Une vraie vague de froid est-elle encore possible en France ?
lundi 23 janvier 2023
Des conditions hivernales règnent depuis une semaine mais nous restons loin d'un froid majeur. Une vague de froid au sens strict du terme est-elle encore possible en France ?
L'épisode actuel n'est pas une vague de froid
S'il est vrai que les températures sont inférieures aux normales saisonnières depuis maintenant une semaine entière, l'anomalie froide n'est pas suffisamment prononcée pour que l'on parle de "vague de froid". Météo France définit ce terme par un épisode de froid marqué faisant s'abaisser l'indicateur thermique national sous les -2°C pendant au minimum trois jours. Or, la valeur la plus basse des derniers jours fut enregistrée ce dimanche 22 janvier 2023 avec à peine +0,6°C, encore loin du seuil des -2°C ! Les nombreux médias qui emploient le terme de "vague de froid" pour qualifier le froid actuel commettent donc un abus de langage. Il faut plutôt parler d'un simple coup de froid.
Indicateur thermique nationale et rapport à la normale du 1er au 23 janvier 2023 - via infoclimat.fr
La séquence froide qui dure depuis maintenant une semaine a été engendrée par une coulée d'air polaire venue des hautes latitudes. Comme le flux est longtemps resté orienté au secteur nord-ouest, le froid est resté modéré car ce dernier doit d'abord traverser les eaux du nord de l'Atlantique, de la Mer de Norvège et de la Mer du Nord avant de nous atteindre. Il s'agit donc d'un froid d'origine maritime qui a le temps de s'atténuer avant d'atteindre notre pays. En France, il faut généralement un flux continental (d'est ou nord-est) pour que le froid soit intense.
Situation à échelle continentale le mardi 17 janvier 2023 - carte via ECMWF
Outre l'origine maritime du froid, il faut également souligner que la nébulosité ne favorise pas son accentuation. En effet, une bonne partie de la France était recouverte par la grisaille ce lundi 23 janvier 2023. Or, cette imposante couverture nuageuse limite considérablement le rayonnement nocturne. C'est pourquoi les gelées - bien que fréquentes - restent faibles dans la plupart des régions avec un froid matinal qui n'a absolument rien d'exceptionnel.
Image satellite de ce lundi 23 janvier 2023 en après-midi - carte via Sat24
Manque d'alimentation en air très froid
Située au carrefour de plusieurs mers et de l'Atlantique, la France est loin d'être surexposée au risque de vague de froid. Tandis que le flux de nord à nord-ouest amène un froid maritime (et donc modéré), seuls les flux de nord-est à est sont à même de générer des épisodes de températures très basses. Cependant, cette seule donnée ne suffit pas. Il faut également qu'un anticyclone s'installe vers la Scandinavie et l'ouest de la Russie pour que l'air froid soit efficacement drainé jusqu'à nos régions mais aussi et surtout qu'une masse d'air très froid soit présente sur le nord-est de l'Europe. Autant dire que la mise en place d'une vague de froid en France n'est pas aisée.
Schéma des flux en France durant la saison hivernale - Météo Villes (fond Google Maps)
Depuis ce week-end des 21 et 22 janvier 2023, le flux a tendance à virer au secteur nord-est en France. On pourrait s'attendre à ce que le froid s'accentue sous l'effet du fameux "Moscou-Paris", d'autant que le froid n'a actuellement aucun mal à s'étendre jusqu'au nord du Maghreb. Sauf qu'il n'y a actuellement pas d'air très froid sur le nord-est de l'Europe et la Russie. D'ailleurs, la masse d'air à 850 hPa (vers 1500 mètres) est actuellement plus froide dans le sud et l'est de la France que dans la région de Moscou ! Nous sommes à mille lieues de la situation de janvier 1987, au cours de laquelle une masse d'air glaciale concernait l'ouest de la Russie et avait été advectée directement vers la France en causant une vague de froid majeure.
Comparaison des masses d'air à 850 hPa (vers 1500m) les 12 janvier 1987 et 23 janvier 2023 - via meteociel.fr
Une grande vague de froid est-elle encore possible ?
Comme nous venons de le voir plus haut, plusieurs conditions doivent être réunies pour qu'une vague de froid touche la France. La dernière fois qu'une configuration idéale avait été réunie remonte sans doute à février 2012. À l'époque, un anticyclone surpuissant se centre sur la Scandinavie avec un coeur atteignant les 1060 hPa tandis qu'un air glacial est présent sur le nord-est de l'Europe. Sous l'effet d'un flux continental bien établi, un air particulièrement froid avait atteint la France durant une douzaine de jours. La mécanique était parfaitement huilée !
Situation à échelle continentale le 2 février 2012 - via wetterzentrale.de
Malgré que cette configuration se soit mise en place à l'ère d'un réchauffement climatique déjà bien avancé, cela n'avait pas empêché des masses d'air particulièrement froid d'arriver jusqu'en France. À l'époque, une réserve d'air glacial particulièrement imposante recouvrait toute l'Europe Centrale, la Scandinavie et l'ouest de la Russie. Entre Rhône-Alpes et l'Alsace, le seuil des -20°C à 850 hPa avait été frôlé début février 2012 (un cran moins froid qu'en janvier 1987) !
Masses d'air à 850 hPa (vers 1500m) le 5 février 2012 - via meteociel.fr
Pour rappel, les températures avaient atteint des niveaux remarquablement bas sur une grande partie de la France lors de la première quinzaine de février 2012. On avait mesuré -19,7°C à Reims en Champagne, -19,9°C à Romorantin dans le Centre et -20,2°C à Mulhouse en Alsace ! Le sud-ouest n'avait pas été épargné avec -12,5°C à Toulouse et même -17,1°C à Bergerac en Dordogne ! Ces valeurs enregistrées il y a 11 ans nous rappellant que malgré le réchauffement climatique, une vague de froid marquée est toujours possible en France si tous les ingrédients nécessaires sont réunis.
Températures minimales lors de la vague de froid de février 2012 - via infoclimat.fr
Il convient toutefois d'apporter une nuance. Nous constatons une accélération du réchauffement en Europe de l'Ouest et notamment en France depuis 2015. Une même configuration donnerait-elle des valeurs aussi basses en 2023 ? Rien n'est moins sûr...