Retour sur les mois de mai pourris en France
jeudi 11 mai 2023
Nous ne sommes qu'au tiers du mois de mai et certains le qualifient déjà de pourri. Pourtant, la France a déjà vécu des mois de mai épouvantables dans son histoire. Retour vers le passé.
Un début mai instable mais pas frais
Si certains ont l'impression que le temps est frais depuis le début du mois de mai, ce n'est pas vraiment le cas. En réalité, la moyenne des températures minimales et maximales à échelle de la France s'est trouvée 2,0°C au dessus de la norme durant la première décade de mai 2023 ! Sur les 10 premiers jours du mois, seul le 10 mai a terminé sous la normale (avec un déficit très faible). Si le thermomètre passe désormais sous la norme, ce n'était donc pas le cas du tout durant les neuf premières journées du mois.
Anomalie thermique quotidienne en France du 1er au 10 mai 2023 - via Météo France
Toutefois, cette "anomalie" douce peut apparaître trompeuse en comparaison de notre ressenti. En effet, la météo de cette première décade de mai s'est montrée instable si bien que les températures diurnes ont tendance à beaucoup fluctuer. Ce jeudi 11 mai 2023 à Lille, la température maximale qui comptera pour les statistiques est de 17,3°C, valeur très proche de la norme. Cependant, elle fut brièvement atteinte vers 12h30 puis des averses se sont abattues l'après-midi. Entre 13h et 16h, il ne faisait pas plus de 12 à 13°C. Le ressenti général est donc bien plus frais que la valeur qui sera retenue pour la climatologie.
Températures mesurées à Lille (59) ce jeudi 11 mai 2023 - via meteociel.fr et infoclimat.fr
La pluviométrie joue également un rôle majeur dans notre perception du temps. S'il a fait globalement doux, les fréquents passages pluvieux qui ont rythmé la première décade de mai lui ont attribué une impression maussade. Sur une large moitié nord de la France, les cumuls ont été supérieurs à la normale. À Roissy, on approche déjà les 70 mm et Rouen a mesuré 66,7 mm en 10 jours. Notons cependant que le sud du pays a été bien moins concerné. Il n'est tombé que 5,2 mm à Biarritz du 1er au 10 mai 2023, seulement 2,4 mm à Montpellier et 0,2 mm à Nice.
Anomalie pluviométrique entre le 1er et le 9 mai 2023 - via Météo France
Mai : un mois aux multiples visages
Mois printanier, mai est caractérisé par une météo possiblement très changeante en France. Il existe également une forte variabilité entre les années. Ainsi, le mois de mai le plus chaud jamais enregistré fut celui de l'an dernier avec une moyenne de 17,76°C en mai 2022 ! À l'inverse, le mois de mai 2021 avait été nettement plus frais avec une moyenne 5°C plus basse de 13,77°C ! On restait cependant loin des mois de mai froids des années 1970 et 1980. Après 1950, le plus froid fut mai 1984 avec une moyenne de seulement 11,70°C en France !
Écart à la normale 1991-2020 des températures en mai de 1900 à 2022 - via Météo France
Comme pour les températures, le mois de mai présente une forte variabilité interannuelle. Notons cependant qu'il est pour certaines régions le mois le plus arrosé de l'année (instabilité orageuse grandissante). Cela ne s'était absolument pas vérifié l'an dernier avec une sécheresse record en mai 2022, qui n'avait enregistré que 29 mm à échelle du pays ! À l'inverse, le mois de mai 2021 avait été bien arrosé avec près de 110 mm en moyenne nationale. Au XXIème siècle, le mois de mai le plus arrosé en France fut 2013 avec près de 130 mm de moyenne ! Des valeurs semblables avaient été mesurées en mai 1981, mai 1983 et mai 1984.
Cumul moyen de pluie en France au mois de mai et écart à la normale de 1961 à 2022 - via Météo France
Il est certain que si vous comparez ce mois de mai 2023 à celui de l'année dernière, vous allez le trouver particulièrement frais et humide. Cependant, il ne faut pas faire l'erreur de prendre comme référence le mois de mai 2022 qui fut un véritablement OVNI climatique, pulvérisant le record de chaleur mais aussi le record de sécheresse d'un mois de mai ! Il suffit simplement de remonter un an en arrière - en 2021 - pour retrouver un mois de mai frais et humide en France.
Anomalie thermique et pluviométrique en France en mai 2022 et mai 2021 - Météo Villes
Les mois de mai pourris en France
Mai 2013
Il est vrai que le mois de mai 2021 - frais et humide - pourrait être qualifié de "pourri" dans certaines régions du pays. Cependant, le mois de mai 2013 fut bien pire ! Au XXIème siècle, aucun mois de mai ne fut aussi arrosé et frais. Avec une température moyenne de 12,75°C, il figure parmi les 12 mois de mai les plus froids depuis 1900 ! Il était tombé en moyenne près de 130 mm à échelle nationale au cours du mois, soit un excédent de 50% ! Presque aucune région n'avait été épargnée par les pluies abondantes.
Écart à la normale des températures et de la pluviométrie en mai 2013 - via Météo France
Puisqu'il faisait suite à des mois de mars et avril déjà instables, ce mois de mai 2013 très arrosé avait eu des conséquences dramatiques d'un point de vue hydrique. En effet, de nombreux cours d'eau étaient entrés en crue en générant d'importantes inondations, en particulier dans le nord-est de la France. Preuve du temps agité mais aussi très frais, la neige s'était même invitée dès 500 mètres d'altitude sur les reliefs de l'est le 25 mai 2013, à quelques jours de l'été météorologique...
Inondations dans le nord-est de la France en mai 2013 - L'Est-Éclair via Chronique Météo Villes
Mai 1984
Avec une température moyenne d'à peine 11,70°C en France et un cumul de pluie moyen proche de 130 mm, le mois de mai 1984 est tout simplement le pire en terme de température et pluviométrie combinées depuis le siècle dernier ! Les coulées d'air froid s'enchaînent notamment durant les deuxième et troisième décades du mois, associées à des perturbations pluvieuses actives. Fin mai 1984, le thermomètre plafonne à des niveaux remarquablement bas. Le 29 mai 1984, il ne fait pas plus de 8°C à Aurillac ou 9°C à Rouen, Paris et Nevers...
Températures maximales mesurées les 28 et 29 mai 1984 - via infoclimat.fr
Cette impressionnante anomalie froide du mois de mai 1984 avait atteint des niveaux remarquables sur tout le sud-ouest de l'Europe. L'écart thermique aux normales 1991-2020 atteignait parfois les -5°C dans le sud-ouest de la France mais des valeurs similaires concernaient également de nombreuses régions d'Espagne ainsi que le nord-ouest du Maghreb.
Anomalie thermique (normale 1991-2020) en Europe au mois de mai 1984 - via NOAA
Mai 1983
Ironie du sort, le mois de mai de l'année précédente avait été presque aussi pourri. La pluviométrie de mai 1983 était très semblable à celle de mai 1984 avec environ 130 mm à échelle nationale. Bien qu'un peu moins basses, les températures avaient tout de même été particulièrement fraîches avec une moyenne de 12,99°C, le classant dans le top 5 des mois de mai les plus frais depuis 1963. La France avait été l'épicentre de l'anomalie froide avec des valeurs 3°C sous les normales du centre au nord-est de l'hexagone.
Anomalie thermique (normale 1991-2020) en Europe au mois de mai 1983 - via NOAA
L'humidité exceptionnelle de ce mois de mai 1983 faisait suite à un mois d'avril déjà remarquablement arrosé. Ainsi, d'importantes inondations ont été observées en France en mai 1983. Ce sont les régions du nord-est qui avaient subi les crues les plus notables. Ci-dessous, une photo des rues de Nancy inondées durant ce fameux mois de mai 1983.
Les rues de Nancy sous les eaux durant le mois de mai 1983 - photo Pascal Champion via Chronique Météo Villes