Y a-t-il plus d'inondations qu'avant en France ?
samedi 13 janvier 2024La France soumise à différents risques d’inondations
Les derniers mois ont été excessivement pluvieux sur notre pays, notamment entre la mi-octobre et le début du mois de janvier avec des précipitations parfois records. Ces pluies excessives ont engendré de nombreuses inondations sur notre pays, notamment sur l'Est, le Nord et le Centre-Est de la France.
Le Nord fut d'ailleurs le département le plus touché, que ce soit durant le mois de novembre 2023 ou pour débuter l'année 2024 avec le déclenchement de plusieurs vigilances rouges crues sur ce secteur.
La rivière Dordonne (affluent de la Canche) en crue à Longvilliers (62) le 10 novembre 2023 – Kevin Floury
Néanmoins, les inondations ne sont pas inhabituelles en cette saison sur les régions citées précédemment, saisons qui sont habituellement les plus humides de l'année sur la majorité du pays.
Mois le plus pluvieux en France – Météo-France
Une large partie de la France est soumise à un risque d'inondations par étalement, à cinétique globalement lente et généralement consécutives à des pluies durables mais pas particulièrement intenses se produisant sur les bassins versants des cours d'eau concernés. Ces précipitations durables saturent les sols et les nappes phréatiques, l'eau précipitée se propage alors vers les cours d'eau, les faisant sortir de leur lit durant un laps de temps parfois important.
Schéma de la formation des inondations par étalement - Tiré du livre METEO-EXTREME
Ceci est à comparer aux inondations par ruissellement et crues éclairs se produisant en général sous orages diluviens durant l'automne sur le Sud-Est du pays. Celles-ci possèdent une cinétique bien plus importante et peuvent provoquer des dégâts majeurs en un court laps de temps en raison notamment des importantes quantités de précipitations tombant en seulement quelques heures sur un secteur donné.
Schéma de la formation des inondations par ruissellement - Tiré du livre METEO-EXTREME
Le Sud-Est et le Nord du pays sont d'ailleurs les régions les plus régulièrement touchées par les inondations, ainsi qu'une partie du Sud-Ouest et du Nord-Est. Depuis 1982, 3 907 arrêtés de catastrophe naturelle en lien aux inondations ont été pris par le gouvernement sur le département du Nord, soit le deuxième département le plus touché après la Haute-Saône (4 039).
Nombre d'arrêtés de catastrophes naturelles pour cause d'inondations par département depuis 1982 - Le Monde
En reliant cette carte à celle des cumuls annuels moyens sur la France, on peut remarquer que les départements les plus « humides » sont en général les départements les plus soumis aux inondations, notamment les secteurs de plaine à proximité des reliefs très exposés aux flux océaniques perturbés (Nord-Est du pays, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine et Nord de la France).
Cumul annuel moyen de pluie en France sur la période 1981-2010 - Météo-France
L'exception la plus notable est toutefois à attribuer au Sud-Est où les cumuls annuels sont moindres que sur le reste du pays mais où les orages diluviens sont récurrents pendant l'automne, la Méditerranée apportant d'importantes quantités d'humidité latente en cette saison après un été très chaud. Ces secteurs observent donc des crues éclairs ou des inondations par ruissellements plus localisées mais parfois très dommageables à cause de ce risque orageux diluvien.
Inondations catastrophiques Côte d'Azur 3 et 4 octobre 2015 - Inondations à Antibes (06) - 4 octobre 2015 - Nice Matin
Les inondations deviennent-elles plus fréquentes ?
Les inondations ont donc été récurrentes ces dernières semaines sur de nombreuses régions, notamment sur le département du Nord qui a comptabilisé a lui seul 277 des 1047 épisodes d'inondations reconnus comme des catastrophes naturelles à l'échelle nationale en 2023. Ce nombre est d'ailleurs bien supérieur à la moyenne annuelle du département qui en compte en général une centaine entre 1982 et 2023.
Toutefois, cela ne suffit pas pour dire que les inondations sont plus fréquentes ces dernières années. En effet, le nombre d'arrêtés de catastrophe naturelle en France reste globalement assez constant depuis 1982, variant entre 1000 et 4000 arrêtés par an en moyenne.
Nombre annuels d'arrêtés de catastrophes naturelles pour cause d'inondations en France depuis 1982 - Le Monde
Les inondations ne se montrent donc pas plus fréquentes ces dernières années sur la France et la variation annuelle observée dépend simplement de la mise en place ou non de situations favorables à leur survenue comme ce fut le cas ces derniers mois.
On note toutefois que l'année 1999 se démarque très largement des autres dans le graphique précédent avec près de 29 000 arrêtés de catastrophe naturelle cette année là. L'année 1999 s'est en effet montrée particulièrement agitée avec des orages parfois diluviens entre le printemps et l'été sur une large partie du pays et une fin d'année très humide.
Entre octobre et novembre, plusieurs épisodes pluvio-orageux diluviens avaient concerné le Sud-Est de la France, provoquant des inondations parfois importantes. Le plus notable d'entre eux s'est déroulé entre le 13 et le 14 novembre du côté du Roussillon où de très fortes pluies avaient engendré des inondations majeures, sinistrant 438 communes et causant la mort de 36 personnes.
Inondations dans l'Aude le 13 novembre 1999 – Météo-Villes
Ensuite, c'est sur le quart Nord-Ouest que les pluies se sont montrées les plus fréquentes durant le mois de décembre, qui fut le mois le plus pluvieux depuis plus de 50 ans sur cette région. En fin de mois, de nombreux secteurs se retrouvaient là aussi les pieds dans l'eau, notamment sur l'Ouest et le Nord-Ouest du pays.
Inondations dans les régions du Nord-ouest et de l'Ouest à la fin du mois de décembre 1999 - Météo-Villes
Même si les inondations se sont montrées nombreuses en 2023, nous restons donc loin de l'année 1999 qui s'était montrée véritablement exceptionnelle.
Les inondations vont-elles se multiplier dans le futur ?
Le réchauffement climatique apporte une modification progressive du climat français. Ainsi, les saisons se retrouvent de plus en plus contrastées en terme de précipitations avec une saison chaude de plus en pus sèche mais également une saison froide de plus en plus humide.
Cette tendance devrait, d'après les prévisions des climatologues, s'accentuer dans les prochaines décennies sur notre pays avec des hivers de plus en plus humides et des étés de plus en plus secs, entrecoupées de printemps et automnes également bien contrastés.
Différence du cumul des précipitations en hiver et en été - projection 2071-2100 par rapport à la période 1976-2005 - Météo-France
Les experts tablent en effet sur une évolution du régime de précipitations sur la France : plus élevées en moyenne annuelle sur les deux tiers nord du pays et plus rares mais plus intenses sur un grand quart Sud-Est. Ainsi, les pertes liées aux risques d'inondations de plaine (ou inondations lentes) pourraient augmenter de +110% d'ici l'horizon 2050 d'après certaines estimations alors que celles liées aux crues éclairs, typiques du Sud-Est du pays, pourraient quant à elles augmenter de +130%.
Évolution des dommages futurs (moyenne multi-modèles) dus aux inondations par débordement - Covea
L'année 2023 nous a d'ailleurs déjà donné un bon exemple de ce temps très contrasté envisagé à l'avenir. Pour rappel, l'année avait débuté par des conditions très sèches. Le mois de février (-73%) a par exemple été le 4e mois le plus sec mesuré en France, tous mois de l'année confondus depuis 1959. Le mois de mars plus humide qui a suivi (+43%) n'avait pas permis de rattraper ce retard, provoquant d'importantes problématiques de sécheresse jusqu'au début de l'automne, notamment près de la Méditerranée.
Anomalies mensuelles de pluviométrie en France sur l'année 2022 - écarts à la moyenne de la période 1991-2020 - Météo-Villes
Mais un renversement tout aussi soudain que spectaculaire s'est mis en place à partir de la mi-octobre, avec le retour de pluies très abondantes provoquant des crues généralisées et parfois catastrophiques, notamment sur le Pas-de-Calais. Ainsi, Octobre (+36%) et surtout novembre (+51%) se sont montrés nettement excédentaires, ce qui a permis d'établir un équilibre relatif au bilan annuel de précipitations sur la France malgré (+2%) et ce malgré un temps majoritairement sec jusqu'en début d'automne.