Vortex polaire : menace de froid sur l'Europe ?
lundi 18 janvier 2021Le vortex polaire, c’est quoi ?
Un vortex polaire est une dépression d’altitude persistante localisée près des pôles d’une planète, se formant entre la moyenne troposphère et la stratosphère.
En hiver, l’Arctique est plongé dans la nuit polaire et ne se réchauffe plus durant de longues semaines, instaurant une masse d’air froid persistante dans la stratosphère et la formation d’anticyclones thermiques en surface (l’air froid est plus dense et exerce une forte pression vers le sol). C’est donc en hiver que ce vortex polaire est le plus intense, l’écart thermique entre l’équateur et les pôles étant plus important en cette saison.
Schéma de la position et l’organisation du vortex polaire stable en période hivernale – Via NOAA
En marge des anticyclones thermiques situés en son centre, le vortex polaire engendre également un autre courant atmosphérique, le Jet Stream, circulant dans le sens antihoraire dans l’hémisphère Nord. Celui-ci marque la frontière entre air glacial et air sensiblement plus doux et est le lieu de formation des zones dépressionnaires. Sa position est déterminante pour appréhender les conditions météorologiques futures en un point donné.
Qu’est qu’un réchauffement stratosphérique soudain ?
Si la masse d’air froide présente en altitude dans le vortex est généralement stable durant la période hivernale, il arrive que celui-ci se réchauffe soudainement lors d’interactions locales entre troposphère et stratosphère, on parle alors de réchauffement "stratosphérique soudain". Les températures en altitude gagnent dans ce type de situation plusieurs dizaines de degrés en quelques jours, entraînant une perturbation de la circulation atmosphérique près du pôle.
Exemple de réchauffement stratosphérique soudain au mois de décembre 2018 sur l’hémisphère Nord – Via meteobelgium.be
Ce réchauffement a pour effet de perturber la circulation atmosphérique générale en altitude, le vortex change alors peu à peu de sens de rotation et se décale progressivement de son axe, ondulant et permettant aux masses d’air glaciales de s’écouler vers de plus basses latitudes.
Différences entre un vortex polaire stable et perturbé par un réchauffement stratosphérique – Via LeParisien
C’est ce qu’il se passe depuis le début du mois de janvier dans l’hémisphère Nord, les scientifiques ont en effet détecté une hausse de plus de 50°C de la température de la stratosphère au-dessus de la Sibérie en quelques jours.
Températures à 10hPa (stratosphère) au-dessus de l’hémisphère Nord en ce lundi 18 janvier 2021 – via météociel.fr
Ce réchauffement est donc en train de perturber le vortex polaire, auparavant stable depuis le début de l’hiver, induisant un risque de descentes d’air froid à des latitudes moyennes, peu habituées à de telles températures.
Réchauffement stratosphérique = refroidissement ?
Si la perturbation du vortex polaire est acquise, le froid ne l’est pas pour autant. En effet les conséquences de ce type d’évènement peuvent grandement varier suivant les régions. L’hémisphère nord est vaste et le froid n’est pas acquis partout.
Le Jet Stream devient en effet plus « ondulant » dans ce type de situation, c’est-à-dire que celui-ci véhicule des masses d’air glaciales plus aléatoirement sur l’hémisphère Nord au lieu de contenir cet air aux plus hautes latitudes. L'ondulation induit cependant un effet de balancier avec de l'air polaire alternant avec de l'air plus doux suivant la circulation de ce courant atmosphérique.
Comparaison entre Jet Stream (gauche) et températures à 850 hPa (droite) sur l’hémisphère Nord ce lundi 18 janvier 2021 – Modèle GFS via meteociel.fr
Réchauffement stratosphérique soudain ne rime donc pas forcément avec refroidissement généralisé sur l’hémisphère Nord, tout dépend de la région où on se trouve. Si le froid semble assuré sur le Nord du continent américain avant la fin du mois de janvier, l’histoire est différente côté européen.
Quelles conséquences pour l’Europe et la France ?
D’après les dernières modélisations, la perturbation du vortex polaire devrait se traduire par une période perturbée jusqu'à la fin du mois de janvier.
Le Jet Stream (fort courant d'altitude lié à ce contraste thermique) devrait en effet s’abaisser à de plus basses latitudes dans les prochains jours, s’orientant plus franchement vers l’Ouest de l’Europe et la France.
Animation de l'évolution du Jet Stream entre mercredi 20 et samedi 23 janvier sur l'Ouest de l'Europe - Modèle GFS via WX CHARTS
Comme évoqué plus haut, celui-ci marque la limite entre l’air doux et l’air froid et est le lieu de formation des dépressions extra-tropicales. Vu que ce courant d’altitude devrait s’orienter directement vers la France et les îles britanniques, notre pays devrait se retrouver dans la zone de conflit entre l’air froid (plus au Nord) et l’air doux (plus au Sud) d’ici la fin de semaine.
Schéma de la situation atmosphérique sur l’Ouest de l’Europe pour le Dimanche 24 janvier – Modèle GFS via meteociel.fr
Ce type de situation n’est pas favorable à une vague de froid étendue sur le pays, plutôt à une succession de dépressions parfois accompagnées de coups de vent ou tempête car propulsées par le courant jet. C’est donc plutôt le risque de coup de vent et de fortes précipitations durables qu’il faudra surveiller sur la France d’ici la fin du mois de janvier.
Cumuls de précipitations totaux envisagés jusqu’au mardi 26 janvier sur la France – Modèle GFS via WX CHARTS
Seuls le Nord et le Nord-Est du pays semblent soumis à un risque de froid plus tenace et de potentiel épisode neigeux d’ici la fin de semaine avec un air froid résistant plus franchement sur ces régions (situées au Nord de la zone de conflit). Une situation qu’il conviendra néanmoins de confirmer dans les prochains jours.
Plus froid par la suite ?
Le début du mois de février est plus indécis. Au moment où nous rédigions cet article (lundi 18 janvier à midi), le risque froid semblait s'éloigner. Mais la nouvelle sortie du modèle européen du 18 janvier après-midi indique un possible refroidissement gagnant au moins la moitié Nord de la France avec un risque de neige temporaire jusqu'en plaine. A suivre car la France se situerait encore une fois en fin de course de cet air froid...
Anomalies de températures envisagées pour les semaines du 8 au 14 février prochain (cliquez sur l'image pour l'agrandir) – Via EFFIS
Il est d’ailleurs important de rappeler que ce phénomène de réchauffement stratosphérique soudain n’est pas nouveau et survient quasiment chaque hiver. Le dernier réchauffement stratosphérique majeur s’est d’ailleurs produit en janvier 2019 et n’avait eu aucune conséquence hivernale sur la France, à l’inverse le mois de février s’était montré particulièrement doux..
Douceur exceptionnelle sur l’Europe pour la deuxième quinzaine de février 2019 – Via Météo-Villes