Une tendance au retour de la chaleur se traduisant par de l'humidité, nombreux orages aléatoires et difficilement appréhendés... Depuis quelques semaines, les prévisions météorologiques paraissent compliquées voire peu fiables notamment à moyen terme (échéance de plusieurs jours). Le pays est en effet confronté à deux phénomènes, hantise des prévisionnistes météo : le marais barométrique ainsi que les gouttes froides. Explications ...

Qu'est-ce qu'une goutte froide ?

La limite entre l’air froid des hautes latitudes et l’air subtropical sur le nord de l'Afrique se matérialise généralement par le courant jet. Ce dernier n'est pas toujours linéaire et ondule naturellement. Lorsqu'une ondulation est suffisamment marquée, une masse d’air frais/froid plonge vers le sud sous la forme d'un talweg. Celle-ci peut alors s'isoler, ce qui signifie qu'une bulle d’air frais/froid se retrouve piégée au sein d'une masse d'air plus doux : la goutte froide est ainsi formée. Il s'agit d'une petite dépression d'un diamètre faisant généralement quelques centaines de kilomètres.

Schéma du mécanisme de formation d'une goutte froide - via Info Météo

Sous ces gouttes froide, le temps se montre souvent perturbé et frais. En effet, l'air froid apporté en altitude par cette dépression (d'où son nom de "goutte froide"), faisant face à la douceur tentant de se maintenir au sol, contribue à déstabiliser la masse d'air et donc à générer de nombreuses averses voire orages sur un certain nombre de régions. C'était par exemple le cas lors des journées du 17 ainsi que du 21 mai avec la présence de plusieurs gouttes froides.

Images satellites des gouttes froides ayant concerné la France le 17 et le 21 mai 2024 - NOAA

Là où les choses se compliquent, c'est que ce type de dépression étant totalement détachée de la circulation atmosphérique générale, elle n'est dirigée par aucun flux et son comportement est très aléatoire. En général, les gouttes froides se déplacent très lentement et peuvent évoluer vers n'importe quelle direction, faisant parfois du sur-place durant plusieurs jours.

Cette situation va d'ailleurs se reproduire en 2e partie de semaine prochaine, avec une nouvelle goutte froide sur l'Europe Centrale, dont certains modèles entrevoient un comportement très erratique avec une trajectoire incertaine pouvant même la faire diriger sur la France... Cette incertitude de trajectoire, bien visible sur la plupart des modèles météo, influe donc à nouveau fortement sur la fiabilité des prévisions des prochains jours.

Modélisation d'une goutte froide à la trajectoire erratique du 1er au 4 juin 2024 - Modèle GFS via Tropical Tidbits

Le phénomène de marais barométrique synonyme d'instabilité

Outre la présence de gouttes froides, notre pays fait également face à une situation dite de "marais barométrique", expliquant là aussi les prévisions météorologiques très changeantes.  Nous appelons marais barométrique la situation où la pression atmosphérique n'est ni basse, ni élevée sur une vaste zone, se situant en général entre 1012 et 1016hPa. Nous ne sommes alors influencés par aucun centre d'action.

Lors des situations de marais barométrique, les centres d'action ne sont pas bien définis et aucun flux bien établi n'est à signaler. Les vents, souvent faibles, peuvent donc aisément changer de direction d'une journée sur l'autre et la météo est souvent changeante. À cette saison où il fait de plus en plus doux, les marais barométriques sont également propices à la mise en place de la convection diurne, causant l'apparition d'averses et d'orages. Le temps peut alors être très changeant au cours d'une même journée.

C'est cette situation que nous avons observé en cette 2e partie de semaine, entre une barrière anticyclonique sur le proche-Atlantique, et la présence de gouttes froides dépressionnaires entre les Iles Britanniques et la Pologne. Entre les deux, le marais barométrique observée sur le pays a provoqué la formation de centaines d'averses parfois orageuses sur beaucoup de régions.

Situation générale de marais barométrique ce 23 mai 2024 - Météo-Villes

Image satellite du marais barométrique du 23 mai 2024 et les centaines d'averses sur le pays - NOAA

Un casse-tête pour les prévisions météo

Ces deux configurations instables compliquent la vie des météorologues. Dans ces situations à très court terme, une multitude d'averses et d'orages se déclenchent et circulent de manière anarchique. Ces derniers ne font souvent que quelques kilomètres de large. Ainsi, les habitants d'une même région peuvent vivre une journée bien différente. Les plus chanceux peuvent passer au travers des averses et profiter de belles éclaircies tandis que les moins heureux peuvent subir plusieurs orages au cours de la même journée. D'une ville à une autre, l'impression générale de la journée peut donc être très différente. Ces différences locales voire ultra-locales touchent aux limites de la prévision. Nous ne pouvons bien évidemment pas prévoir quelles seront les communes les plus arrosées et quelles seront les communes épargnées. Ainsi, il est important de garder à l'esprit que les averses indiquées sur nos cartes ou dans nos tableaux de prévisions représentent un risque et non une certitude. Dans le doute, il est préférable de se munir de son parapluie et ce même si le soleil brille, car le temps peut changer très vite dans ce type de configuration.

A moyen terme, les trajectoires des gouttes froides ne sont pas non plus parfaitement entrevues par les modèles météorologiques malgré la puissance de leurs calculs aux fil des années. Un seul paramètre variant légèrement le jour J (un degré de plus ou de moins, un léger décalage d'un centre d'action de quelques dizaines de kilomètres) peut avoir une conséquence très notable sur la prévision générale dans plusieurs jours (effet papillon).

Si l'on regarde la performance des prévisions de pression atmosphérique à l'échéance J+5 sur le continent Européen parmi trois modèles (NCEP, ECMWF, UKMO), nous pouvons constater des écarts parfois notables, et surtout une chute de fiabilité très importantes à certaines dates. Pour ces trois modèles, la fiabilité de la prévision a atteint 75 à 95% depuis la fin avril. Néanmoins, de véritables ratés ont été constatés ces dernières semaines : c'est notamment le cas pour NCEP pour la prévision du 29 avril et du 1er mai (fiabilité chutant sous les 50%), ou encore du modèle anglais UKMO à partir du 13 mai (chutant sous les 30% de fiabilité).

Indice de fiabilité de la prévision de la pression atmosphérique en Europe à échéance J+5 - comparatif de trois modèles de prévision depuis le 26 avril 2024  - graphique NOAA

Sur Météo Villes, nous croisons les tendances de plusieurs modèles pour vous donner la prévision expertisée la plus fiable possible. Nos prévisionnistes consultent les différents scénarios et tranchent à partir de leur expérience. La météo ne sera toutefois jamais une science exacte et le rôle de l'expertise humaine est majeur pour corriger les erreurs des modélisations.

N'hésitez pas à consulter quotidiennement nos prévisions expertisées pour vous tenir au courant des dernières tendances actualisées pour ces prochains jours.