre de jours de gel en plaine serait alors divisé par deux et la durée d'enneigement significatif en moyenne montagne réduite de plusieurs dizaines de jours par saison. Les sécheresses seraient aussi plus longues et on compterait 10 à 15 jours supplémentaires de canicule par an.
Projection de l'évolution des températures d'ici 2100 selon un scénario sans politique climatique - via Météo France
Le second scénario, prenant en compte l'absence de politique climatique, montre une augmentation de +3,9°C des températures en France d'ici 2100. En plaine, les gelées auraient quasiment disparues dans l'ouest et seraient 3 fois moins fréquentes dans l'est et sur les reliefs. En dessous de 1800m, la présence de neige deviendrait peu durable et insuffisante à la survie des stations. Le nombre de jours caniculaires pourrait être multiplié par 5 à 10 avec des vagues de chaleur pouvant durer un à deux mois et les périodes de sécheresse deviendraient très problématiques l'été.