Début du phénomène El Niño : quelles conséquences sur la France ?
dimanche 21 mai 2023Nous l'avions évoqué il y a plusieurs semaines, ceci est désormais acté : le phénomène El Niño est officiellement de retour en ce mois de mai, après trois années consécutives en période La Niña. Ceci se traduit par un réchauffement des eaux de surface de l'océan Pacifique Equatorial, avec une anomalie dépassant les +0.5°C sur la zone de référence.
El Niño : une possible hausse mondiale des températures
D'après les modélisations à long terme, cette séquence El Niño pourrait être forte, voire même très forte : certaines prévisions tablent sur une anomalie de température de l'eau dépassant les +2°C. De telles anomalies n'ont été observées que lors des plus gros épisodes de ces dernières décennies (1982-1983, 1997-1998, ou encore 2015-2016).
Anomalie de température de la surface des eaux - prévision de juin à août 2023 - Australian Bureau of Meteorology
Comme nous vous l'avions expliqué, la fluctuation de la température de la mer dans cette zone du Pacifique joue d'une influence importante sur l'atmosphère en affectant le régime des vents et des précipitations. Cette relation océan/atmosphère se matérialise alors sur les fameux phénomènes dits de « El Niño » et de « La Niña ».
Les conséquences à l'échelle mondiales d'un épisode d'El Niño sont principalement visibles au niveau des températures. Dans ce contexte de changement climatique et de hausse des températures, les années sous El Niño ont pour habitude d'être plus chaudes qu'à l'accoutumée. Ceci était notamment le cas sous le fort épisode de la période 1997-1998, s'étant traduit par l'année la plus chaude jamais mesurée au cours du 20è siècle (1998). L'année la plus chaude jamais mesurée dans le monde (2016) s'est-elle même produite au cours du plus puissant El Niño depuis la décennie... 1870 !
Les modélisations de ce phénomène pour la 2e partie de l'année se sont donc guère encourageantes, voire même inquiétantes, et les possibilités de battre de nouveaux records de chaleur à l'échelle mondiale pour 2024 ou 2025 sont loin d'être exclus.
Anomalies de températures mondiales et correspondance avec les phénomènes El Niño-La Niña - RCraig09 via WikimediaCommons
Des évènements climatiques locaux récurrents identifiés
D'autres phénomènes plus locaux peuvent être également observés lors d'une phase El Niño. Des effets parfois catastrophiques sur certaines régions du Globe, comme lors de l'épisode historique de 2015-2016 >>.
Plusieurs de ces évènements climatiques locaux ont été identifiés de manière récurrente (même si ceci ne se réalise pas systématiquement à chaque épisode). De décembre à février (hiver sur l'Hémisphère Nord), il est habituellement constaté un temps frais et humide dans le sud des États-Unis, tandis que les températures seraient au dessus des normales en Alaska et dans l’ouest du Canada. Un temps chaud et sec pourrait également prédominer sur la partie australe du continent Africain, et sur une bonne partie de l'Asie du Sud-Est.
Phénomènes habituellement observés entre décembre et février lors d'une situation El Niño - NOAA
Wet = Humide // Dry = Sec // Warm = Doux // Cool = Frais
Des conséquences qui peuvent aussi se répercuter durant l'hiver austral (été sur Hémisphère Nord) avec une constatation habituelle d'un temps plus sec que la normale sur l'Inde (mousson peu active), en Asie du Sud-Est et sur le nord de l'Australie. Le continent Sud-Américain pourrait quant à lui subir une période assez douce sur cette période Juin - Août en cas de future El Nino.
Phénomènes habituellement observés entre juin et août lors d'une situation El Niño - NOAA
Wet = Humide // Dry = Sec // Warm = Doux // Cool = Frais
Quelles conséquences climatiques d'El Niño à attendre sur la France ?
Mais donc, quid de la France et des potentielles conséquences à venir ? Pour tenter d'y répondre, nous avons analysé les différentes anomalies climatiques nationales depuis les années 1980, pour les croiser aux alternances des phases El Niño-La Niña.
Du côté des températures, nous pouvons remarquer qu'un phénomène El Niño n'est pas forcément synonyme d'année chaude en France. Les années 1988, 1992 ou encore 1998 sous une phase forte d'El Niño ne présentent pas d'anomalie thermique particulière (proche de la moyenne 1981-2010). L'année 2016 sous le plus fort phénomène récent a abouti à une anomalie nationale de +0.5°C, inférieure à celles des deux années La Niña qui ont suivi (+0.8°C en 2017 et +1.3°C en 2019).
Nous pouvons même remarquer une année 2013 plutôt fraîche (-0.7°C) sous un épisode El Niño. Et encore plus récent, l'année 2022 ayant été la plus chaude jamais mesurée en France (+1.9°C) l'a été ... sous La Niña !
Anomalies thermiques en France métropolitaine depuis 1980 et correspondance avec les phases El Niño-La Niña - Météo-Villes
Du côté pluviométrique, le constat semble similaire, avec des anomalies ne semblant pas en concordance avec le phénomène. Si nous avons observé des années plutôt sèches sous El Niño (anomalie de -16% en 2003, -22% en 2005, -16% en 2015), ceci s'est aussi présenté en phase La Niña (-16% en 2011, ou -17% l'an dernier).
Inversement, des années plus humides que la normale ont aussi été constatées à la fois en période La Niña (+16% en 1999, +15% en 2000) et El Niño (+13% en 1987, +7% en 1992). Lors du récent et historique phénomène El Niño de l'année 2016, nous avions par ailleurs bouclé cette année sur une pluviométrie quasi-conforme à la moyenne 1987-2022 (+1%).
Anomalies pluviométriques en France métropolitaine depuis 1985 et correspondance avec les phases El Niño-La Niña - Météo-Villes
Pour la France, aucune réelle conséquence imputable aux phénomènes El Niño et La Niña n'a pu être prouvé sur la France (et plus globalement sur le continent Européen). Vers plus de canicule et de sécheresse, ou bien plus de fraîcheur et d'humidité, l'arrivée du phénomène El Niño ne permettra en aucun cas de dégager une tendance sur nos contrées.
Un constat malheureusement différent au niveau mondial, où il faudra s'attendre à une potentielle hausse des températures voire à de nouveaux records !