Les gouttes froides : pourquoi rendent-elles les prévisions si difficiles ?
lundi 8 juin 2020
Une goutte froide, c’est quoi ?
Une goutte froide ou « cut-off » est définie comme « une dépression fermée s’étant complètement détachée du courant d’Ouest dominant, caractéristique des moyennes latitudes ».
Schéma du mécanisme de formation d'une goutte froide - Via Info Météo
La limite entre l’air polaire et l’air tropical est matérialisée par le courant jet, c’est en bordure de celui-ci que se forment les dépressions, le long d’ondulations plus ou moins importantes.
De temps en temps si l’ondulation est suffisamment marquée, il arrive qu’une masse d’air plus froide soit éjectée de ce courant et s’isole. Une bulle d’air froid vient circuler dans un environnement plus chaud, complètement détachée de la circulation atmosphérique générale : une goutte froide s’est formée.
Animation des géopotentiels à 500 hPa pour cette semaine avec l'isolément d'une goutte froide sur le proche Atlantique - Modèle GFS via WX CHARTS
Sachant que la pression diminue plus rapidement avec l’altitude dans l’air froid que dans l’air chaud, cette masse d’air froide est associée à une zone de basses de pressions. Cette zone dépressionnaire isolée peut s’étaler sur plusieurs centaines de kilomètres et entraîner des changements de temps marqués en une distance relativement faible.
Goutte froide sur l'Espagne le 12 septembre 2019 provoquant un épisode pluvio-orageux marqué alors que le reste de l'Europe se retrouve sous un puissant anticyclone - Image satellite EUMETSAT
Si certaines gouttes froides peuvent passer inaperçues en terme de temps sensible, celles-ci s’accompagnent généralement d’un temps très perturbé avec des épisodes pluvio-orageux parfois marqués.
>> En effet, l’arrivée d’air froid en altitude sur des basses couches plus douces voire chaudes engendre un gradient thermique parfois marqué et donc une augmentation locale de l’instabilité (averses fréquentes, orages parfois forts, fraîcheur, etc,…).
Pourquoi sont-elles si imprévisibles ?
Comme expliqué plus haut, ces « cut-off » sont isolés de la circulation atmopshérique principale, circulant parfois en plein anticyclone.
Leur mouvement est de ce fait très aléatoire, certaines peuvent faire du surplace, d’autres circuler d’Est en Ouest, d’autres encore adopter une trajectoire Nord/Sud. Il arrive également que plusieurs gouttes froides s’influencent entre elles et « s’autoalimentent » pendant plusieurs jours. Celles-ci ont cependant tendance à contourner les hautes-pressions, l’air y étant trop stable, et se diriger vers d’autres zones de basses pressions.
Situation atmopshérique sur l'Atlantique et l'Ouest de l'Europe cette semaie avec l'isolément d'une goutte froide sur le pays - Modèle Arpège via météociel.fr
Il est donc particulièrement difficile d’établir une trajectoire précise plusieurs jours à l’avance et de ce fait appréhender précisément le temps à moyenne échéance sur une zone donnée.
Une autre difficulté réside dans l’aspect convectif des précipitations associées à ce type de dégradation. Celles-ci dépendent en effet de paramètres locaux qui peuvent grandement varier au moindre changement de trajectoire des centres d’actions principaux. Il est donc quasiment impossible de prévoir précisément le temps plusieurs jours à l’avance sur une zone donnée, nous pouvons simplement établir une tendance perturbée.
Différences de cumulus de préciptations pour la journée du Vendredi 12 Juin entre différentes actualisations - Modèle Arpège via WX CHARTS
Pour que ces gouttes froides s’évacuent ou se dissipent, celles-ci devront :
- Etre reprises par le flux principal : Une goutte froide pourra être repris par la circulation d’Ouest si celle-ci s’y connecte à nouveau, elle s’évacuera donc par la suite comme une perturbation classique.
- S’étouffer sur elles-mêmes : Si le cut-off s’isole et ne peut être repris par la circulation atmosphérique, celui-ci va peu à peu se dissiper par dissipation d’énergie. L’activité pluvio-orageuse en son sein relâche en effet d’importantes quantités de chaleur en altitude ce qui réchauffe petit à petit le cœur de la dépression et diminue progressivement son intensité.
Quelles conséquences sur les prévisions de cette semaine ?
Nous sommes donc influencés par une goutte froide devant s’isoler sur le proche-Atlantique cette semaine apportant un temps très perturbé et frais cette semaine. Seulement, de nombreux paramètres restent encore à préciser.
Quelle intensité et localisation ?
La dépression associée devrait s’annoncer assez creuse mais la pression varie suivant les modèles météorologiques, pour la même échéance. Seulement cette différence a beaucoup d’influence sur le temps sensible, au niveau du placement des pluies les plus fortes, de la puissance des vents ou encore des températures.
Différentes modélisations d'intensité du creusement dépressionnaire pour la même échéance entre le modèle Arpège et GFS - Via Météociel.fr
Si sa position générale est envisagée sur le proche-Atlantique, le placement du centre dépressionnaire reste encore indécis et pourra varier encore quelques heures avant l’échéance. C’est là toute la difficulté dans la prévision de ce type d’évènement météorologique.
Des prévisions qui varient grandement suivant les jours :
Comme abordé plus haut, le temps s’annonce perturbé sur le pays. Seulement la localisation exacte des phénomènes les plus forts reste encore très indécise et varie à chaque nouvelle actualisation des modèles météorologiques.
Comparaison des cumuls totaux prévus sur la semaine du 8 au 14 Juin entre deux actualisations - Modèle GFS via WX CHARTS
> Ces deux cartes sont issues du même modèle de prévision (GFS) et représentent les cumuls envisagés d’ici Dimanche 14 au soir. La carte de gauche fut produite sur la modélisation de Dimanche 7 Juin à 18h00 et celle de droite sur celle de ce Lundi à 12h00.
Si la situation générale semble similaire avec les plus fortes précipitations envisagées près des reliefs et sur la façade Atlantique, nous pouvons voir que certains secteurs voient leur cumul passer du simple au double suivant les modélisations et inversement.
>> Par exemple, des cumuls supérieurs à 150mm étaient envisagés sur les Cévennes hier soir entre Vendredi et Samedi, ce matin les cumuls ont été diminués de moitié car le placement des centres d’actions principaux a évolué de quelques dizaines de kilomètres.
>> L’inverse peut être observable sur le centre des Pyrénées avec des cumuls de pluie doublés entre les modélisations d’hier soir et de ce midi.
Le principe est le même au niveau des températures avec des différences notables à chaque nouvelle actualisation des modèles.
Différences de modélisations de températures à 24h d'intervalles pour la même échéance - modèle Arpège via météociel.fr
Notons une différence de 4 à 6°C entre deux modélisations sur le Centre-Ouest et le Sud-Ouest du pays. Si l’actualisation d’hier matin envisageait des températures maximales de 22 à 24°C en journée de Mercredi, ce matin le thermomètre ne dépasserait pas les 20-21°C à cette échéance.
Vous l’aurez compris, les prévisions sont difficiles en ce moment et peuvent grandement varier à chaque nouvelle actualisation de la part de nos prévisionniste. Les placements des gouttes froides sont particulièrement peu aisés à appréhender de la part des supercalculateurs et rendent les prévisions précises quasiment impossibles à plusieurs jours d'échéance.