2023 peut-elle être encore plus chaude et encore plus sèche ?
mercredi 11 janvier 2023
L'année 2022 fut historiquement chaude et sèche en France. Dans un contexte de réchauffement climatique, 2023 serait-elle capable de faire pire ? Tentons de mettre les choses dans leur contexte.
Chaleur record : 2022 a pris une belle avance
Dans un contexte de réchauffement climatique, on pourrait se dire que les années seront de plus en plus chaudes. Seulement, il ne faut pas oublier que le climat n'est - fort heureusement - pas linéaire et qu'il existe une variabilité entre les années. À ce titre, l'année 2020 qui avait été la plus chaude jamais observée en France fut suivie d'une année 2021 simplement de saison. De plus, il faut souligner que l'année 2022 a pulvérisé l'ancien record de 2020 (14,07°C) avec une température moyenne de 14,51°C ! Cette avance de 0,44°C sur l'ancien record a installé solidement l'année 2022 sur la première marche du podium et ce record ne sera sans doute pas battu facilement. À moins d'un emballement climatique inquiétant...
Top 10 des années les plus chaudes en France et températures moyennes associées - via vert.eco
Chaleur excessive + grande sécheresse : une combinaison rare
L'année 2022 fut remarquable par ses températures mais aussi par sa pluviométrie fortement déficitaire. Les années qui cumulent à la fois une forte anomalie chaude et un gros déficit pluviométrique ne sont pas si fréquentes. Parmi les années chaudes & sèches, on retrouve notamment 2003, 2011, 2015, 2017. Cependant, seule l'année 1989 rivalisait avec 2022 en terme de manque de pluie. Une telle sécheresse a une période de retour proche de 50 ans. Notons cependant que 2022 fut bien plus chaude que 1989, dans un contexte de réchauffement climatique. Jusqu'à présent, 2022 apparaît donc comme un OVNI climatique qu'il sera sans doute difficile de détrôner rapidement, même si nul ne sait ce que nous réserve l'avenir...
Rapport à la normale des températures et de la pluviométrie par an entre 1958 et 2022 - via Météo France
Variabilité interannuelle : le chaud ne peut pas toujours régner
Le dernier hiver a avoir enregistré une anomalie froide significative en France remonte à l'hiver 2012-2013, soit il y a 10 ans. Surtout, les 4 derniers hivers ont été dominés par les anomalies douces, atteignant un niveau record lors de l'hiver 2019-2020. Malgré le réchauffement climatique, la variabilité interannuelle voudrait qu'un hiver plus digne de ce nom finisse par se produire en France. Même si les anomalies chaudes sont désormais prépondérantes, une anomalie froide peut toujours se manifester. Cela n'aurait rien d'exceptionnel après 10 ans sans véritable hiver froid et ne changerait pas la tendance indéniable vers un réchauffement.
Anomalie thermique en France lors des hivers de 2004 à 2022 – Météo Villes
D'ailleurs, cette variabilité du climat se constate aussi à échelle de l'année. Ainsi, on constate que les 3 années les plus chaudes jamais enregistrées en France font partie des 5 dernières années : 2018, 2020 et 2022. Cependant, la variabilité interannuelle a bel et bien été constatée lors de l'année 2021 qui fut simplement dans les normes (-0,1°C par rapport aux normales 1991-2020). Preuve que même au sein d'une série d'années chaudes, une année bien plus classique peut se glisser. Notons cependant que le dernier déficit significatif date de 10 ans puisqu'il faut remonter à 2013 (-0,6°C sur 12 mois)...
Anomalie thermique annuelle en France de 2010 à 2022 – Météo Villes
Europe de l'Ouest : l'épicentre de la chaleur en 2022
Il faut aussi reconnaître que l'Europe de l'Ouest - dont la France - ont été l'une des zones les plus anormalement chaudes sur Terre au cours de cette année 2022. Espagne, France, Angleterre, Allemagne ou encore Italie ont vécu leur année la plus chaude depuis le début des mesures. Cette donnée est aussi valable pour certaines régions, d'Asie mais pas pour l'Amérique. Si des études ont montré que l'Europe de l'Ouest avait tendance à se réchauffer plus vite que les autres zones situées aux mêmes latitudes, nous ne serons pas l'épicentre de l'anomalie sèche et chaude tous les ans. En 2022, notre partie du monde s'est souvent retrouvée sous le feu des projecteurs.
Zones ayant enregistré une année 2022 exceptionnellement chaude – via BerkeleyEarth.org
La Niña arrive à son terme
La Niña, le refroidissement des eaux équatoriales de surface dans le centre et l'est de l'océan Pacifique, dure depuis maintenant 3 ans ! Il s'agit d'un cycle particulièrement long, jouant un rôle sur les conditions climatiques de plusieurs régions du globe. Or, ce long cycle de La Niña arrive à son terme et les dernières prévisions envisagent un retour en phase neutre au printemps prochain avant une possible bascule vers un cycle El Niño à l'été ou à l'automne 2023.
Prévisions des cycles La Niña (en bleu), neutre (en gris) et El Niño (en rouge) jusqu'à l'été 2022 – via NOAA
Le rôle de La Niña ou d'El Niño sur le climat européen n'est pas clairement établi. Certains ont toutefois remarqué que les périodes anticycloniques ont été anormalement nombreuses en France et en Europe durant les années 2020, 2021 et 2022, dominées par La Niña. La fin de ce cycle pourrait-elle enrayer la récurrence anticyclonique sur nos régions ? Il ne s'agit que de simples suppositions puisqu'il n'existe aucun consensus sur l'influence de ce phénomène en Europe. Nous pouvons remarquer que depuis novembre 2022, le flux océanique perturbé nous concerne de nouveau avec le retour de pluies fréquentes et salvatrices. Cependant, La Niña est encore en cours à ce jour et aucun lien de cause à effet ne peut donc être établi.
Courant jet du 11 et le 20 janvier 2023, montrant un temps agité sur l'Europe de l'Ouest - via wxcharts.com
Quid d'un emballement climatique ?
Malgré les éléments statistiques listés dans cet article, une inconnue est à mentionner : et si nous étions en train d'assister à un emballement climatique ? L'année 2022 fut la 5ème plus chaude jamais observée dans le monde et même la 2ème sur le continent européen ! Il est surtout intéressant de noter que les 8 années les plus chaudes sur Terre sont les 8 dernières ! Le réchauffement semble s'accélérer depuis 2015, notamment en Europe. Pourrait-il réduire la variabilité interannuelle et nous conduire vers des anomalies chaudes et sèches toujours plus fréquentes et plus importantes ? Nous sommes en droit de nous le demander...
Anomalie thermique mondiale de 1960 à 2022 – via Copernicus