Incendies en Amazonie, une catastrophe écologique mondiale en devenir
vendredi 23 août 2019Présentation de l'Amazonie
Vue aérienne de l'Amazonie - WWF France
L'Amazonie est la deuxième plus grande forêt du monde après la forêt Boréale, couvrant environ 5 500 000km² (soit près de 10 fois la surface de la France métropolitaine. Cependant, en raison de de sa situation dans une zone au climat très propice à la vie (climat équatorial, chaud et humide), elle abrite 50 à 70% de la biodiversité mondiale.
Délimitations de la forêt amazonienne contenue à hauteur de 60% par le Brésil
Une pression anthropique très importante
En proie à une déforestation massive, cette forêt a déjà perdu 18% de sa superficie depuis 1970. En effet, le Brésil est un pays en plein développement possédant une croissance démographique très importante nécessitant un développement économique fort et une indépendance alimentaire. En raison de son climat favorable, le pays mise surtout sur son potentiel agricole et ses ressources de bois pour son commerce.
Le problème étant que les sols sont très pauvres (contrairement à ce que l'on pourrait attendre d'une telle entité), et seuls les anthrosols (sols modifiés par l'homme par le brûlis par exemple) peuvent être propices à l'agriculture.
La situation politico-sociale instable du pays et son immensité font que les conditions sont réunies pour que les activités illégales prolifèrent comme le pillage de la forêt pour les bois précieux, l'orpaillage au mercure ou la déforestation agricole rendant toute tentative des autorités échouées d'avance pour contenir le désastre.
Déforestation sauvage dans l'Etat de Rondônia dans l'Ouest du Brésil entre 2000 et 2012 - earthobservatory.nasa
De nouveaux records de déforestations atteints en 2019
Le mois de juillet a établi un nouveau record de la déforestation la plus importante jamais enregistré en Amazonie. Durant ce seul mois de juillet, la surface arborée de l'Amazonie a diminué de 1 345km² (soit environ 13 fois Paris) comme l'a reporté The Guardian dans son billet "Amazon deforestation accelerating towards unrecoverable 'tipping point'"
Incendies et fumées observées durant les dernières 24h. Source infographie> Le Monde
Cette forte augmentation du nombre d'incendies durant ces dernières semaines n'est pas temporaire puisqu'entre les seules journées du 13 au 21 août 2019, 151 824 départs de feu ont été détectés au Brésil selon le Global Forest Watch.
Nombre d'alertes incendies par provinces du 13 au 21 août 2019 - Global Forest Watch. Les provinces amazoniennes ressortent clairement sur cette carte.
Les incendies prennent une tournure politique inédite
Contrairement aux feux de 2016 et surtout de 2016 qui furent d'intensité comparable, le Monde a pris conscience du désastre probablement ce lundi 19 août 2019 quand Sao Paulo, une ville de 12,18 millions d'habitants, s'est subitement retrouvée dans le noir quasi complet en pleine journée en raison d'un incendie ravageant la forêt à 2700km de la ville!
Sao Paulo le lundi 19 août 2019 en milieu d'après-midi. Image> CNews
Sao Paulo le lundi 19 août 2019 en milieu d'après-midi. Image> 7sur7.be
Le président brésilien, Jair Bolsarano, est sous le feu des critiques mondiales après avoir déclaré sous ce "bad buzz" que les organisations écologistes et l'ex-ministre de l'écologie brésiliennes étaient responsables de ces incendies. En effet, des ONG se sont vues bloquer leurs subsentions de la part du gouvernement central à Brasilia.
Lors d'une conférence de presse, Jair Bolsarano a répondu selon ces mots "Il pourrait s'agir, oui, il pourrait, mais je ne l'affirme pas, d'actions criminelles de ces ONGéistes pour attirer l'attention contre ma personne, contre le gouvernement brésilien. C'est la guerre à laquelle nous sommes confrontés"
De son côté, la présidence française prends aujourd'hui même des mesures afin de contrer les actions de destruction de l'environnement par le gouvernement brésilien en suspendant toutes les négociations sur le traité Mercosur.
Réaction sur le réseau social Twitter à l'annonce du Président de la République
"Compte tenu de l’attitude du Brésil ces dernières semaines, le Président de la République ne peut que constater que le président Bolsonaro lui a menti lors du sommet d'Osaka (G20) , le président Bolsonaro a décidé de ne pas respecter ses engagements climatiques ni de s’engager en matière de biodiversité ". " Dans ces conditions, la France s’oppose à l’accord Mercosur en l’état "
Un risque d'emballement climatique et de perte inestimable de biodiversité pour la région comme la planète entière.
Le risque d'emballement climatique est bien réel à partir de la destruction de 20% de la forêt encore présente actuellement (soit 36% de la superficie initiale contre 18-20% aujourd'hui). En effet, le climat tropical humide est auto-entretenu par le couvert forestier dans ces régions. Située entre un courant froid sur l'Est du continent et des déserts sur l'Ouest, la forêt fonctionne comme un "jardin en bouteille". L'humidité qui alimente les pluies vient majoritairement de l'évapotranspiration des arbres. Les pluies alimentent les arbres en eau.
Un exemple de "jardin en bouteille" David Latimer a fermé le bouchon de cette bouteille il y a 53ans. L'humidité transpirée par la plante l'alimente en eau.
Supprimer un élément de cette boucle de rétroaction par déforestation revient à enlever de l'eau, ce qui favorise à long terme la sécheresse, les incendies et in fine à une déforestation inéluctable s'emballant naturellement.
Illustration de la boucle de rétroaction qui menace l'Amazonie après perte de 36% de sa surface originelle - le climat et la végétation deviendraient alors similaires à la corne de l'Afrique. (paysage de savane, saison sèche marquée et durable)
Cette boucle de rétroaction libérerait après retour à un état d'équilibre presque tout le carbone retenu par la forêt et nous priverait d'un puits de carbone absorbant 140 milliards de tonnes de CO2 par an, aggravant alors le réchauffement climatique de façon exponentielle et entrainant de nouvelles boucles de rétroaction néfastes au climat comme étudiées dans notre précédent article >>
La perte de cette forêt contenant actuellement 50 à 70% de la biodiversité ferait perdre à la vie l'un de ses principaux atouts de résilience biologique dont les effets ne sont tout simplement pas quantifiables.