Printemps 2020 : ensoleillement record et sécheresse au nord
mercredi 27 mai 2020Pour la première fois en 70 ans de mesures, c'est une ville du nord de la France qui détient le taux d'ensoleillement le plus élevé au cours d'une saison entière ! La sécheresse de surface est également problématique dans plusieurs régions.
Une première en 70 ans de mesures !
S'il arrive parfois que le nord de la France devance le sud en terme d'ensoleillement sur un mois, jamais une ville du nord n'avait compté plus d'heures de soleil que celles du sud durant l'ensemble d'une saison météorologique !
Nombre d'heures d'ensoleillement en France du 1er mars au 24 mai 2020 - via Météo France
La carte ci-dessus montre la durée totale d'ensoleillement depuis le début du printemps météorologique (données arrêtées au 24 mai). Comme souvent, on observe des valeurs élevées entre PACA et la Corse mais - bien plus surprenant - les régions du nord-est rivalisent et certains secteurs s'étendant du Pas-de-Calais à l'Alsace font même mieux ! Sur ces zones, on atteignait déjà 650 à 700h de soleil au 24 mai, et on dépassera localement les 750h voire les 800h d'ici la fin du mois !
Si certaines stations méditerranéennes du sud-est dépassent les normales saisonnières d'ensoleillement, les excédents à la normale sont sensiblement plus importants sur le nord et le nord-est de la France, d'ordinaire habitués à se faire distancer par la Méditerranée. Près des frontières du nord, l'excédent sur l'ensemble de la saison atteint parfois +40 à +50%, des niveaux records !
Top 3 des villes les plus ensoleillées en France durant le printemps 2020 - via Guillaume Woznica / LCI
S'il est normal de retrouver l'Île du Levant (Var) et son climat méditerranéen sur le podium des villes les plus ensoleillées de France durant ce printemps météo 2020, il est exceptionnel et même inédit que cette station soit devancée par l'Alsace et le Pas-de-Calais ! Et pourtant, Colmar et ses 722h de soleil (du 1er mars au 25 mai) se hisse sur la deuxième marche du podium, juste derrière Le Touquet et ses 729h d'ensoleillement ! Avec un soleil encore omniprésent prévu jusqu'au 31 mai, Le Touquet pourrait bien atteindre la barre des 800 heures de soleil !
700 à 800 heures de soleil au cours du printemps météorologique dans des villes du nord de la France, c'est inédit ! Seulement, il ne s'agit pas seulement d'un record pour ces villes. Que ce soit au printemps ou pour d'autres saisons, on n'avait jamais vu une ville du nord dépasser les villes au climat méditerranéen sur une saison entière ! Il s'agit d'une première en 70 ans de mesures des taux d'ensoleillement !
Indice d'humidité des sols en France au 18 mai 2020 - via Météo France
Qui dit blocage anticyclonique et ensoleillement record dit inévitablement sécheresse ! En cette fin du mois de mai, les sols sont très secs sur le nord et l'est de la France. Cette tendance est particulièrement vraie des Hauts-de-France au Grand-Est et jusqu'au Lyonnais. La carte ci-dessus montrait la situation au 18 mai dernier. La sécheresse s'est quelque peu accentuée depuis, en lien avec un enchaînement de jours secs et ensoleillés.
Comment expliquer ce printemps atypique ?
Pour comprendre d'où vient cet ensoleillement record sur les régions du nord, il faut se pencher sur la circulation générale et les pressions au cours de ce printemps 2020.
Pression moyenne au niveau de la mer du 16 mars au 15 mai 2020 - via NOAA / François Jobard
Lorsqu'arrive le printemps, il est assez courant de voir les hautes pressions remonter en direction du nord de l'Europe. Les dépressions circulent alors plus au sud, glissant vers la péninsule ibérique et le bassin méditerranéen. Ainsi, l'anticyclone protège davantage le nord de la France que sa partie sud. Ces situations durent parfois plusieurs semaines mais rarement plusieurs mois de suite, comme c'est le cas en ce printemps 2020.
C'est véritablement la durée de cette situation qui frappe avec une pression moyenne - depuis la mi-mars - de 1020 hPa des Îles Britanniques au nord de l'Allemagne en passant par la Mer du Nord. Une telle moyenne sur une période aussi longue est remarquable ! La carte ci-dessus illustre bien la baisse des pressions à mesure que l'on se dirige vers le sud de la France et l'Espagne, où l'instabilité a été nettement plus fréquente que dans le nord de l'hexagone.
Anomalie du vent zonal (circulant d'ouest en est) du 16 mars au 15 mai 2020 - via NOAA / François Jobard
Qui dit anticyclone vissé sur les Îles Britanniques et la Mer du Nord dit quasi-disparition de la circulation zonale (le traditionnel flux d'ouest). La carte ci-dessus illustre parfaitement l'absence quasi-totalité des vents d'ouest sur toute la partie occidentale du continent européen. Très rares sont les situations où les vents zonaux sont aussi peu présents sur une aussi longue période !
Direction des vents à Paris durant les mois d'avril et mai 2020 - via Infoclimat
Conséquence directe de l'absence des vents d'ouest et du positionnement des hautes pressions au nord de notre pays, c'est un flux continental de secteur nord-est qui domine outrageusement les débats depuis la mi-mars ! Les roses des vents ci-dessus valables pour Paris lors des mois d'avril et de mai font ressortir cette omniprésence exceptionnelle du flux de nord-est - un constat valable pour une large moitié nord de la France.
Par définition, le vent de nord-est en France est un vent continental qui contribue à assécher la masse d'air. En fonction de la saison et des masses d'air, il peut prendre l'appellation de bise (vent froid désagréable) - un vent qui a régulièrement soufflé sur la moitié nord de la France durant toute la période du confinement, favorisant le soleil.
Image satellite du nord de la France le 17 mai 2020 mettant en évidence l'effet de brise - via NASA
Si ce printemps très ensoleillé sur le nord de la France est en grande partie lié à la position récurrente de l'anticyclone sur le nord de l'Europe, certains facteurs locaux ont également permis de bonifier les taux d'ensoleillement de certaines régions.
Les configurations anticycloniques sont souvent propices à l'observation d'un effet de brise sur les littoraux de la Manche, chassant les nuages dans les terres et permettant ainsi au littoral de profiter d'un ciel limpide et d'un ensoleillement maximal. Ces effets de brise ne sont pas totalement étrangers au fait que Le Touquet détienne le taux d'ensoleillement le plus élevé du pays en ce printemps 2020.