Orages volcaniques, un phénomène fascinant mais encore mal compris
jeudi 22 août 2019Aussi spectaculaires qu'imprévisibles, ces orages ne sont en général visibles que durant les toutes premières minutes d'une éruption volcanique. Dans certains cas, les conditions nécessaires à leur formation sont réunies durant plusieurs heures voire jours et nous pouvons en profiter pleinement via les images de photographes aguerris.
Quelques manifestations remarquables
Eruption du volcan Eyjafjöll, en 2010.
Photographie de Sigurdur Hrafn Stefnisson
Photographie M. Pizzot
Eruption du Cordon Caulle au sud du Chili, en 2015
Image, Ricardo A. Morh Rioseco. Nous pouvons également voir un orage classique en arrière-plan.
Eruption du Colima, au Mexique, en 2015
"The Power of Nature" © National Geographic Traveler/Sergio Tapiro Valesco. Cette éruption lui a permis de remporter plusieurs prix de photographie.
Eruption du Calbuco au Chili, en 2015
L'éruption du Calbuco de 2015 produisit l'un des orages volcaniques les plus actifs jamais observés, accompagné de fontaines de lave de plusieurs centaines de mètres de haut. Image de Francisco Negroni qui a remporté le 1er prix du concours HIPA sur plus de 32 000 participants
Eruption du Grímsvötn, en 2011
Le Grímsvötn est un volcan islandais situé sur une grande calotte glacière. Contrairement aux orages précédents qui se développaient au sommet d'une montagne ou en région tropicale (ce qui est assez commun pour les orages classiques), celui-ci s'est déclaré sur une calotte glaciaire, produisant tout l'attirail d'un orage classique comme ici, des mammatus. Quelle ne devait pas être la surprise du photographe (Jóhann Ingi Jónsson) en observant un tel phénomène au sein d'un paysage polaire!
Autre image de Gunnar Gestur montrant de nombreux impacts de foudre tombant sur l'immensité glacée de l'Islande.
Afin de vous donner une idée plus précise de l'activité d'un tel orage, voici une vidéo bien représentative prise lors de cet éruption >>
Attention aux images et aux fausses interprétations
les poses longues
Afin de vous montrer des images correspondant à la réalité, nous avons sélectionné les plus représentatives. Cependant, beaucoup d'images disponibles sur internet montrent des nuages constellés d'éclairs. Les photographies étant souvent prise de nuit, il est tentant de faire une exposition très longue pour obtenir un grand nombre d'éclairs, cependant le rendu n'est pas fidèle à la réalité (si l'on avait fait tourner une pose longue sur la durée de la vidéo présentée précédemment, vous auriez vu tous ces éclairs superposés au même endroit)
Image Francisco Negroni
Les orages classiques peuvent être source de confusion
Récemment (dans le nuit du 4 au 5 août 2019), le volcan Agua au Guatemala s'est vu couronné de nombreux éclairs. Cependant, il ne s'agissait pas d'un orage volcanique car aucune éruption n'était en cours au moment de la photographie. Seul un vaste orage classique présent sur les lieux a généré ces foudroiements, le sommet de la montagne étant un point privilégié pour l'électricité (effet de pointe)
Image Alyssa Barrundia
Les faux (fakes sur internet)
Comme nous l'avons vu précédemment, un orage volcanique ne donne pas des dizaines voire centaines d'éclairs à la fois. Hors, la BBC a trafiqué une vidéo du nuage de l'éruption du Cordon Caulle pour lui ajouter des éclairs par paquets en laissant des temps de pause comme lors d'un orage normal. Fake vite repéré par les internautes aguerris mais tout de même partagé plus de 28 millions de fois!
Vidéo originale sur le compte de la BBC >>
Face au vent de critique, la BBC s'est vue obligée de poster un mea culpa, dont les arguments furent croustillants à lire à l'époque!
"Le producteur du film, Tuppence Stone, a déclaré dans un billet de blog que de tels événements pouvaient être difficiles à capturer en vidéo, de sorte que "des techniques spéciales sont nécessaires pour révéler et représenter leur véritable nature extraordinaire""
Un phénomène peu connu scientifiquement
Ces orages sont observés depuis la nuit des temps par les peuples vivant à proximité de volcans actifs. Pourtant , ils font l'objet de peu d'études scientifiques. En effet, un panache éruptif est autrement plus difficile à étudier qu'un orage classique: Brûlant et situé au dessus d'une bouche éruptive pouvant exploser à tout moment, le panache voit passer en son sein des jets de pierre et de lave, présentant un trop grand risque pour que les scientifiques s'en approchent suffisamment.
Première tentative d’observation scientifique lors de l’éruption de Surtsey en Islande en 1963.
Les conclusions des observations de l'éruption de Surtsey ont mené à une théorie proche de celle des orages classiques à savoir que les orages volcaniques seraient produits par une activité électrostatique, où le frottement des particules de cendre produiraient un champ électrique puissant comme la glace dans un orage classique.
Ainsi, paraissait dans la revue Science en 1965:
" Les mesures de l’électricité atmosphérique et des observations visuelles et photographiques nous portent à croire que l’activité électrique est causée par l’éjection du volcan dans l’atmosphère de matériaux porteurs d’une importante charge positive"
Une étude a été menée en 2013 dans les laboratoires de l'université Louis-et-Maximilien de Munich, puis publiée dans la revue Geology, confirmant la théorie de l'électricité statique dans la formation des orages volcaniques.
« les éclairs sont contrôlés par la dynamique des jets chargés de particules, et par l’abondance de particules fines. Le mouvement relatif d’amas de particules chargées génère le potentiel électrique qui est nécessaire pour les éclairs. »
En 2019, une autre étude a mis en évidence un phénomène, pouvant être complémentaire à la première théorie selon laquelle des gaz seuls pouvaient produire un champ électrique suffisant pour déclencher un orage volcanique via la présence de particules radioactives. Cette activité fut observée sur le Stromboli en absence quasi totale de cendres.