Sécheresse et chaleur : Les forêts françaises dépérissent
vendredi 4 septembre 2020Une sécheresse toujours aussi présente :
La sécheresse se montre persistante en cette fin d’été sur la majorité du pays. Les précipitations ont été très déficitaires durant l’été sur de larges zones, notamment du Sud-Ouest au Nord-Est et près de la méditerranée.
Cumuls de précipitations mesurés en France sur les mois de Juillet et Août 2020 - Météo-France
Cumuls de précipitations moyens en France sur les mois de Juillet et Août - Météo-France
Cet été très sec fait également suite à un printemps déficitaire au niveau des précipitations. De ce fait la situation s’aggrave sur une grande partie de la France et les restrictions d’eau concernent de plus en plus de secteurs.
Arrêtés et restrictions d'eau en France au 3 septembre 2020 - Via Propluvia
Si cette situation de sécheresse a une grande influence sur l’agriculture, les forêts souffrent également du manque d’eau. De nombreuses espèces sont très influencées par la teneur en eau des sols et les arbres meurent les uns après les autres dans nos forêts.
Sols secs : les arbres meurent de soif
Pour survivre à la période estivale et sèche, les arbres possèdent différents mécanismes pour limiter les effets : les chênes par exemple cessent de transpirer pour économiser la moindre goutte d’eau, les bouleaux perdent leur feuilles, les tilleuls modifient leur fonctionnement interne pour s’adapter plus facilement au manque d’eau.
Conséquences de la sécheresse sur les chênes verts - Via Leparisien
Néanmoins, si la plupart du temps ces techniques sont suffisantes pour leur permettre de survivre, cette année est différente. Les observations sont formelles, nous assistons à un déperissement massif de nos forêts depuis plusieurs semaines et le pire est encore à venir.
>> Si ces observations se concentraient jusqu’alors principalement sur la moitié Sud du pays (plus soumise à la sécheresse récurrente qu’au Nord), cette année c’est la majeure partie du pays qui est concernée.
Arbres morts suite à la sécheresse de 2019 dans les forêts vosgiennes - Frederick Florin via AFP
Un grand quart nord-est voit ses arbres rendre l'âme à vitesse grand V. Dans les forêts alsaciennes, champenoises ou lorraines, la situation est déjà critique avec de nombreuses espèces menacées. C’est en effet une des régions les plus touchée par cette sécheresse intense avec un manque d’eau très important depuis le printemps.
Indicateur de la sécheresse des sols de mai à juillet 2020 - Météo-France
Les nappes phréatiques, lieu ou puisent les arbres pour s’alimenter en eau sont à des niveaux très bas et la situation ne semble pas vraiment vouloir évoluer dans les prochaines semaines, le déficit étant bien trop important.
Etat des nappes phréatiques au 31 Juillet 2020 - Via BRGM
Le problème est que cette sécheresse dure depuis bien plus longtemps que ce que nous pouvons imaginer. Déjà les printemps 2018 et 2019 furent déficitaires dans ces régions, les 6 premiers mois de l’année 2019 avaient déjà vu plus de 100 000m3 de sapins dépérir sur la moitié Sud du Haut-Rhin.
Sapin mort dans le Haut-Rhin suite à la sécheresse de 2019 - Via AFP
Si la sécheresse en elle-même provoque déjà la mort de nombreux végétaux, celle-ci les fragilise également, les rendant bien plus vulnérables à l’assaut des insectes. De ce fait, des pans entiers de forêt disparaissent peu à peu si bien que la disparition d’une essence est réellement présente. Dans les années 1970, une maladie importée avait provoqué la mort de 99% des ormes. En 2018, 1.2 millions de m3 de forêts avait été touché par les maladies et insectes. Au total sur l’Europe, 60 à 80 millions d’épicéas ont été infestés durant l’année 2019.
Par exemple, la forêt de Hardt est déjà en voie de steppisation, les chênes majestueux dominant jusqu’alors ont laissé la place à la broussaille et au bois mort.
Arbres en dépérissement dans la forêt de Hardt - Thierry Gachon pour l’alsace.fr
Quelles solutions pour parer à cette crise ?
L'Etat a mis en place une cellule de crise nationale, mais il n'existe pas vraiment de solution à opposer aux insectes qui, pour ne rien arranger, profitent de la chaleur pour se reproduire plus vite. Tout comme pour la sécheresse, les prévisions climatiques envisagent en effet des périodes sèches de plus en plus récurrentes et importantes d’ici l’horizon 2100.
Simulation de l'indice d'humidité des sols moyen sur le pays durant les prochaines décennies avec une augmentation accrue du risque de sécheresse - ClimSec via météo-France
Il faut également prendre en compte que la forêt est très sensible aux variations de températures et les prévisions estiment que les températures moyennes devraient gagner entre +1.5 et +5°C d’ici 2100 en France, été comme hiver donc.
Scénarios de l'évolution de températures d'ici 2100 en France - Météo-France, CNRM, GIEC
Les vagues de chaleur vont également devenir plus récurrentes et fortes et celles-ci ont une grande incidence sur la végétation, on se souvient des images de végétation brûlée par la chaleur lors de la canicule exceptionnelle de Juin 2019 sur le Sud de la France :
Vignes brûlées par la chaleur après la canicule de Juin 2019 dans l'Hérault - Via AFP
Le problème est que la biodiversité des écosystèmes français est calée par rapport au rythme des saisons, avec des hivers doux, des printemps sec et des étés très chauds cette biodiversité est peu à peu bouleversée.
Arbres morts dans les forêts du Nord de la France - via lunion.fr
Une solution serait d’adapter les massifs forestiers à ces conditions futures et ce dès aujourd’hui. Les scientifiques travaillent déjà sur plusieurs hypothèses permettant peut-être de limiter les dégâts de ce climat futur.
> La distanciation sociale est une des solutions étudiée, le but étant de séparer le plus possibles les différents arbres pour permettre un accès à l’eau mieux réparti et plus efficace, permettant d’évier la mort de pans entiers de forêts, ce qui est également valable pour les maladies.
> Une autre solution, qui est déjà à l’étude depuis de nombreuses années, est d’adapter dès aujourd’hui la forêt aux conditions météorologiques futures en plantant par exemple des souches résistantes issues du Sud. C’est actuellement le cas dans les forêts des Vosges où les arbres morts sont remplacés par des essences similaires mais plus adaptées.
Avec un climat de plus en plus chaud surla France, les espèces méditerranéennes vont de toute façon s'étendre de plus en plus vers le Nord dans les prochaines dizaines d'années. Seulement ceci se fera au détriment de nombreuses autres espèces.
Prévision de l'étendue des différents types de forêts d'ici l'horizon 2100 avec des espèces méditerranéennes de plus en plus étendues sur le pays - Météo-France
>> Les lignées du Sud se sont en effet habituées depuis des générations à des conditions plus extrêmes, par exemple aux étés très secs et chauds. Celles-ci sont donc plus à même de survivre au Nord où les conditions deviennent de plus en plus difficiles pour les anciennes essences. Par exemple, le cèdre qui est originaire du Maroc où le sapin Nordmann qui est lui originaire de Turquie.
Cèdre du liban dans son environnement d'origine - Wikipedia
>> Dans tous les cas, la situation n’est pas partie pour s’arranger. Cette 3ème année de sécheresse consécutive nous rappelle l’importance de la mise en place de solutions pour faire face au réchauffement climatique au niveau de nos forêts, sous peine de conséquences parfois désastreuses sur la biodiversité française.