L’hiver 1940/1941 : Concours de ski à St Cloud
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Décidément, le hasard fait très mal les choses puisque le deuxième hiver de guerre est également très froid. Les conséquences ne sont évidemment pas les mêmes qu’en temps normal (d’autant que la moitié de la France est cette fois-ci occupée). Le journal l’Illustration résume bien la situation : « En d’autres temps cette période de froid eût été la bienvenue. Salutaire pour la germination des blés, en même temps qu’elle eût satisfait le paysan elle eût réjoui l’amateur de sports d’hiver. Aujourd’hui, les pensées sont autres et le froid est synonyme de douleur pour ceux qu’à frappés l’exil, pour les foyers sans combustibles, ce froid qu’éprouve si durement les tout-petits et les très âgés ! ». De nombreux journaux signalent que dans les campagnes, il faut souvent casser la glace afin que les bestiaux puissent s’abreuver alors que dans les villes, les problèmes de rationnement de charbon et des aliments se font de plus en plus présents. Le marché noir se multiplie car les tickets de rationnement ne couvrent pas les besoins physiologiques minima.
Cette vague de froid s’étend du 13 décembre 1940 au 18 janvier 1941. Les températures sont particulièrement basses sur la moitié Sud avec –20° à Clermont-Ferrand, -19° à Lyon et Vichy, -11° à Toulouse ainsi qu’à Marseille qui, à la fin du mois de décembre 1940, connaît des chutes de neige comparables à celles de janvier 2009. La cité Fosséenne reste recouverte durant 6 jours, au terme desquels un épisode de pluies verglaçantes se produit (ce qui est très rare à Marseille). Le service de tramways est tout de même assuré normalement, car grâce à de gros efforts, les rails d’aiguillage sont en débloqués au chalumeau. A Avignon, la pluie verglaçante est suivie d’un violent mistral qui précipite littéralement les gens sur la glace ! Une autre tempête de neige paralyse toutes les régions le 1er janvier avec une quinzaine de centimètres de neige à Toulouse et Paris, et jusqu’à 40 cm à Moulins et Vichy. En moyenne vallée du Rhône, le mistral qui souffle avec une telle violence qu’il provoque la formation de congère atteignant la hauteur des fenêtres du premier étage des maisons !
Cette neige tient au sol jusqu’aux environs du 20 janvier, et en région parisienne, les pentes de la forêt de St-Cloud se transforment en une station de sports d’hiver, comme c’était déjà le cas en mars 1909 (un moyen comme un autre de faire oublier les douleurs de la guerre…). Tous les jours, des centaines de skieurs empruntent la ligne de métro n°9 les menant à Pont de Sèvres. Bon nombre d’habitants de St-Cloud sont d’ailleurs assez méprisants face à cette mode qu’ils trouvent déplacée, vu le contexte : « Ces gens sont fous. Non contents de geler chez eux, ils ont encore l’audace d’aller se mouiller les pieds dans la neige. Quelle époque ! ». Des courses sont ainsi organisées par le ski-club de Paris, à défaut des vastes espaces alpins, et Baptiste-Cauderlier (de l’école de Haute Montagne) remporte la Course-Relais. L’endroit n’étant pas très approprié à ce genre d’exercice, les chutes sont très nombreuses et lorsqu’elles surviennent, le petit jeu consiste à tâter le sol avec le derrière en levant les jambes en l’air… La pratique du ski en plaine n’étant pas l’exclusivité de Paris, il n’est pas rare de voir des employés de l’administration Française désormais installée à Vichy se rendre à leur travail par ce moyen de locomotion. -
Les 2 et 3 février 1941, une exceptionnelle tempête de neige collante provoque d’importantes coupures d’électricité dans tout le Nord-ouest du pays, notamment en région parisienne. Cette neige très lourde forme des cylindres de glace de 5cm sur les files électriques, et la couche au sol atteint 15 à 25cm en Ile-de-France. Pour 7,60 F de l’heure, 5000 ouvriers et 2000 chômeurs essaient tant bien que mal de dégager les rues de Paris avec les moyens du bord, mais la neige tassée tient bon, et les équipes brise-glace munies d’ustensiles dignes de la préhistoire progressent lentement. A ce rythme, il aurait fallu 16 jours pour nettoyer l’ensemble de la capitale ! Heureusement qu’un redoux se produit quelques jours plus tard. Il faut signaler que depuis l’occupation Allemande, la circulation est réglementée dans la capitale et les automobiles sont beaucoup plus rares qu’avant (d’autant qu’il y a pénurie de carburant). Les voies de circulation restent donc plus facilement gelées, et comme les déplacements se font souvent à vélo ou à motocyclette, les conditions météo aggravent sensiblement les difficultés de la vie quotidienne. L’électricité se fait également plus rare, et en ces temps de consommation accrue, les coupures sont fréquentes.
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