Pourquoi de tels incendies au Chili depuis des semaines ?
vendredi 16 février 2024Des incendies dévastateurs et meurtriers
Depuis le début du mois de février, des incendies particulièrement virulents concernent une partie du Chili. La région de Valparaiso fut l'une des plus touchée, notamment entre le 2 et le 4 février dernier où plusieurs incendies se sont déclarés sur les collines bordant le Grand Valparaiso, touchant malheureusement plusieurs communes du secteur.
La ville de Villa Independencia fut durement touchée par les incendies au début du mois de février – Photographie : AFP - Javier TORRES
La vitesse d'avancée des flammes et la virulence de ces incendies ont rendu l'intervention pourtant rapide des secours quasiment inefficace, induisant d'importants dégâts sur les communes touchées mais également de nombreuses victimes. Les habitants du secteur n'ont, pour la plupart, pas eu le temps de s’échapper de la trajectoire des feux, certains se retrouvant bloqués dans des embouteillages créés lors des évacuations en urgence des secteurs menacés.
Véhicules carbonisés après le passage de l'incendie près de Valparaiso – Via Euronews
Le bilan de ces feux dans la région de Valparaiso fut de ce fait particulièrement lourd avec plus d'une centaine de victimes et des milliers d'habitations détruites par les flammes, laissant sans abris plusieurs milliers de personnes.
Vue satellite des secteurs touchés par les incendies près de Valparaiso au début du mois de février 2024 - Planet Labs PBC
Cette région ne fut toutefois pas la seule touchée par ces incendies dévastateurs. D'autres virulents feux se sont également déclenchés plus au Sud, touchant notamment la région de Biobío en causant là aussi de nombreux dégâts et victimes.
A la mi-février, ce sont plus de 43 000 hectares de végétation qui sont partis en fumée sur le pays, soit plus de 4 fois la taille de Paris.
Nombreux dégâts suite au passage d'un incendie au Chili en ce début février 2024 – Via Twitter @Chief_Cecilia
Le bilan humain est également très lourd avec au moins 131 victimes des suites de ces feux et 300 personnes toujours portées disparues, soit la catastrophe naturelle la plus meurtrière sur le pays depuis les séismes et le tsunami de février 2010 qui avaient engendré la mort d'au moins 525 personnes.
En cette mi-février 2024, des incendies sont toujours en cours sur le Centre et le Sud du Chili, menaçant encore certains secteurs urbanisés.
Comment expliquer de tels incendies ?
Le Chili, notamment le Sud et le Centre du pays, est une région du monde où les incendies sont réguliers et peuvent se montrer particulièrement virulents. L'année dernière à la même période, de violents incendies avaient déjà brûlé plus de 424 000 hectares de végétation en seulement deux semaines et causé la mort de 25 personnes.
La plus importante surface brûlée en une année revient cependant à la saison des feux 2016/2017 sur le pays où plus de 570 000 Ha de forêts étaient partis en fumée, faisant « seulement » 11 victimes.
Évolution de la surface annuelle brûlée entre 1984 et 2023 au Chili – Via Twitter @SergeZaka
D'après une étude publiée en 2020 par le CR2 (Centre for Climate and Resilience Research), la fréquence des feux et leur virulence s'est nettement accentuée sur le Centre et le Sud du Chili depuis les années 2010 par rapport aux trois décennies précédentes. La saison des feux est également plus longue aujourd'hui.
Depuis 2010 d'ailleurs, le pays était en proie à une sécheresse particulièrement marquée et surtout particulièrement longue, ayant d'ailleurs favorisé l’occurrence des virulents incendies de 2023 et de 2016/2017. Pourtant, le second semestre de 2023 fut plus humide qu'à l'accoutumée sur le Centre et le Sud du pays avec même des inondations meurtrières entre les mois de juin et septembre.
Inondations dans le Centre du Chili à la fin du mois de juin 2023 – Via la-croix.com
Ce retour d'un temps nettement plus humide fut provoqué par la mise en place du phénomène climatique planétaire El Niño, qui a tendance à engendrer un temps plus humide sur ce secteur entre les mois de juin et septembre.
Impact d'El Niño sur la répartition des anomalies de précipitations dans le monde – NOAA
Ce temps plus humide aurait pu être bénéfique pour le risque d'incendie sur le secteur. Toutefois, celui-ci a eu au contraire un effet aggravant puisqu'il a permis à la végétation, très affectée par la sécheresse de ces dernières années, de reprendre de la vigueur avant la fin d'année 2023.
Par la suite, un temps de nouveau plus sec mais surtout bien plus chaud s'est mis en place, ce qui a engendré un nouvel assèchement de rapide de cette végétation temporairement revigorée, élément qui a finalement accentué le risque de feux de forêts pour ce début d'année 2024.
Evolution de la végétation sur le Chili entre janvier et décembre 2023 – NASA WorldView
Si la surface partie en fumée au Chili en cette année 2024 est pour le moment moins importante que les années précédentes, ces récents incendies se démarquent néanmoins par leur violence et leur proximité avec des zones très urbanisées.
Lors de leur déclenchement au début du mois de février, le Chili était concerné par une vague de chaleur particulièrement forte et durable avec des températures dépassant les 30/35°C sur de nombreux secteurs depuis plusieurs jours. Le mois de janvier 2024 fut d'ailleurs particulièrement chaud sur une large partie du Sud de l'Amérique.
Anomalies de températures en janvier 2024 sur l'Amérique du Sud – Climate Reanalyzer
Toutefois, c'est notamment les fortes rafales de vent de Sud qui ont permis une propagation des flammes particulièrement véloce vers les zones les plus urbanisées, on relevait par exemple des rafales de plus de 60km/h sur la région de Valparaiso lors du déclenchement des premiers feux.
Attisés par une végétation asséchée par la chaleur récurrente depuis le début d'année et par ces vents de Sud virulents et surtout très secs, les flammes se sont ainsi rapidement propagées des forêts vers les zones urbanises sans que les services d'intervention ne puissent les arrêter, ce qui a conduit à une véritable catastrophe dans la région de Valparaiso notamment.
Évolution du nombre d'incendies autour de Valparaiso au début du mois de février 2024 - Captures d’écran Firms Nasa/ Montage RFI
Comme souvent lors de ce type de catastrophe naturelle, ce sont donc plusieurs facteurs climatiques, biologiques et météorologiques qui se sont rejoins pour provoquer des incendies si meurtriers. Il est d'ailleurs important de noter que l'urbanisation de plus en plus importante vers les zones forestières et la qualité des constructions ont également favorisé la propagation rapide des flammes même en zone urbanisée.
A présent, le phénomène climatique El Niño touche à sa fin d'après les dernières prévisions des organismes spécialisés et la Niña devrait de nouveau s'imposer d'ici l'été avec le retour de conditions plus durablement sèches sur le Chili, ce qui pourrait de nouveau favoriser l’occurrence d'incendies dans les prochaines semaines et les prochains mois.
Impact de La Niña sur la répartition des anomalies de précipitations dans le monde – NOAA