Les prévisions automatiques pour ces prochains jours indiquent beaucoup de soleil. Nous nous montrons pessimistes à ce sujet... Mais pourquoi tant de différences et pourquoi les prévisions sont elles aussi incertaines ?

Les prévisions expertisées pour Paris (à gauche) sont très différentes des prévisions automatiques (à droite)

Ces différences sont d'autant plus choquantes que les prévisions automatiques sont très consommées par le grand public. Les prévisions intégrées à votre téléphone sont automatiques, ainsi que celles des sites non expertisés. Il est donc fréquent d'avoir des prévisions très différentes de la réalité, principalement en hiver lors de la formation de stratus (ce que l'app automatique ne différenciera pas avec un simple picto nuage).

Un phénomène très difficile à appréhender

Contrairement à d'autres phénomènes météorologiques à grande échelle, les stratus peuvent prendre une surface considérable mais dépendre de conditions extrêmement sensibles sur une très faible épaisseur d'air à proximité du sol.

Ce phénomène est donc, comme les orages, très difficile à prévoir correctement par les modèles météorologiques, d'autant plus quand ils se forment sur place et sans vent.

Ce samedi, les nuages bas ont résisté une bonne partie de la journée à moins de 5km de Paris, alors que le Soleil a brillé toute la journée sur la Ville - G.Séchet

Comment prévoir l'état du ciel ?

Les météorologistes utilisent des cartes de prévisions mais aussi des emagrammes. Ils permettent de caractériser une masse d'air au-dessus d'un endroit donné.

Dans une vision très vulgarisée et simplifiée, l'émagramme se lit comme suit : Si les courbes se touchent (Température = point de rosée), il y a condensation et nuages. Si elles s'éloignent (Température éloignée du point de rosée), l'air est clair.

Les ordonnées représentent l'altitude. Nous pouvons donc en déduire le type de nuages présents.

Ici, par exemple, la courbe se touche en deux endroits : entre 700 et 1500m, puis autour de 11500m. Il y a donc une couche de stratocumulus surplombée d'un voile nuageux de haute altitude. Le temps sensible est un ciel couvert.

Emagramme météorologique montrant les différentes couches nuageuses

Dans le cas d'un stratus sous anticyclone et sans vent, la couche saturée sera extrêmement mince, plaquée au sol. Contrairement à l'exemple du dessus, la zone pouvant influencer le temps sensible est épaisse de 150 à 200m à peine.

Emagramme météorologique d'un stratus anticyclonique

Quelles sont les conséquences sur le temps sensible et la fiabilité des prévisions ?

Sous anticyclone, le stratus est particulièrement peu épais. Ainsi, une infime variation de l'humidité peut faire que l'air près du sol soit saturé ou non. A 95%, il fera beau, à 100%, vous serez plongé dans un brouillard à couper au couteau.

Vous pouvez constater que dans deux zones très proches, la présence de nuages bas (en rouge) dépend de variations infimes des courbes de l'émagramme météorologique.

Entre stratus et temps ensoleillé, la frontière est mince et donc très sujette aux erreurs de prévisions des modèles

Ainsi, ces variations de quelques % à peine de l'humidité relative peuvent à elles seules sceller le sort d'une journée entière. Les températures observées sous les stratus et le brouillard peuvent rester sous 0°, tandis que l'on dépassera allègrement les +10°C sous un superbe soleil quelques kilomètres plus loin.

Le 21 janvier 2025 fut une journée typique de ce phénomène avec des variations de température et de temps sensible très importante avec du givre et des chutes de neige industrielle juxtaposant des conditions printanières et ensoleillées.

Quelle différence entre la prévision automatique et la prévision expertisée ?

Les prévisions automatiques vont "scanner" un modèle météorologique unique et transposer la prévision sur un tableau ou sur une carte. Elles sont donc d'autant plus sujettes à erreur.

Le prévisionniste aura de l'expérience, connaissant les zones à risque particulier de formation et de persistance de la grisaille (Val de Saône, Plaine d'Alsace, Bassin Parisien...). Il pourra également visionner un panel de modèles pour déterminer les zones les plus à risque de stratus.

Différence de prévision entre ICON à gauche, et Arome à droite - Dans un cas les stratus concernent une vaste partie de la moitié Nord... sauf dans l'Ouest. Dans l'autre cas le Soleil est omniprésent partout... dans l'Ouest !

Le météorologiste peut dès lors appréhender un risque de stratus assez généralisé sur toute la moitié Nord du pays, avec une dissipation particulièrement difficile entre le Bassin Parisien, la Normandie et la vallée de la Loire.

En cas d'incohérences entre la prévision et le temps sensible, la prévision sera modifiée selon l'expérience d'évolution dans ce type de situation et corriger la prévision pour la journée en cours avec le scénario le plus probable.

Jérémie GAILLARD - Prévisionniste pour MétéoVilles