Printemps hors norme et sécheresse s'aggravant en France
jeudi 16 avril 2020Depuis le début du confinement, certaines régions françaises n'ont pratiquement pas reçu la moindre goutte de pluie et les taux d'ensoleillement atteignent parfois des niveaux records. Cette première moitié du printemps affiche une configuration presque estivale à échelle de l'Europe.
Une configuration estivale à échelle continentale
Au delà des températures anormalement élevées qui font suite à un hiver déjà historiquement doux, ce sont les anomalies de hautes pressions qui frappent en cette première partie du printemps 2020, responsables d'un manque cruel de pluie dans plusieurs régions.
Pressions moyennes sur la période allant du 14 mars au 12 avril 2020 - via NOAA
Comme l'illustre parfaitement la carte ci-dessus, nous assistons depuis la mi-mars à une domination sans partage des hautes pressions sur une grande partie du continent européen. Celle-ci est particulièrement nette sur l'Europe Centrale, jusqu'au nord de la France et à l'Angleterre. Sur 30 jours, la pression moyenne dépasse les 1022 hPa sur le nord de la France et grimpe au dessus de 1024 hPa sur les Pays-Bas, l'Allemagne ou encore la Pologne.
De telles anomalies de pression sont impressionnantes de par leur étendue et leur longévité, surtout à une saison où le continent européen est normalement concerné par des conditions très tempérées avec une succession de périodes calmes et périodes instables (la définition d'un printemps normal en Europe).
Modélisation de la situation à échelle continentale pour le mercredi 22 avril 2020 - modèle CEP via meteociel.fr
Non seulement cette configuration dure depuis la mi-mars mais elle ne semble pas près de changer. Nous assistons à une véritable situation de blocage, comme le montre la modélisation ci-dessus du modèle européen pour la semaine prochaine. Les hautes pressions devraient même occuper de plus vastes régions encore, s'étirant du Groenland jusqu'à la Mer Baltique en englobant le nord de la France.
Avec cette omniprésence des hautes pressions sur tout le nord du continent, la circulation zonale (flux d'ouest) est aux abonnés absents et les seules dépressions qui circulent prennent la forme de gouttes froides transitant au sud de l'anticyclone, depuis les Açores jusqu'au bassin méditerranéen. C'est pourquoi le sud de la France pourra subir averses & orages dès dimanche et en début de semaine prochaine (remontant aussi sur l'ouest) tandis que le nord et le nord-est seront encore et toujours concernés par un temps sec.
Des taux d'ensoleillement records au nord
Avec ces hautes pressions omniprésentes depuis des semaines sur la moitié nord de la France, plusieurs régions enregistrent des taux d'ensoleillement exceptionnels, voire records.
Rapport à la normale de l'ensoleillement en France du 1er mars au 14 avril 2020 - via Météo France
Sans surprise, le soleil a nettement plus brillé que la normale depuis le début du printemps météorologique. Sur un mois et demi, les anomalies sont particulièrement prononcées sur la moitié nord de la France, de la Bretagne en direction du quart nord-est. Sur 45 jours, l'excédent d'ensoleillement dépasse les +50% à la normale de la Franche-Comté jusqu'à la frontière belge !
À l'inverse, les taux d'ensoleillement sont plus proches de la norme de l'Aquitaine à la Méditerranée et même légèrement inférieurs à celle-ci vers les Pyrénées. En effet, cette situation de blocage favorise les anomalies instables sur l'Espagne avec un temps humide et frais.
Valeurs records d'ensoleillement sur la période allant du 21 mars au 14 avril 2020 - via LCI / Guillaume Woznica
C'est sur le quart nord-est de la France que les taux d'ensoleillement sont les plus remarquables. Sur la dernière décade du mois de mars et les 14 premiers jours d'avril, plusieurs stations ont battu des records. C'est le cas à Luxeuil en Franche-Comté où le soleil a brillé 267 heures en l'espace de 25 jours, alors que la normale y est de 241h au cours des 31 jours du mois de juillet !
Paris a également battu son record d'ensoleillement sur cette période allant du 21/03 au 14/04 avec 228 heures de soleil, plus qu'un mois de juillet classique dans la capitale où la normale est de 212h ! Le tableau des records ci-dessus est non-exhaustif. De nombreuses villes enregistrent des records sur la période.
Nette aggravation de la sécheresse de surface
Avec ces hautes pressions durables responsables d'un ensoleillement record et d'une absence quasi-totale de pluie, la sécheresse de surface ou "sécheresse agricole" s'est développée un peu partout en France et atteint des niveaux exceptionnels dans certaines régions.
Indice d'humidité des sols par rapport à la normale au 14 avril 2020 - Météo France
En cette mi-avril, l'humidité des sols atteint des niveaux très bas sur une grande partie de la France. Toutes les régions du nord et de l'est sont fortement touchées par la sécheresse de surface et seul le département des Pyrénées-Orientales enregistre des sols plus humides que la normale. Par endroits, la sécheresse atteint même des niveaux records pour cette époque de l'année !
Évolution de l'indice d'humidité des sols en Franche-Comté du 1er février au 12 avril 2020 - Météo France
L'est de la France est le plus touché avec une humidité des sols atteignant des niveaux exceptionnellement bas. La Franche-Comté en est un parfait exemple. Alors que les sols étaient exceptionnellement humides au début du mois de mars - atteignant même des records hauts - ils atteignent désormais les records bas ! La sécheresse de surface n'a cessé de s'accentuer ces dernières semaines en raison de l'absence de pluie additionnée à un soleil omniprésent mais aussi à une bise (vent de nord-est) fréquente.
Pluie en vue, mais pas partout...
Des conditions plus instables vont se manifester sur la France dans les prochains jours, surtout à compter de la journée de dimanche. L'ouest et le sud seront les principaux concernés tandis que les régions du nord-est devraient être les grandes oubliées...
Modélisation des quantités de pluie attendues jusqu'au mercredi 22 avril 2020 - modèle CEP via meteorologix.com
Malheureusement, les prévisions n'augurent rien de bon pour les régions d'un large quart nord-est qui devraient rester en marge des remontées instables prévues à partir du dimanche 19 avril. De plus, le soleil devrait dominer sur ces régions la semaine prochaine avec un vent continental, de quoi renforcer encore un peu plus la sécheresse...
Pour le sud et l'ouest de la France, ce sont des pluies salvatrices qui sont attendues entre dimanche et le début de la semaine prochaine. Les cumuls seront parfois conséquents, notamment en Occitanie. La sécheresse de surface devrait nettement reculer sur ces secteurs.