Dans notre contexte de Réchauffement Climatique, certaines régions du monde se réchauffent plus vite que d'autres.

L'Europe et l'Arctique en sont en bon exemple avec un réchauffement 2.5 fois plus rapide en France que la moyenne mondiale, ainsi qu'un réchauffement jusqu'à 7 fois plus rapide en Arctique ! Ces régions sont appelées "point chauds" du changement climatique.

Qu'est-ce que l'AMOC et quel est son rôle en Europe ?

L'AMOC fait référence à la MOC "Meridional Overturning Circulation" de l'Atlantique. En bon français, nous pouvons la traduire par "Circulation méridienne de retournement Atlantique".

La partie qui nous intéresse se trouve dans l'Atlantique Nord. Le Gulf Stream remonte l'Atlantique et transfert sa chaleur à l'Europe ainsi qu'à l'Arctique via le passage entre L'Atlantique et l'Océan Arctique.

De l'autre côté, le froid présent dans cette zone refroidit le Gulf Stream dont les eaux de surface finissent par plonger (notamment au long de la côte du Groenland) et repartir vers les tropiques (courant froid et salé). Il s'agit d'une circulation thermohaline (thermo <> température, aline <> sel).

Schéma simplifié de l'AMOC dans l'Atlantique Nord - metoffice

Ce courant chaud réchauffe l'Europe de façon anormale par rapport à sa latitude. Des zones situées entre 50 et 55° de latitude Nord sont presque inhabitées au Canada ou en Sibérie en raison de l'absence de réchauffement, alors que ces latitudes correspondent au coeur habité de l'Europe. L'Europe telle que nous la connaissons et son climat dépendent donc directement de ce courant.

Déviation de température par rapport à la moyenne de la latitude - L'Europe du Nord et jusqu'à plus de 10°C trop chaude par rapport à sa latitude - Extrait de Rahmstorf et Ganopolski en 1999.

Un principe simple aux conséquences lourdes

L'eau qui arrive au niveau des côtes groenlandaises est salée et se refroidit brutalement. Elle devient donc plus dense que son environnement et plonge. Ce vide en surface forme un appel et est comblé par des eaux plus tempérées en surface... Qui se refroidissent à leur tour et ainsi de suite.

Il s'agit du coeur, ou de la pompe de l'AMOC.

Malheureusement, les glaces du Groenland fondent rapidement, et cette fonte accélère avec le réchauffement, libérant de grandes quantités d'eau douce (moins dense) en surface de l'océan. Récemment, les épisodes de fonte massive touchent également le centre de l'île. La calotte du Groenland a perdu de 2 350 kilomètres cubes de glace en 10 ans sur la période 2013 - 2023.

Evolution de la hauteur de la calotte glaciaire du Groenland entre 2010 et 2024, la fonte accélérée est bien visible - ESA

Cette libération massive d'eau douce issue des glaciers et de la calotte glaciaire dans la zone où l'AMOC replonge risque de fortement perturber cette dernière, voire de l'arrêter.

En effet, l'eau douce est tout simplement moins dense que l'eau salée ce qui est vérifiable par une simple expérience comme ceci >>>

L'AMOC, bloquée par l'écoulement des eaux douces, entrainerait alors une déviation du Gulf Stream vers le Sud (en direction de l'Afrique). L'Atlantique Nord, non alimenté par les eaux chaudes tropicales, se refroidirait alors... Et le climat Européen qui en dépend avec.

Ces baisses, qui pourraient durer quelques décennies sont estimées entre

- 5 et 7°C par siècle en cas d'une faible altération de l'AMOC

- Une chute allant jusqu'à 25° par siècles dans la zone la plus touchée en cas d'arrêt total de l'AMOC.

Évolution des températures pendant un effondrement de l’AMOC (modèle simulé sur un siècle en période préindustrielle) - Van Westen et coll. 2024

Dans notre monde réchauffé, un effondrement de l'AMOC entrainerait un refroidissement limité. Néanmoins, des chutes de l'ordre de 4 à 8° par siècles seraient à prévoir. Des pays comme la Norvège ou le Royaume Uni retrouveraient des températures proches du dernier âge glaciaire en quelques décennies.

En Europe continentale (France, Allemagne, Pologne..), les étés se maintiendraient à des températures relativement élevées (limitant la chute moyenne en °C par siècles), mais les hivers retrouveraient des températures excessivement froides également.

Simulation de l'évolution des températures et des pluies suite à un effondrement de l'AMOC en scénario +2.5°C de Réchauffement Climatique - (OECD, 2021[5])

Des évènements comparables ont déjà eu lieu par le passé

L'exemple le plus connu se trouve dans les évènements de Heinrich où, lors des épisodes de débâcle d'icebergs de la calotte Laurentide, l'AMOC était fortement perturbée par l'apport d'eau douce. La température de l'Océan Atlantique baissait alors drastiquement avant la survenue de brutales remontées à la reprise de l'AMOC connus sous le nom d'oscillation de Bölling.

Graphique représentant les températures de surface de l'océan et la position des évènements de Heinrich - Nature

Les évènements de Heinrich (H0 à  H5) sont fortement corrélés à des baisses importantes des températures de l'océan. Survient ensuite un réchauffement brutal (oscillation de Bölling) quand les icebergs ont terminé leur fonte et arrêté de libérer de l'eau douce dans l'Atlantique Nord.

Un schéma similaire pourrait être observé avec une fonte de la calotte groenlandaise. Il ne s'agirait absolument pas d'un nouvel âge glaciaire, mais d'un puissant refroidissement temporaire (de quelques décennies à quelques siècles) limité à l'Europe, l'Atlantique Nord et l'Arctique... Lié à la fonte des glaces générées par le Réchauffement Climatique.

Jérémie GAILLARD - Prévisionniste pour MétéoVilles