Douceur en Europe et en Amérique du Nord : une situation exceptionnelle ?

Cette année, les fêtes de Noël ont été douces en Europe mais aussi dans le nord de l'Amérique. De nos jours, il n'est plus rare de voir les deux continents surchauffer en pleine saison hivernale.

 

L'effet de vases communicants entre Amérique et Europe

Même si cela n'est pas vrai dans toutes les situations, les coulées d'air polaire qui se produisent sur le nord de l'Amérique augmentent les probabilités de temps doux en Europe. L'explication est assez simple : lorsque l'air glacial finit par atteindre la côte est des États-Unis, sa rencontre avec les eaux douces de l'Atlantique favorise la formation et le creusement de dépressions très actives au dessus de l'océan. Celles-ci circulent alors en direction du nord de l'Europe, positionnant notre continent en flux océanique. Dans certaines de ces situations, la douceur peut s'installer de l'Espagne jusqu'à l'ouest de la Russie.

Schéma montrant l'effet de "répercutions indirectes" entre froid américain et douceur européenne - Météo Villes

 

 

Il existe de nombreux exemples de mois très hivernaux sur le nord de l'Amérique et doux sur l'Europe. La carte ci-dessous - qui représente les anomalies thermiques du mois de janvier 1994 - est un véritable cas d'école. Tout le nord et l'est du continent nord-américain subissaient un froid très marqué tandis que l'Europe baignait dans la douceur, apportée par des dépressions très actives sur l'Atlantique et notamment entre l'Islande et les Îles Britanniques (boostées par l'air froid arrivant sur le nord-ouest de l'océan).

Anomalies thermiques sur l'hémisphère nord lors du mois de janvier 1994 - carte climatereanalyzer.org

 

 

Un effet dans les deux sens

Même s'il n'y a pas toujours de lien direct, les cas passés où Europe et Amérique s'opposaient météorologiquement sont nombreux. Lorsque l'air est moins froid qu'en temps normal sur le nord-est de l'Amérique, les dépressions atlantiques sont moins alimentées et des blocages anticycloniques peuvent alors se mettre en place entre Islande et Scandinavie, entraînant un flux continental froid sur l'Europe. C'est exactement ce qu'il s'était passé durant le mois de janvier 2010 qui fut froid et neigeux sur une grande partie de l'Europe tandis qu'une vaste anomalie douce englobait tout le Canada et le Groenland.

Anomalies thermiques sur l'hémisphère nord lors du mois de janvier 2010 - carte climatereanalyzer.org

 

 

C'est exactement le même schéma que l'on retrouve lors du mois de janvier 1987, véritablement glacial en France et sur la quasi-totalité du continent européen. Là encore, on observait une anomalie chaude conséquente sur le nord du continent américain, englobant quasiment tout le Canada mais aussi le Groenland. On retrouve la même répartition en janvier 1985 ou en janvier 1979, réputés pour leur froid mordant en Europe mais pour une météo plus douce que la normale au Canada.

Anomalies thermiques sur l'hémisphère nord lors du mois de janvier 1987 - carte climatereanalyzer.org

 

 

Le réchauffement répand ses anomalies douces

Non seulement cet effet de vases communicants n'était pas systématique, mais il est désormais fortement mis à mal par le réchauffement climatique. Les masses d'air chaud sont de plus en plus vastes, au contraire des masses d'air froid. Il n'est donc plus rare d'observer de fortes anomalies douces à la fois sur l'Europe et le nord de l'Amérique en plein hiver. Ce fut par exemple le cas lors du mois de janvier 2020 où l'intégralité du continent eurasiatique avait connu une surchauffe historique. De l'autre côté de l'Atlantique, toute la partie est des États-Unis et du Canada surchauffaient aussi... D'ailleurs, la carte montre à quel point les anomalies froides étaient discrètes dans l'hémisphère.

Anomalies thermiques sur l'hémisphère nord lors du mois de janvier 2020 - carte climatereanalyzer.org

 

 

Ce Noël 2023 a parfaitement illustré cette multiplication des anomalies chaudes de part et d'autre de l'Atlantique. L'Europe a vécu un nouveau Noël au balcon avec des températures sensiblement supérieures aux normales, notamment dans sa partie ouest mais aussi sur une grande partie de la Russie, mais la situation fut bien plus exceptionnelle en Amérique du Nord. Dans la partie est des États-Unis et du Canada, le thermomètre affichait des niveaux parfois 15 à 20°C au dessus des normales de saison ! Dans la province canadienne de l'Ontario, on a relevé des températures de +6°C pour Noël, alors qu'il y fait plutôt -10 à -15°C en moyenne... De quoi surprendre les locaux.

Anomalies thermiques sur l'hémisphère nord pour le Réveillon de Noël 2023 - carte climatereanalyzer.org

 

 

Si l'étendue de la neige au sol est actuellement inférieure à la normale sur le continent eurasiatique, le déficit est nettement plus remarquable de l'autre côté de l'Atlantique. La carte de gauche montre les zones enneigées lors du Réveillon de Noël 2023. On constate une étendue très pauvre sur les États-Unis et même plusieurs zones du Canada sans neige, notamment entre l'Alberta et le Saskatchewan, ce qui est très inhabituel lors des fêtes de Noël. Il suffit de comparer avec la situation de Noël 2022 pour se rendre compte de l'ampleur du déficit de neige observé cette année...

Étendue de la neige au sol en Amérique du Nord lors des Réveillons de Noël 2023 et 2022 - cartes NOAA

 

Dans un climat de plus en plus chaud, mêmes les régions habituellement froides et enneigées lors de la saison hivernale peuvent se retrouver avec des températures anormalement élevées et des sols plus verts que blancs. On constate que les anomalies chaudes n'ont plus de difficulté à se produire en même temps dans plusieurs zones du globe et que le principe de vases communicants entre Amérique du Nord et Europe est fortement mis à mal...