Qu'est-ce qu'une giboulée?
dimanche 24 mars 2024
Ce week-end, nous avons eu le droit à deux jours de giboulées à l'arrière d'une perturbation entrainant un refroidissement important. Nous entendons parler régulièrement de "giboulées de Mars". Qu'en est-il vraiment à propos de ce phénomène?
Passage d'une giboulée observée par notre webcam à Paris ce samedi 23 mars 2024 - MeteoVilles
Les giboulées, couramment appelées "giboulées de mars" dans notre pays, sont un phénomène typiquement printanier, bien qu'il puisse se produire toute l'année. Il est favorisé lors de la survenue de conditions dépressionnaires accompagnées d'air très froid en altitude. D'une manière générale, lorsque vous entendez parler de "ciel de traîne" et que celui-ci est actif, il s'agit du phénomène de "giboulées".
Les giboulées sont accompagnées de nombreux types de précipitations différents (pluie, grésil, grêle, neige roulée, neige...) généralement portés par des nuages de type cumulonimbus. Il est donc possible d'y observer de l'orage. L'activité y est généralement faible mais les impacts de foudre y sont souvent de forte puissance... Le fameux "Tonnerre de Brest"!
Schéma illustrant la formation des giboulées. Vous pouvez apprécier l'origine de la variété des précipitations sous ces averses - Extrait du livre "Météo Extrême"
Pourquoi ce phénomène est-il surtout printanier?
Au printemps, les sols se réchauffent plus vite que les masses d'air en altitude. Une masse d'air polaire en sortie d'hiver sera très froide et pourra survoler des surfaces déjà réchauffées aux latitudes moyennes. Cela créé une instabilité marquée dans une masse d'air froide. On parle donc d'instabilité d'air froid (à opposer avec l'instabilité dite d'air chaud, en été).
Sur l'imagerie satellite, les giboulées prennent un aspect grumeleux, en grains blancs. Elles sont facilement reconnaissables.
Imagerie satellite du 23 et 24 mars 2024 à la mi-journée Nous pouvons voir les giboulées progresser vers l'Est et le Sud - MeteoVilles
Si nous nous intéressons aux masses d'air, nous pouvons voir que les giboulées sont bien liées à la présence d'air froid en altitude. Celui-ci a également progressé vers l'Est et le Sud. Des villes épargnées samedi (Lyon, Grenoble...) furent concernées dimanche. Ainsi qu'une grande partie du Sud-Ouest dans une moindre mesure (air un peu moins froid dans ces régions).
Températures à 1500m du 23 et 24 mars 2024 - GFS/Meteociel
La grêle sous les giboulées
Les giboulées ont pour caractéristiques de présenter une grande variété de précipitations solides différentes. Parmi elles, la grêle (précipitations sous forme de glace dure >0.5cm de diamètre). Les nuages convectifs qui portent les giboulées sont souvent de faible puissance (air froid, peu d'énergie disponible). De la grêle y est souvent observée mais reste de petite taille.
A la fois donc car les nuages ne peuvent pas porter des grêlons importants, mais aussi car l'air froid limite leur fonte (la petite grêle en été fond souvent avant de toucher le sol).
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Grêle observée sous des giboulées le 2 mars 2016 à St-Arnoult-en-Yvelines (78) le 2 mars 2016 - Jérémie GAILLARD
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Grêle observée sous des giboulées le 2 mars 2016 à St-Arnoult-en-Yvelines (78) le 2 mars 2016 - Jérémie GAILLARD
A l'aide d'un graphique sur la grêle, nous pouvons facilement encadrer la saison des giboulées qui comporte le maximum de jour de grêle de taille A0 et A1 (<2cm de diamètre) qui correspondent à ces conditions d'air froid.
Graphique extrait du livre "Météo Extrême"
Des giboulées hors du printemps?
Comme écrit plus haut, les giboulées sont un phénomène typique du printemps, mais peuvent être observées toute l'année en France... Même en été et en automne! Comment expliquer ce phénomène?
Reprenons le raisonnement précédent. Les giboulées ont besoin d'air froid pour se former mais également d'une surface réchauffée pour faire contraste thermique et développer une convection... Regardons à présent ce tableau pour déterminer une autre saison favorable aux giboulées:
Jour de grêle par mois en France dans les années 1970, les périodes les plus grêligènes sont en rouge - Meteo-France
Nous pouvons retrouver les mois de printemps dans la plupart des zones climatiques. Cependant, une zone sort du lot avec de la grêle hors-saison. Les villes au climat océanique franc, en bord de mer ou d'océan dans le Nord-Ouest du pays. Brest, Cherbourg et Rennes en tête de liste... en hiver!
Cela est logique, car à cette saison des masses d'air très froides peuvent survoler la France. Mais l'Océan relâche sa chaleur lentement et les eaux sont encore douces à cette saison. Cela entraîne un contraste thermique et la formation de giboulées particulièrement fréquentes.
Dans ces villes, la saison des giboulées est donc décalée sur l'hiver au détriment du printemps. L'hiver est aussi la saison où l'on retrouve le plus grand nombre de jours de giboulées... Alors que leur saison principale est bien située au printemps en terme de surface de territoire concernée par le phénomène.
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Giboulée océanique d'hiver observée à Biarritz le 24 janvier 2021 - Jérémie GAILLARD
Dans l'ordre de fréquence, nous retrouvons ensuite l'automne dans les mêmes régions que les giboulées printanières. Elles sont moins fréquentes et moins fortes qu'au printemps car les masses d'air sont moins froides en altitude, et que les températures au niveau du sol sont à la baisse à cette saison. Elles se concentrent surtout sur les mois de septembre et d'octobre lors des premières descentes d'air polaire océanique en France.
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Giboulée automnale observée le 14 septembre 2015 à Saint-Côme (78) - Jérémie GAILLARD
La saison où les giboulées sont les moins fréquentes est enfin l'été. Cette saison est particulièrement défavorable car les masses d'air froid sont réduites au minimum comme l'activité dépressionnaire... Les deux éléments les plus nécessaires aux giboulées. Ainsi, malgré un réchauffement important du sol, le phénomène reste rare.
Néanmoins, dans certaines conditions météorologiques particulières comme lors de la présence d'une dépression estivale anormale descendue d'Islande ou des Îles Britanniques jusqu'à nos latitudes, des giboulées dispersées peuvent être observées. Ces épisodes sont à rapprocher des chutes de neige estivales à moyenne altitude en montagne.
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Rare cas de giboulée estivale observée le 29 juillet 2013 dans la Plaine de Beauce, dans le Centre Nord du pays - Jérémie GAILLARD
Alors... Pourquoi giboulées de MARS?
Les giboulées sont un phénomène plutôt centré sur le printemps, sauf pour les villes au climat océanique franc. Sur les tableaux et graphiques à propos de la grêle, nous voyons que le mois de mars n'est même pas le mois le plus concerné dans aucune des zones climatiques. Pire, elles peuvent se produire toute l'année.
Cette appellation est à rapprocher des dictons. En effet, la saison des giboulées concerne la plus large partie du territoire au printemps. Dans cette partie du territoire, des villes très importantes sont présentes et notamment Paris, origine de la langue française qui s'est répandue dans le territoire. Cette ville a donc influencé cette expression, le printemps commençant en mars, mois où les giboulées commencent à se produire dans cette région.
Si vous parlez de "giboulées de mars", d'une certaine manière, vous parlez et vivez le "parisien"!
Une du journal satyrique parisien "l'Eclipse" du 7 mars 1869 intitulée "Giboulée de Mars"
Jérémie GAILLARD, prévisionniste pour MétéoVilles
* Les photographies présentées ici sont prêtées uniquement dans le cadre de cet article par l'auteur Jérémie GAILLARD, elles ne sont pas libre de droits et restent propriété de leur auteur.