Vague de froid aux Etats-Unis - le bilan
samedi 2 février 2019Le contexte
Il existe tout autour de la planète des vents dominants, d'ouest dans l'hémisphère nord et d'est dans l'hémisphère sud. Près des pôles, ces courants tendent à s'enrouler autour du pôle nord géographique créant un vortex, couramment appelé "Vortex polaire". En temps normal, celui-ci prend grossièrement une forme d'ellipse qui entoure le pôle, contenant l'air froid à l'intérieur.
Configuration "normale" du Vortex Polaire - Température à 2m carte GFS http://www.meteociel.fr
Mais, il arrive par moments que ce vortex d'air froid se brise, et que l'air froid se mette à sortir significativement de son aire d'origine. En hiver, le phénomène est encore plus remarquable car l'air se refroidit d'avantage en passant par les continents. Ce phénomène s'appelle un décrochage du vortex, et celui-ci est intimement lié aux mécanismes qui créent les vagues de froid.
C'est exactement ce qu'il s'est passé durant la fin janvier sur les Etats-Unis. Une poche d'air froid s'est "décrochée" du pôle, amplifiée au dessus des terres sur le Canada avant de s'échouer à une latitude d'environ 45°N, au niveau des Grands Lacs enserrant toute une région dans un froid plus intense qu'au pôle.
Animation de la température de l'air à 1500m et géopotentiel entre le 27 à 00h00 UTC et le 31 janvier 2019 à 09h00 UTC - © Modèle du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, développé en partenariat avec Météo-France.
La vague de froid durera moins d'une semaine (en moyenne trois à quatre jours). Le pic d'intensité lors du passage de l'air le plus froid est atteint à Chicago le 30 janvier au matin, où la température descendra à -30,6°C! Cette valeur est proche du record absolu de cette ville atteint le 20 janvier 1985 dans des conditions similaires.
températures sous abri à 2m relevées le 30 janvier au matin - © Modèle du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, développé en partenariat avec Météo-France.
La vague de froid en chiffres
- -47,7 °C à Geraldton (Ontario, sud Canada) le 28/01, à 2,5 °C de son record absolu de -50,2 °C le 31/01/1996
- -45 °C à Kabetogama (Minnesota) le 27/01, température la plus basse de cet épisode aux USA
- -43 °C à International Falls (Minnesota) le 27/01
- -35 °C à Waterloo (Iowa) le 31/01, pas loin de son record absolu de -36,7 °C le 16/01/2009
- -35 °C à Rockford (Illinois) le 31/01, record absolu historique battant les -32,8 °C du 10/01/1982
- -36,1 °C à Moline (Illinois) le 31/01, record absolu historique battant les -33,3 °C du 03/02/1996
- -34,4 °C Cedar Rapids (Iowa) le 31/01, record absolu historique battant les -33.9°C, 15/01/2009
Source: http://www.meteofrance.fr
Les températures relevées à 2m sont donc localement passées... 30°C sous les normes!
Carte des anomalies de température à 2 m relevées à 2 m le 31 janvier 2019 à 00 UTC - © Climate Reanalyzer.
Dans un contexte de Réchauffement Climatique Anthropique (RCA), cette vague de froid aux températures parfois records est souvent incomprise. Connu pour son climatosceptisme, le président des Etats-Uni, Donald TRUMP, écrit ceci:
"Que diable se passe-t-il avec le réchauffement climatique ? S’il te plait reviens, vite, nous avons besoin de toi !"
Réaction qui aura vivement fait débat dans la sphère médiatique notamment outre-Atlantique. Cependant, comme souvent, la confusion est faite entre météorologie et climatologie. Si la vague de froid s'inscrit dans un contexte météorologique bien précis, le RCA, lui, s'inscrit dans le registre climatologique sur des périodes autrement plus longues que quelques jours.
Pour se convaincre de l'anomalie que représente cette vague de froid à l'heure actuelle, voici la courbe représentant les surfaces du monde situées entre 25 - 50°N et 50 - 130° O (grossièrement, les Etats Unis) avec le jour le plus froid de l'année plus froid que la valeur de retour de 10 ans ajustée sur 1901-1950.
Sous entendu, la fraction de territoire concernées par des températures significativement basses, par rapport aux normes d'époque.
Nous voyons ici que, finalement, cette vague de froid est peu significative à l'égard de ce qu'il se faisait le siècle dernier...
Source et données: Robert Rohde, Gavin Schmidt
La vague de froid en images
Les chutes du Niagara gelées le 30 janvier par Lars Hagberg
Formation de banquise poussée depuis la côte par le vent, face à Chicago - image Sentinel 2
Les parties du lac libérées de la glace par le vent "fument" abondamment, par contrastre thermique entre l'eau tiède et l'air glacial.
Accumultion de glace devant Chicago le 31 janvier.