Une sécheresse 2022 exceptionnelle ? Retour sur les événements du passé
mardi 2 août 2022
Nous vivons une sécheresse particulièrement importante en cette année 2022. Nous vous proposons une mise en perspective avec les plus grandes sécheresses que le pays ait connu depuis le siècle dernier.
Une multiplication des sécheresses
En France, l'occurrence des sécheresses a sensiblement augmenté depuis la fin des années 1980. La sécheresse la plus marquante de l'ère moderne reste cependant celle de l'année 1976, restée ancrée dans la mémoire collective. La sécheresse durable des années 1989 et 1990 a atteint une intensité presque aussi importante. Au XXème siècle, la sécheresse de 2003 avait marqué les esprits. Plus récemment, la sécheresse du printemps 2011 avait atteint une ampleur exceptionnelle. On peut ajouter à cette liste les récentes sécheresses de 2019, 2020 et donc 2022.
Ampleur des sécheresses en France par an de 1959 à 2018 - via Météo France
Sécheresse de 2022
La sécheresse que nous subissons depuis le début de cette année 2022 atteint des proportions exceptionnelles. Sur la carte ci-dessous, on constate que la totalité de la France enregistre un déficit pluviométrique sur les 7 premiers mois de l'année. Ce dernier est souvent supérieur à 30%, atteignant même 53% à Rouen ! C'est au sud-est que les déficits sont les plus marqués, atteignant 62% à Montélimar, 65% à Nice et même 73% à Marseille-Marignane où il n'est tombé que 64 mm de pluie durant les sept derniers mois !
Cumuls de pluie de janvier à juillet et rapport à la normale sur 7 mois - Météo Villes
Dans certaines régions du sud-est, les 7 premiers mois de l'année ont été les plus secs jamais observés, témoignant de l'ampleur remarquable de ce déficit pluviométrique. C'est par exemple le cas à Avignon dans le Vaucluse, qui dispose de relevés sur plus de 150 ans ! Sur la période 1871-2021, il n'était jamais tombé moins de 139 mm sur les 7 premiers mois de l'année (en 1897). Ce record sec a été pulvérisé en 2022 avec à peine 93 mm en sept mois !
Cumuls de pluie sur 7 mois de janvier à juillet à Avignon (84) - via CRIIAM Sud
En conséquence, 100% des départements de France métropolitaine ont pris des arrêtés de restrictions de l'usage de l'eau en ce début août 2022 ! Paris et la petite couronne - derniers départements épargnés - vont venir compléter la liste dans les prochaines heures. La niveau de "crise" (niveau maximal) a été activé dans de nombreux départements allant du sud-ouest jusqu'au nord-ouest de la France. Sur toutes ces zones (en rouge sur la carte ci-dessous), même les prélèvements d'eau à des fins agricoles sont interdits.
Carte des arrêtés de restrictions d'eau en France au 1er août 2022 - via Propluvia
Les conséquences néfastes de ce manque d'eau durables se font sentir un peu partout en France. Dans de nombreuses régions, les feuilles des arbres jaunissent et tombent déjà à cause du cruel manque d'eau. Pour les cultivateurs, les rendements sont à la baisse. Presque tous les jours depuis plusieurs semaines, des départs de feu sont constatés. Les plus gros brasiers ont touché la Gironde et les départements méditerranéens. Plus de 46.000 hectares ont déjà été détruits par le feu en France en 2022, un chiffre remarquable...
L'incendie de Landiras (Gironde) traversant les routes le 17 juillet 2022 - photo SDIS33
Sécheresse de 2020
La sécheresse que nous subissons en cette année 2022 possède quelques similitudes avec celle observée au cours de l'année 2020. Il y a deux ans, le manque de pluie était apparu en même temps que l'épidémie du coronavirus. Dès le début du printemps, un blocage anticyclonique s'installe et permet à un temps sec et ensoleillé de s'installer durant plusieurs semaines. Le printemps 2020 fut d'ailleurs le plus ensoleillé jamais observé en France et le deuxième le plus chaud ! Dès le mois d'avril, la sécheresse fait la une partout en France.
Indice d'humidité des sols en France au 19 avril 2020 - via Météo France
Si quelques vagues orageuses surviennent durant les mois de mai et de juin, le mois de juillet 2020 se montre exceptionnellement sec. Les conditions anticycloniques s'installent pendant la quasi-totalité du mois avec beaucoup de soleil, une chaleur parfois caniculaire et un manque d'eau record : juillet 2020 enregistre un déficit pluviométrique de 77% et devient le mois de juillet le plus sec en France (il sera détrôné par juillet 2022) !
Rapport à la normale des précipitations en juillet 2020 - Météo Villes
Après ce mois de juillet 2020 historiquement sec, une canicule importante survient au début du mois d'août 2020 et la sécheresse ne fait que s'aggraver un peu partout en France. Mi-août, une grande partie de la France est soumise à des arrêtés de restrictions d'eau. La sécheresse reste problématique en septembre avec une nouvelle vague de chaleur record au milieu du mois puis la situation s'arrange à l'arrivée de l'automne calendaire. Octobre 2020 fut bénéfique car plus humide et nettement plus frais.
Carte des arrêtés de restrictions d'eau en France au 14 août 2020 - via Propluvia
Sécheresse de 2011
La sécheresse de 2011 est l'une des plus marquantes du XXIème siècle. Comme l'illustre le graphique ci-dessous, la France avait connu un premier semestre 2011 remarquablement sec avec des déficits pluviométriques très importants de janvier à mai avant un été un peu plus orageux puis le retour d'anomalies sèches particulièrement importantes à l'automne. Cette sécheresse était intervenue très tôt dans la saison.
Anomalies pluviométriques mensuelles en France en 2011 - Chronique Météo Villes
Cette première partie d'année 2011 remarquablement sèche fut également dominée par un temps très ensoleillé et des températures anormalement élevées, en particulier durant le mois d'avril 2011 qui fut un véritable ovni climatique ! Avec une anomalie thermique de près de 4°C à échelle nationale, ce mois fut véritablement estival avec une succession de journées de plein soleil et de chaleur, faisant tomber de nombreux records et apportant une sécheresse précoce d'ampleur remarquable !
Paris sous 27°C le 10 avril 2011 et sécheresse précoce en France - Chronique Météo Villes
Durant cette année 2011, Paris ne reçoit que 97 mm de pluie en l'espace de 5 mois entre janvier et mai ! L'été orageux permettra de combler une partie du retard mais la capitale ne finira l'année qu'avec un cumul de 504 mm, soit 21% de déficit annuel.
Sécheresse de 2003
2003 a également marqué les esprits, notamment en raison de la canicule hautement meurtrière survenue au cours du mois d'août. Si l'on retient notamment la chaleur, la sécheresse avait également fait la une et posé de gros problèmes en France durant les trois quarts de l'année. Le déficit pluviométrique apparaît surtout dès le mois de février puis s'accentue au cours d'un mois de mars très sec. S'en suivront six mois consécutifs avec un déficit proche de 25% d'avril à septembre 2003, permettant à la sécheresse de s'installer et s'accentuer dans la durée.
Anomalies pluviométriques mensuelles en France en 2003 - Chronique Météo Villes
La sécheresse de 2003 avait débuté très tôt dès la fin de l'hiver. Entre février et mai, les déficits pluviométriques sur quatre mois étaient souvent compris entre 25 et 50%, dépassant localement les 50% vers la vallée du Rhône et la Corse où la sécheresse de 2003 fut parfois comparable à la grande sécheresse de 1976 !
Écart pluviométrique à la normale en France entre février et mai 2003 - Chronique Météo Villes
Il faudra attendre l'automne 2003 pour assister à une amélioration avec le retour de précipitations plus conséquentes. La pluviométrie des mois d'octobre, novembre et décembre 2003 fut proche des normales de saison, permettant de réduire lentement mais sûrement les conséquences de la sécheresse (de manière plus tardive dans le nord du pays).
Indice d'humidité des sols en France de janvier à décembre 2003 - via Météo France
Sécheresse de 1989-1990
La sécheresse des années 1989 et 1990 est sans doute l'une des plus longues répertoriées ! En effet, l'anomalie sèche avait perduré tout au long de l'année 1989, à l'exception du mois d'avril qui fut très arrosé. De mai à novembre 1989, le déficit pluviométrique est proche de 50% sur une période de 7 mois ! L'année 1990 est un peu plus fluctuante mais l'imposant manque de pluie ne parvient pas à être rattrapé. Le mois de mars 1990 est historiquement sec et le trio juillet-août-septembre 1990 enregistre un déficit proche de 50%.
Anomalies pluviométriques mensuelles en France en 1989 et 1990 - Chronique Météo Villes
En terme d'indice d'humidité des sols, la sécheresse de 1989-1990 fut qualifiée comme l'une des plus sévères jamais observées en France. C'est sur une large moitié sud-ouest de la France que la situation fut la plus critique avec d'importantes mesures de restrictions d'eau s'étalant sur plus d'un an. 70 départements français ont été touchés.
Niveau très bas des barrages et inquiétude face à la sécheresse à l'été 1989 - Chronique Météo Villes
Sécheresse de 1976
C'est l'année à laquelle la plupart des gens pensent lorsqu'on parle de sécheresse de référence. La grande sécheresse de 1976 a marqué les esprits de toute une génération. Le déficit pluviométrique avait débuté dès la fin de l'année 1975 avec une recharge automnale trop limitée. S'en est suivi un premier semestre 1976 remarquablement sec en France avec un déficit historique au mois de juin 1976. Juillet fut marqué par quelques orages mais août fut de nouveau trop sec. La situation ne s'est améliorée qu'à l'automne avec le retour de véritables perturbations.
Anomalies pluviométriques mensuelles en France en 1976 - Chronique Météo Villes
Les conséquences de la sécheresse de 1976 furent majeures dans de nombreuses régions françaises. Le débit de nombreux cours d'eau est devenu historiquement bas, forçant à d'importantes limitations de l'usage de l'eau. D'ailleurs, l'eau a été coupée dans certaines régions, forçant la mise en place de distributions d'eau aux habitants. Notons cependant que la gestion de l'eau a été considérablement améliorée après cette grande sécheresse. L'agriculture a grandement souffert de ce manque d'eau avec des rendements très diminués durant cette année 1976.
Conséquences dramatiques de la sécheresse à l'été 1976 - Chronique Météo Villes
Sécheresse de 1921
Parmi les plus grandes sécheresses répertoriées dans l'histoire de France, celle de 1921 fut véritablement remarquable. Celle-ci avait duré durant l'ensemble de l'année avec des déficits pluviométriques remarquables de janvier à avril puis au cours des mois de juin et de juillet ainsi que durant l'ensemble de l'automne ! Dans certaines régions françaises, il n'est même pas tombé la moitié des pluies annuelles classiques !
Anomalies pluviométriques mensuelles en France en 1921 - Chronique Météo Villes
La région parisienne fut l'une des plus concernées par cette sécheresse historique. Durant l'ensemble de l'année 1921, il n'était tombé que 267 mm de pluie sur la capitale, soit un déficit annuel record de 58% ! Une telle anomalie sèche sur une année entière ne s'est plus reproduite au cours des 100 années suivantes. Même en cette année 2022 anormalement calme et sèche, le cumul des sept premiers mois de l'année à Paris a déjà dépassé celui de toute l'année 1921 (273 mm de janvier à juillet 2022).
Anomalies pluviométriques annuelles à Paris de 1874 à 2020 - via Météo France
Les conséquences de cette sécheresse furent dramatiques, notamment pour l'agriculture. De nombreux incendies s'étaient déclenchés en France, concernant aussi les régions du nord. En Île-de-France, d'importants brasiers avaient notamment touché la forêt de Fontainebleau au cours de l'été 1921 !
Incendies dans la forêt de Fontainebleau au cours de l'été 1921 - Chronique Météo Villes
Les sécheresses listées ci-dessus font partie d'une liste non-exhaustive, même s'il s'agit des plus marquantes. D'autres sécheresses notables ont concerné la France au siècle dernier (1945-1946, 1959, 1997) ou au siècle actuel (2005, 2019)... N'hésitez pas à consulter notre chronique pour vous plonger dans les événements marquants du passé.