Tempête solaire - des aurores boréales jusqu'en France?
samedi 28 septembre 2019Aurores et tempête géomagnétique
Notre planète est entourée d'un champ magnétique, luttant contre les particules chargées venant du Soleil (vent solaire). En cas d'éruption solaire ou de trou coronal, il arrive que ce flux augmente rapidement jusqu'à mettre à mal ce bouclier. La magnétosphère (trait violet épais) est alors déformée et ce flux de particules atteint la Terre de façon plus forte qu'à l'accoutumée, provoquant de grandes aurores.
Schéma extrait du nouveau livre de Guillaume SECHET "Meteo Extrême" qui sortira le 17 octobre 2019
Quand le Soleil présente un pic d'activité (nombreuses tâches solaires, éruption), il arrive que des éjections de plasma (matière chargée électriquement) entrent en collision avec cette magnétosphère et "arrachent" des lignes de champ magnétique, libérant de grandes quantités de matière. Ces paquets de matière chargée se dirigent alors vers les pôles et des latitudes plus basses, il se produit alors une tempête géomagnétique.
Modélisation du champ magnétique terrestre lors d'une tempête solaire - la rupture ou l'affaiblissement des lignes de champ magnétique face au Soleil engendrent la chute de particules chargées vers la planète. Plus les couleurs sont chaudes, plus ces particules sont nombreuses.
Afin de mesurer la magnitude d'une tempête géomagnétique, l'indice le plus utilisé est le "K-index planétaire" noté "Kp" sur une échelle de 0 à 9.
- S'il est inférieur à 4, nous sommes en présence de conditions normales ou d'une faible activité solaire. Les aurores sont alors réservées aux régions polaires.
- S'il est supérieur à 4, nous parlons de tempête/orage géomagnétique. C'est à ce stade que les aurores commenceront à descendre en latitude pour intéresser les régions plus tempérées et donc plus peuplées.
Cette nuit, le Kp est monté à 5 en moyenne, avec des pointes temporaires à 6.
Indice Kp de ces 3 derniers jours mettant en évidence la tempête en cours
Des aurores boréales dans toute la moitié nord de l'Europe!
Ainsi, de nombreux des latitudes moyennes ont pu profiter des aurores. En Europe, l'Ecosse, le Danemark et le nord de l'Allemagne ont été plus particulièrement concernés. Descendues jusqu'à 52/53° de latitude Nord en Europe, elles ont bien failli être visibles en France!
Cette image est prise la nuit dernière depuis le cercle néolithique de Brodgar à Orkney, en Ecosse, illustre bien l'activité intense qui a été observée. Image Twitter de Stephan Brzozowski >>
Certains passagers nocturnes volant en Amérique du Nord ont également pu profiter d'un spectale extraordinnaire la nuit dernière au-dessus du Labrador
Image Twitter de Jeremy Kuzub >>
Aurore boréale observée en Estonie par Kairo Kiitsak >>
Des aurores en France?
Malheureusement, cette tempête géomagnétique n'était pas suffisamment forte pour rendre les aurores visibles sous 51° de latitude Nord (Nord de la France, Dunkerque). Mais il arrive que cela soit possible. En effet, les premières aurores sont visibles à Dunkerque à partir d'un Kp7, au nord de la Loire pour un Kp8 et même jusque dans la moitié sud pour un Kp9! De telles valeurs s'observent lors de tempêtes géomagnétiques très puissantes.
Visibilité des aurores boréales en Europe selon le Kp - aurora-service.eu
Les aurores boréales en France sont rares mais pas exceptionnelle. Nous pouvons même dire qu'elles reviennent tous les 11 ans en moyenne (+/- 3ans). En effet, les périodes d'activité solaire varient selon un cycle de 11ans, et c'est lors des pics d'activité, tous les 11ans en moyenne, que les aurores sont visibles en France si une tempête bien placée se produit à cette période.
Sur ce graphique, nous pouvons identifier clairement les pics d'activité solaire, nous pouvons notamment voir ceux de 2003 et de 2015. Plus le Soleil présente de tâches, plus il est actif. La courbe s'exprime en nombre de tâches observées par mois.
Année 2015
En 2015, le Kp a atteint à plusieurs reprises des moyennes de 8 sur 3h. Notamment en mars et en juin où des aurores boréales ont été visibles sur presque tout le pays à l'exception de l'extrême-sud de la France. La tempête du mois de mars fut la plus puissante de la décennie.
Indice Kp du 17 au 20 mars 2015 mettant en évidence la plus forte tempête solaire de l'année
A cette occasion, les observateurs étaient nombreux en France. Des aurores boréales étaient par exemple nettement visibles à la latitude de Paris (dans le Perche près de Chartres)
Image - Jérémie GAILLARD
L'observation en plaine la plus au Sud aura été effectuée par Louis HECKER dans le Tarn (81) - cette aurore était trop faible pour être visible à l'oeil nu à cette latitude.
Image - Louis HECKER >>
Aurore boréale observée en Bretagne par Matthieu JEANSON le 23 juin 2015 lors d'un autre pic d'activité aurorale.
Image - Matthieu JEANSON >>
Année 2003
Comme nous pouvons le constater sur le graphique des cycles solaires, l'année 2003 fut bien plus active. Le Kp avait alors atteint plusieurs fois 9 en valeur moyenne sur 3h!
Indice Kp du 29 octobre au 1er novembre 2003 mettant en évidence la plus forte tempête solaire de l'année
Durant cette tempête, les aurores descendaient bien plus au Sud. De nombreux témoins, impressionnés par le phénomène, ont capturé le phénomène sur des appareils photos encore très onéreux à l'époque.
Image - Sylvain HOUPERT >>
Aurore boréale probablement observée au-dessus du Calvados, en Normandie (à confirmer) - auteur à identifier
Plus tard dans l'automne, le 20 novembre, une deuxième tempête géomagnétique très puissante a frappé la planète, engendrant de nouvelles aurores boréales visibles jusqu'au sud de l'Europe.
Aurore boréale du 20 novembre 2003 à Belfort - Raymond MERCIER >>
Aurore boréale du 20 novembre 2003 en Gascogne - Pierre-Paul FEYTE >>
En cas d'activité solaire exceptionnellement puissante, les aurores peuvent descendre jusqu'à des latitudes très basses et se rapprocher de l'Equateur. On notera les aurores de 1909 qui ont été observées jusqu'à Hawaï, Singapour et Jakarta ainsi que celle de 1872 qui fut observée à Bombay et en Egypte. De telles tempêtes géomagnétiques à notre époque provoqueraient probablement un black-out mondial par surtension des réseaux électriques et une destruction des satellites.