Succession de tempêtes : pourquoi une telle agitation ?
samedi 4 février 2017
Après une longue période marquée par des conditions globalement calmes et anticycloniques depuis le mois de décembre (>>), ce début Février marque un changement radical de temps. Un retour de conditions particulièrement agitées, et une succession assez inhabituelle de dépressions tempétueuses sur notre pays. Mais pourquoi une si soudaine agitation ? Pour quelle raison toutes ces dépressions se transforment-elles en tempêtes ?
La raison est assez simple, et les regards se tournent alors vers l'Atlantique. La formation d'une tempête dépend de conditions strictes en altitude, et notamment de la présence d'un puissant courant atmosphérique appelé le «courant-jet» (ou parfois «jet stream» dans sa traduction anglophone). Ce courant-jet prend la forme d'un couloir de vent particulièrement fort d'Ouest en Est, courbé par les effets de la rotation de la terre (force dite de "Coriolis"). De quelques kilomètres d'épaisseur pour plusieurs milliers de kilomètres de longueur, ce courant se situe généralement entre 8 et 15km d'altitude, proche du sommet de la troposphère (la troposphère étant la couche de l'atmosphère la plus proche du sol).
Le courant-jet sur nos moyennes latitudes s'explique par les contrastes thermiques existants entre l'air froid près des pôles et l'air chaud près des tropiques. Plus le conflit de température entre ces deux masses d'air est importante, plus la vitesse des vents dans cette circulation atmosphérique se montre virulente.
Quid de nos dépressions ? Pour qu'une dépression se forme, cette rencontre entre l'air chaud tropical et l'air froid polaire doit être effective. L'air froid a tendance à descendre en direction de l'équateur, mais à l'inverse, l'air chaud se dirige en direction du pôle.
Or, l'air chaud est bien plus léger que l'air froid et a donc tendance à s'élever en altitude. La pression atmosphérique mesurée par nos baromètres correspond au poids de la colonne d'air située au dessus de nos têtes : puisque cet air chaud s'élève, le poids de la colonne d'air à tendance à diminuer, et donc la pression atmosphérique s’abaisse, synonyme de la création d'une dépression. L’élévation de cet air chaud va provoquer la création d'un creux, dans lequel l'air froid va finir par s'engouffrer.
Schéma de l'intrusion de l'air froid au sein d'un creux dépressionnaire
Lorsque ces dépressions se confrontent au courant-jet, celles-ci ont tendance à se creuser de façon assez brutale. Elles atteignent généralement leur paroxysme lorsque le cœur de la dépression circule près de l'extrémité du courant-jet. Dans la situation actuelle, cette circulation atmosphérique débouche directement sur notre pays. Résultat, la plupart des dépressions se creusant en limite du courant atmosphérique se retrouvent en quelques sortes propulsées sur nos terres, occasionnant un temps particulièrement agité. Le Jet-Stream est alors souvent qualifié par les météorologues de « rail dépressionnaire ». De plus, le creusement dépressionnaire et la puissance de la tempête seront proportionnelles à la puissance des vents observés au sein du Jet-Stream.
Lors de cette fin de semaine, les vents ont dépassés les 200km/h au cœur du courant atmosphérique à l'altitude 300hPa (=9200m), des vents suffisamment violents pour voir s'y gréefer plusieurs dépressions évoluant en tempête (Kurt ce vendredi, Leiv ce samedi et Marcel ce dimanche).
Modélisation du courant-jet au niveau de la tropopause (300hPa) - 3 février 2017 - Infoclimat
Analyse synoptique du vendredi 3 février 2017 - Infoclimat
Une situation qui pourrait sensiblement rappeler les tempêtes de décembre 1999, toutes proportions gardées. En effet, Lothar et Martin se sont créés en limite du courant-jet, mais où les vents de ce courant ont atteint des vitesses exceptionnelles supérieures à 400km/h.