Quand la Seine gelait à Paris...
Seine gelée : nombreux mais anciens exemples
Du 26 novembre 1788 au 20 janvier 1789
L'un des phénomène de gel de la Seine les plus importants répertoriés s'étale entre le 26 novembre 1788 et le 20 janvier 1789. Lors d'un hiver précoce et véritablement glacial, la Seine se fige dans la glace durant 56 jours consécutifs ! À l'époque, la photographie n'a pas encore été inventée et aucune image de la Seine figée n'est disponible. Sur la représentation ci-dessous, on voit Louis XVI distribuer de l'argent aux démunis. Ce terrible hiver coûtera la vie à des milliers de Français, engendrera une explosion des prix et une famine - qui joueront un rôle capital dans l'exaspération de la population et le déclenchement de la Révolution.
Louis XVI distribuant de l'argent aux démunis durant le terrible hiver 1788-1789 - via Alamy / Chronicle
Janvier 1868
Le début de l'année 1868 se déroule sous des températures glaciales en Europe, frappée par une importante vague de froid au cours de la première décade du mois de janvier. La France n'y échappe pas et de nombreux fleuves se figent dans la glace. Ainsi, la Seine ne coule plus et se voit remplacée par une banquise que les parisiens traversent à pied !
La Seine à Paris entre le Pont des Arts et le Pont des Saints-Pères en janvier 1868 - Chronique Météo Villes
La Seine traversée par les parisiens à hauteur du Pont Neuf en janvier 1868 - Chronique Météo Villes
Décembre 1879
Lors du dernier mois de l'année 1879, une vague de froid d'ampleur historique envahit la France durant 4 longues semaines ! Les températures s'abaissent à des niveaux abyssaux. Il fait -28°C à Orléans, -30°C à Nancy et -33°C à Langres ! À Paris, le thermomètre descend à -23,9°C le 10 décembre 1879 - valeur qui reste (et restera sans doute) le record de froid de la capitale à ce jour. Sans surprise, la plupart des fleuves français - dont la Seine - gèlent.
La Seine gelée à Paris en janvier 1879 - certains tentent de briser la glace à coups de pelle - Chronique Météo Villes
En plus du froid sibérien, les chutes de neige sont abondantes et près de 40 cm de neige recouvrent les rues de Paris le 9 décembre 1879 ! Les trottoirs sont ensevelis et on débarrasse les rues en jetant la neige sur la Seine gelée ! Cette vague de froid fut si intense que même la Manche gèle sur certains littoraux, comme en Normandie.
Paris croulant sous près de 40 cm de neige le 9 décembre 1879 - Chronique Météo Villes
La Seine entamant sa débâcle au quai Saint-Michel de Paris le 3 janvier 1880 - via Le Parisien
Février 1895
Le mois de février 1895 est marqué par une importante vague de froid en France. Les températures descendent jusqu'à -15°C à Nantes et à Paris, -23°C dans l'Orléanais ! Cette offensive majeure du froid survient assez tard dans la saison, si bien que la Seine se retrouve figée par la glace entre le 10 et le 24 février. La débâcle n'intervient que quelques jours avant le mois de mars, une situation remarquable à une saison où les jours sont relativement longs.
La Seine gelée à Paris en février 1895, tout comme la Loire - Chronique Météo Villes
Dernier embâcle total de la Seine au centre de Paris: Janvier et février 1917 (107ans).
>Un embâcle total signifie que le fleuve en question est gelé sur toute sa surface et ne présente plus de mouvement apparent. Cet embâcle est sévère, figeant les courants ou les cascade si le cours d'eau en possède.
La Seine gelée au pied de Notre-Dame à Paris début février 1917 - via Agence Rol - BNF
Dernier embâcle partiel de la Seine au centre de Paris: Février 1956 (68ans).
>Un embâcle partiel signifie que le cours d'eau présente encore des mouvements manifestes, ou que des parcelles d'eau sont libres. Certaines parties doivent néanmoins être figées sur toute la largeur du cours d'eau. C'est notamment le cas quand il présente des hauts fonds ou qu'un pont le traverse. La glace s'accumule et barre visuellement le fleuve.
Galettes de glace formée de frasil - Ces blocs tendent à s'accumuler sous les piles de ponts et à provoquer un embâcle partiel. Paris, Février 1956 - Archive INA
Embâcle partiel sous un pont près de Melun en février 1956, par accumulation de galettes de frasil - Chronique Météo Villes
Si la Seine n'a pas subi un embâcle total à Paris Centre en février 1956, ça n'est pas uniquement par manque de froid. Mais à présent, la ville disposait des moyens pour briser la glace (Ouvrier brisant la glace avec des barres à mines ainsi que des lances d'eau chaude) afin de maintenir la circulation fluviale, vitale à l'époque.
Dernière apparition de galettes de frasil au centre de Paris: Janvier 1987 (37ans).
>Comme nous l'avons vu plus haut, un fleuve ne gèle pas comme un lac. Des galettes se forment sur la surface et s'accumulent. Ces galettes sont la deuxième étape du gel d'un fleuve.
Elles sont formées de frasil, des cristaux de glace microscopiques à centimétriques formés dans les eaux turbulentes. Leur origine se trouve souvent sur les berges naturelles et végétalisées où le courant ralentit suffisamment pour former des cristaux sur les aspérités. Ceux-ci sont cassés par le courant et charriés où ils servent de points de départ au gel. Devenant trop nombreux dans l'eau, ils se regroupent sous forme de galettes qui grossissent et durcissent progressivement.
Ces galettes de frasil sont la première forme visible du gel d'un fleuve. Elles ont donc été observées pour la dernière fois à Paris Centre en janvier 1987.
Galettes de frasil sur la Seine à Paris Centre et neige dans la ville en Janvier 1987 - Chronique Météo Villes
Une disparition des glaces depuis 37ans
> Les glaces à Paris ont disparu depuis. Pourtant certaines vagues de froid parfois sévères ont été observées, même après 2000 comme en 2012 dont beaucoup se souviennent encore. Certes, le Climat de Paris s'est réchauffé, mais ça n'est pas la seule explication.
Comme nous l'avons vu plus haut, le gel d'un fleuve nécessite la présence de berges naturelles. Ainsi, une combinaison de différents facteurs empêche à présent la Seine de geler à Paris:
-Le Réchauffement Climatique qui diminue la puissance et la fréquence des vagues de froid.
-L'îlot de chaleur urbain qui, quand ces vagues de froid se produisent, réduit encore leur intensité
-L'artificialisation des berges.
Nous rencontrons un fleuve important à une centaine de kilomètres de Paris qui coule en milieu semi-naturel avec des berges sauvages et sans îlot de chaleur urbain marqué sur son cours: la Loire! Ses dernières glaces importantes remontent à février 2012, où une embâcle partielle a été observé dans la région d'Orléans.
Embâcle partiel de la Loire devant le pont de Châteauneuf -sur-Loire (45) en février 2012 - Jean-Baptiste ENES pour Infoclimat
Les toutes dernières glaces observées dans la Loire au plus près de Paris remontent à janvier 2017. Une période froide accompagné d'un débit faible ont permis à du frasil de se former le long des berges naturelles, et même à quelques galettes de dériver.
Dérive de discrètes galettes de frasil sur la Loire à Sigloy (45) en janvier 2017 - Jean-Marc TISSIER pour Infoclimat
Si les glaces et embâcles totaux de la Seine à Paris semblent compromis à l'avenir, il sera probablement toujours possible d'observer ceux de la Loire à proximité de Paris de votre vivant. Cela reste un phénomène rare et qui se raréfie, mais toujours d'actualité dans notre climat réchauffé!
GAILLARD Jérémie
