Marées d'équinoxe : Quels risques y sont associés ?
jeudi 12 mars 2020Les marées d'équinoxe :
La marée est la variation du niveau des mers et des océans, elle est causée majoritairement par les forces gravitationnelles (attraction) de la Lune et du Soleil mais également par d’autre forces secondaires comme par exemple la rotation de la terre sur son axe. Lors de la pleine Lune et de la nouvelle Lune, l’influence de notre satellite s’additionne à celle du soleil (ceux-ci se trouvant sensiblement dans le même axe). A l’inverse, lors du premier et du dernier quartier lunaire, l’amplitude est plus faible car l’alignement n’est plus d’actualité et les forces ne s’additionnent plus.
Le niveau marin le plus élevé est appelé pleine mer (ou marée haute/ vive-eau), le niveau le plus bas est appelé basse mer (ou marée basse / morte-eau).
Schéma des différents stades des marées - via lebrestoisblog
Lors des équinoxes de Printemps et d’Automne, le Soleil exerce une attraction plus forte sur la Terre que durant le reste de l’année en raison de son alignement avec l’équateur. De ce fait, les océans sont plus fortement attirés vers le soleil, ce qui amplifie les marées. Si l’on ajoute l’influence lunaire (alignement des 3 astres) les marées seront encore plus importantes, on parlera alors de grandes marées d’équinoxes.
Schéma des marées d'équinoxe - via oceanclock.com
Les coefficients de marée atteignent des valeurs supérieures à 115 sur l’Atlantique, voire 117 sur les cotes de la Manche en ce Jeudi 12 mars. Ces valeurs sont dues au phénomène de marée d’équinoxe évoqué précédemment.
Le coefficient de 117 atteint aujourd’hui à Saint-Malo est le plus important de l’année, il sera de nouveau atteint le 9 Avril prochain grâce à un nouvel alignement favorable de la Lune, du Soleil et de la Terre à cette date.
Les vagues frappent Saint-Malo lors d'une grande marée - Jean-Claude Bourniche
Il est en effet possible de prévoir précisément un coefficient de marée bien à l’avance, il suffira juste de prédire quand les paramètres seront proches de leur optimum (nouvelle lune, pleine lune, jour d’équinoxe très proche, etc,…). Cet optimum se produit tous les 4 ans et 155 jours, de ce fait, des marées très importantes se produisent à intervalles réguliers (2011, 2015, etc,..).
Enfin, lorsque le coefficient dépasse 118, nous parlerons de marée du siècle, un phénomène qui porte mal son nom car intervenant plusieurs fois sur une période de 100 ans. La dernière a eu lieu le 21 mars 2015 avec un coefficient de 119 :
Le Mont Saint-Michel durant les grandes marées de 2015 - lalsace.fr
La prochaine est prévue pour le 3 Mars 2051 ave ce même coefficient. En revanche, la plus forte du siècle devrait se produire le 25 Mars 2073 avec un coefficient atteignant les 120 !
Prochaines marées du siècle durant le 21è siècle - Via infosmarees
Les conséquences des marées d’équinoxe :
La submersion marine :
En temps normal, les grandes marées d’équinoxes n’engendrent qu’un risque de submersion marine local provoqué par une hauteur d’eau plus élevée que lors d’une marée commune. Les niveaux marins peuvent en effet se montrer significativement plus élevées en période de marée d’équinoxe, notamment en cas de marée du siècle.
Ainsi, le 21 Mars 2015, la différence entre la pleine et la basse mer a atteint plus de 14m dans la baie du Mont Saint-Michel, en temps normal, cette différence est plutôt de 8 à 9m.
Néanmoins, si le temps est calme, la grande marée d’équinoxe ne provoquera pas de phénomènes particuliers. Celle-ci sera cependant rendue dangereuse si certaines conditions météorologiques se produisent dans le même laps de temps :
Le vent : plus le vent sera fort et soufflera sur une grande distance avant d’atteindre la côte, plus la hauteur des vagues y sera importante, c’est le phénomène de fetch. Ainsi, un vent soufflant puissamment lors d’une période de grande marée sera problématique car celui-ci entraînera la formation de vagues importantes qui, grâce à des eaux naturellement plus élevées que la normale, n’auront pas de difficultés à directement impacter les côtes et infrastructures côtières.
La pression atmosphérique basse : plus la pression sera basse, plus le niveau de la mer sera élevé. Il est estimé que la surface de l’océan s’élève d’environ 1cm pour chaque hectopascal perdu. En clair, si une dépression de 985hPa circule sur un secteur côtier, le niveau sera plus élevé de 28cm (1013hPa – 985 hPa).
Si les trois phénomènes (marée, vent et basse-pression) sont réunis, des phénomènes de submersion marine très importants peuvent être observés.
> Ce fut le cas le 29 Mars 1979 où une dépression de 990 hpa circula en Manche et occasionna des vents violents sur tout le littoral. Une situation déjà problématique qui s’est ajoutée au fait que le coefficient de marée était de 113 sur la zone durant ce jour. Saint-Malo fut ainsi durement touchée par les vagues qui ont détruit la digue protégeant la ville, retourné des oitures, pulvérisé des vitrines et envahit de nombreux quartiers de la ville. La mer est en effet montée jusqu’à 1.20m en pleine rue et des milliers d’habitations ont été inondées.
Les vagues s'abattent sur Saint-malo durant une tempête, vu par drône - Via Easy Ride
Les inondations :
En cas de grandes marées, les eaux fluviales ne s’écoulent pas aussi bien qu’en temps normal vers l’océan. En effet, les marées importantes ont tendance à remonter plus en amont dans les estuaires, empêchant ainsi l’écoulement des cours d’eau vers la mer et provoquant donc une augmentation des niveaux proches de l'exutoire.
Les marées d’équinoxes auront donc tendance à favoriser les débordements locaux en cas de niveaux des fleuves déjà élevés comme c’est le cas actuellement sur certaines régions de France.
Débordement de la Seine à Rouen le 9 Mars dernier - ©Raphaël Tual - 76Actu
En effet, les précipitations abondantes de ces dernières semaines ont engendré une saturation des sols importante sur la majorité du pays (excepté la méditerranée) avec des valeurs atteignant les +20 à +40% du Sud-Ouest au Nord. De ce fait, de nombreux cours d’eau sont entrés en crue dernièrement notamment dans le Centre-Ouest et le Nord du pays.
Indice de saturation des sols au 1er Mars 2020 - Image : Météo-France
Les ondes de crue se sont peu à peu propagées de l'amont vers l'aval de ces fleuves et atteignent actuellement les océans. Seulement, en ce Jeudi 12 Mars, la conjonction entre fort coefficient de marée, saturation importantes des sols et propagation des ondes de crue entraîne des débordements localement dommageables des cours d’eau suivants :
La Seine Aval : Les débits sont encore importants alors que l’onde de crue s’est propagée vers l’aval du fleuve. Ainsi, les niveaux sont prévus d’atteindre 9.81m à Rouen dans les prochaines 24 heures lors de la pleine mer, dépassant ainsi la dernière crue du 13 Février dernier (9.74m).
La Sièvre Niortaise : Encore très haute en ce jour sur sa partie aval, les grandes marées limitent l’écoulement de l’onde de crue vers l’Aval, le niveau atteint 2.44m à la station de Marans aujourd’hui et ne devrait baisser qu’en cours de semaine.
Le Canche : Ce cours d’eau du Pas-de-Calais se montre haut aujourd’hui et des débordements locaux sont observés. Là encore, la pleine-mer empêche un bon écoulement des eaux fluviales vers la Manche et le niveau du fleuve a donc du mal a baisser, chose qu’il ne devrait entamer qu’en cours de nuit prochaine.
Carte vigicrue du 12/03/2020 - Via vigicrue.gouv.fr
Outre ces 3 cours d’eau en vigilance Orange, de nombreux autres fleuves possèdent encore des niveaux et débits importants qui, avec ces grandes marées d’équinoxe, ont du mal à véritablement diminuer, et ce malgré des précipitations moins fréquentes depuis plusieurs jours.