Temps anticyclonique : quelles conséquences ?
vendredi 10 février 2023
L'anticyclone domine de nouveau sur la France depuis la fin du mois de janvier et devrait encore perdurer au moins jusqu'à la dernière décade de février. Ce type de temps durablement calme semble se multiplier depuis maintenant plusieurs années et a des conséquences plus ou moins importantes sur notre vie de tout les jours.
Pourquoi cette récurrence de périodes anticycloniques ?
Ce constat de périodes de temps anticyclonique de plus en plus récurrentes a été confirmé par un rapport du GIEC rendu public à la fin d'année 2021. La cellule de Hadley, située entre l'équateur et le 30ème parallèle et apportant un air plus stable sur sa partie Nord (en général autour des Açores) remonte en effet peu à peu vers le Nord au fil des années, à raison de 0,5° par décennies.
Schéma de la migration de la cellule de Hadley - via kartable.fr
Or, une migration de 0,5° vers le Nord par décennie de cette fameuse cellule de Hadley correspond à un déplacement d'environ 55km par période de 10 ans, une valeur qui semble dérisoire à l'échelle de la planète mais qui se montre suffisante pour observer des modifications climatiques à l'échelle de la France.
En effet, cette remontée progressive de la cellule de Hadley engendre une propagation des centres d'actions vers le Nord. Si les Açores, de par leur position géographique, sont régulièrement concernées depuis le début des observations météorologiques par des périodes anticycloniques durables (anticyclone des Açores), ce décalage des centres d'action vers des régions plus septentrionales induit également un lent déplacement de cet anticyclone vers le Nord et donc vers la France et l'Ouest de l'Europe.
Schéma de l'évolution des types de temps dominants sur l'Europe depuis quelques années – Météo-Villes
Ainsi, si les périodes anticycloniques durables étaient autrefois aussi exclusivement réservées au Sud de notre continent (notamment les abords de la péninsule ibérique et de la Méditerrané), on constate aujourd'hui que les hautes pressions ont véritablement tendance à se propager plus facilement vers notre pays et s'y installer durablement.
Ceci fut particulièrement visible durant l'année 2022 sur l'Europe et la France avec une nette domination des hautes pressions sur l'Ouest du continent. En observant la moyenne des pressions annuelles, on peut en effet aisément remarquer que l'anticyclone des Açores s'est souvent propagé jusqu'à nos contrées, induisant donc un temps régulièrement calme et anticyclonique et confirmant également cette tendance à la remontée vers le Nord des centres d'actions principaux.
Pression moyenne observée en Europe et dans le Monde durant l'année 2022 – Climate Reanalyzer
Cette tendance semble d'ailleurs perdurer en ce début d'année 2023 avec des anomalies de pression encore très positives sur l'Ouest de l'Europe et la France depuis la dernière décade de janvier, de façon très similaire à ce que nous avons déjà observé durant l'année 2022.
Anomalies de pression sur l'Europe entre le 21 janvier et le 7 février 2023 - NOAA
Quelles conséquences ?
Une sécheresse de plus en plus récurrente :
Un temps calme et anticyclonique rime forcément avec des précipitations globalement déficitaires sur notre pays. Plus les périodes anticycloniques se montreront récurrentes et durables, plus le manque de précipitations se fera en effet sentir.
Après une année 2022 historiquement sèche, l'hiver 2022-2023 aurait du permettre au sol de s'humidifier plus efficacement et aux ressources en eau souterraines de revenir à des niveaux plus satisfaisants. Or, les précipitations ont été trop insuffisantes pour permettre de combler le déficit et le retour durable des hautes pressions durables pour ce mois de février 2023 n'arrange rien à la situation générale. Les niveaux des nappes phréatiques sont situés majoritairement sous les normales à l'échelle du pays et certaines régions observent déjà des restrictions d'eau, en plein mois de février...
État des nappes phréatiques au mardi 7 février 2023 - via info-secheresse.fr
Si les périodes de temps calme et anticycloniques durables continuent de se multiplier, les situations de sécheresse s'annoncent de fait de plus en plus récurrentes et inquiétantes en France dans les prochaines années avec toutes les conséquences que cela implique sur la gestion de l'eau mais également sur la végétation. On constate en effet une augmentation de 7% de la surface touchée par la sécheresse depuis 60 ans à l'échelle du pays
Evolution du pourcentage annuel de la surface touchée par la sécheresse en France depuis 1959 - Via Twitter @SergeZaka
De pics de pollution plus fréquents :
Lors des périodes anticycloniques, le temps calme (notamment l'absence de vent) et les phénomènes d'inversions thermiques engendrent une accumulation des particules fines dans les basses couches de l'atmosphère comme c'est le cas actuellement sur la France. Les taux de pollutions sont de ce fait bien plus élevés en période anticyclonique que lors de situations plus agitées.
Evolution des concentrations en particules fines (PM2.5) sur la France entre le 10 et le 13 février 2023 – Prev'Air
Si les périodes anticycloniques durables se multiplient, les épisodes de pollution atmosphérique seront également plus fréquents avec des conséquences sur les organismes les plus fragiles, notamment durant la saison hivernale où les rejets de polluants sont plus importants que durant l'été.
Une baisse de la production d'électricité :
Autre conséquence de la récurrence du temps calme, la baisse de production d'électricité éolienne en France. Les conditions anticycloniques apportent en effet un vent globalement faible qui diminue de ce fait la production d'énergie sur notre pays. Cette baisse sensible est d'ailleurs visible depuis la mise en place du temps calme et anticyclonique sur la France en ce début d'année 2023.
La première quinzaine du mois de janvier s'était montrée assez agitée avec une succession de perturbations et même de tempêtes sur notre pays avec de ce fait une production d'énergie éolienne assez importante. Toutefois, les hautes pressions et le temps calme ont repris le dessus à partir de la fin de semaine du 13 au 19 janvier et la production énergétique a depuis largement diminué.
Evolution de la production d'énergie éolienne en France entre le 1er janvier et le 10 février 2023 - rte-france.com
Ainsi, plus les périodes anticycloniques seront récurrentes, moins l'énergie éolienne produite par la France sera importante. Seulement l'énergie éolienne n'est pas la seule impactée par ces situations de temps calme à répétition.
L'énergie hydraulique est également soumise à ces périodes de temps calme et sec. Lors de périodes de sécheresse durable, la production énergétique des barrages français chute en raison de la diminution des débits des cours d'eau et du niveau d'eau des lacs. Ce fut par exemple le cas l'année dernière où la production hydroélectrique était en baisse de 35 % en juillet 2022 par rapport à juillet 2021. Cette valeur était même encore plus importante durant le mois d'août où elle fut inférieure de 40% à celle d'août 2021.
Le niveau du lac de Serre-Ponçon était au plus bas au début de l'été 2022 suite à la sécheresse, impactant la production d'électricité du barrage du secteur – BFMTV
Il est d'ailleurs important de noter que l'énergie hydraulique est la deuxième source d'approvisionnement en électricité des français derrière le nucléaire, des périodes de sécheresse à répétition pourraient donc avoir de lourdes conséquences sur notre capacité de production de ce type d'énergie.
Une météo également plus ennuyeuse :
Enfin, la récurrence des périodes anticycloniques a également une conséquences sur le trafic des sites internet de météorologie. Les périodes anticycloniques présentent en effet peu de phénomènes météorologiques intéressants et l'intérêt général du grand public pour la météo en est donc également diminué.